Important
Violences sexuelles
Connaître les différents types de violences, l’épidémiologie et la législation
Décrire la prise en charge immédiate d’une personne victime de violences sexuelles
Généralités sur les violences sexuelles
épidémiologie
- 16% des femmes ayant subi des rapports forcés (ou tentatives) au cours de leur vie
- 154 000 femmes (de 18-75 ans) victimes de viol en France entre 2010 et 2011
- > 50% des viols surviennent sur mineurs
Abus sexuel
3 groupes
- SANS CONTACT PHYSIQUE : harcèlement, appels téléphoniques, exhibitionnisme
- AVEC CONTACT PHYSIQUE : attouchements, baisers, caresses
- VIOL : tout acte de pénétration sexuelle effectuée contre la volonté de la personne par surprise, menace, violence ou contrainte (défaut de consentement résultant d’une violence physique ou morale)
ARTICLE 222-23 DU CODE PÉNAL : «tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Une pénétration orale peut être qualifiée de viol»
RESPONSABILITÉ PÉNALE: crime pour les viols / délit pour autres types d’abus
Réquisition judiciaire
- Obligation de recevoir un patient et de répondre à une liste de questions formulées
- Rédaction d’un certificat médical descriptif / réalisation d’examens complémentaires..
IL S’AGIT D’UNE DÉROGATION AU SECRET MÉDICAL«Le secret professionnel n’est pas applicable au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du Procureur de la République, les sévices qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises.»
«Lorsque la victime est mineure ou vulnérable, son accord n’est pas nécessaire.»
Prise en charge diagnostique
Objectifs de la prise en charge
- Assurer auprès de la victime + famille une prise en charge pluridisciplinaire psycho-médico-sociale pour accueillir et informer la victime (psychologue, assistante sociale…)
- Assurer la prise en charge médicale optimale afin d’éviter la répétition des examens génitaux / recueillir dans un dossier structuré les informations et les éléments médico-légaux pouvant contribuer à établir la preuve de l’agression (cytologie, biologie moléculaire)
- Prélever afin d’identifier l’agresseur / prévention des complications : risques infectieux, grossesse, psychiatriques
- Rédiger un certificat médical
TOUTE VICTIME SEXUELLE EST UNE URGENCE MÉDICALE / PSYCHOLOGIQUE / JUDICIAIRE
Accueil et information de la victime
- ASPECT JUDICIAIRE : notion de plainte
- La victime a-t-elle porté plainte ?
- Si la victime vient spontanément, distinguer :
- Apprécier les conséquences psychologiques initiales
- Préparer la victime à l’examen médical : expliquer l’impératif de l’examen
- Agression < 72 heures : prise en charge urgente (pour prélèvements ++)
- > 72h : moins dans l’urgence, évaluation psycho médico-sociale + sereine
Conditions de l’entretien initial
2 types de situations cliniques :
VICTIME ADRESSÉE SUR RÉQUISITION : examen et prélèvements urgents ++
VICTIME SE PRÉSENTANT SPONTANÉMENT (ou avec parents si mineur) : évaluation psycho-sociale fondamentale ++/ alors réalisée avant examen clinique & gynéco
- Au calme / cadre respectant l’intimité de la victime
- Information claire, loyale et approprié
- Disponibilité et confiance / attitude d’empathie et d’écoute/déculpabilisé
- Rappeler le respect du secret médical (sauf réquisition ou mineure)
Examen clinique
Interrogatoire
- TERRAIN: antécédents médicaux, chirurgicaux, psychiatriques +++ / date des dernières règles ++
- RISQUE D’INFECTION SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLE : statut sérologique VIH-VHB-VHC connues / vaccination anti-VHB
- PRISES: traitement / contraception / alcool / drogues
- ANAMNÈSE
- SIGNES FONCTIONNELS: douleur / fièvre…
- Circonstances (lieu, nombre, etc.) et type d’agression/ heure
- Identité de l’agresseur, lien de parenté…
- Port d’un préservatif en cas de pénétration
- Comportement après l’agression (toilette, changement de vêtements..)
- Au moment de l’agression : évènements associés (perte de connaissance, prise de toxiques…)
- Après l’agression : douleurs, saignements…
- Qualité de l’entretien (comportement psychologique)
Chez l’enfant : EXAMEN PEUT ÊTRE FILMÉ & ENREGISTRÉ POUR ÉVITER SA RÉPÉTITION
Examen physique
- Après réassurance / photographies et schéma dans le dossier / ports de gants
- EXAMEN GÉNITAL (gynécologique + anal) : réalisé par personne compétenteToujours réalisé avec l’accord de la victime
- EXAMEN GÉNÉRAL
- Inspection vulvaire / examen du périnée postérieur / examen des seins
- Description soigneuse de l’hymen : forme, largeur, aspect des bords libres
- En médecine légale, une déchirure traumatique est définie par une encoche complète qui atteint le bord d’insertion vaginal de l’hymen
- Examen au spéculum : bords latéraux / cul-de-sac vaginaux / col utérin
- Examen anal: rechercher déchirure anale / toucher rectal
- Toucher vaginal : avec 1 doigt ou 2 pour tester le degré de perméabilité de l’hymen
- Chez l’homme : examen de la verge / prépuce / orifice urétral / scrotum / pubis avec recherche d’hématome, œdème, plaie…
- Examen cutané: recherche lésions traumatiques: ecchymoses, hématomes
- Examen oro-pharyngé / orthopédique (fractures) / neurologique
- Stade pubertaire
Un examen normal n’exclut pas l’agression
évaluation psychiatrique
- TERRAIN: antécédents psychiatriques / évaluation de la qualité de l’entourage
- Rechercher signes d’état de stress aigu ou post-traumatique
- RECHERCHE ET ÉVALUATION DU RISQUE SUICIDAIRE
- ÉVALUATION DES CONSÉQUENCES PSYCHOLOGIQUES INITIALES :
- Evolution depuis l’abus / capacités à intégrer et comprendre la situation
- Vécu de la culpabilité / pressions potentiellement subies / ressenti…
Examens complémentaires
- A VISÉE MÉDICALE (dépister des complications)
- A VISÉE PRÉ-THÉRAPEUTIQUE (avant trithérapie antirétrovirale) NFS-ionogramme-transaminases /créatinine /bilirubine, gamma-GT
- A VISÉE JUDICIAIRE (identifier l’agresseur)
- Dosage hCG plasmatiques
- Bilan d’infections sexuellement transmises : Chlamydiae, syphilis (TPHA-VDRL) / VHB-VHC/ HIV-1 et 2 avec accord
- Prélèvements locaux (col, vagin, urètre, anus, gorge) : recherche de gonocoque, Chlamydiae trachomatis et mycoplasme
- Recherche de toxiques : selon interrogatoire et cliniqueAlcool / benzodiazépines (soumission chimique) / hypnotiques / anesthésiques / hallucinogènes / ecstasy…
- Si agression ancienne (> 6 mois) : sérologie unique
- Si récente : sérologie initiale + contrôle à M1, M3 et M6
- Dans le cadre d’une réquisition si possible / par médecin spécialisé
- Prélèvements (dont vaginal ++) par écouvillonnage pour recherche de sperme (si < 72h) / ADN de l’agresseur
- Sans toilette préalable / avec un spéculum non lubrifié / sur écouvillon coton sec
- Nombre de prélèvements pair pour contre-expertises : étiquetés, numérotés, dans l’ordre de prélèvements, puis saisis et scellés par les enquêteurs
- Recherche de spermatozoïdes ou cellules de l’agresseur sur :
- Recherche de l’ADN sur :
- Peau / vulve et périnée / vagin, endocol, exocol, cul-de-sac et paroi vaginale
- ± anal et buccal / vêtements tâchés…
- Prélèvements de poils ou cheveux de l’agresseur
- Ongle de la victime si elle a griffé l’agresseur
- Salive (écouvillonnage) si la victime a mordu l’agresseur
Rédaction d’un certificat médical descriptif : par un médecin thésé (senior)
- DATE / IDENTIFICATION : nom de la victime / nom du médecin
- FAITS RAPPORTÉS : par la victime (circonstances, doléances)/ entre guillemets/ au conditionnel
- DESCRIPTION DES LÉSIONS : schéma / état psychiatrique / présence de sperme/ !! pas d’interprétation : rester objectif
- EXAMENS COMPLÉMENTAIRES: prélèvements réalisés / résultats / radios
- EVALUATION DE L’INCAPACITÉ TOTALE DE TRAVAIL (ITT au sens pénal)
« Remis en mains propres à l’intéressé le jour de la consultation » OU remis aux autorités requérantes
SIGNATURE ET CACHET
Le médecin ne peut préjuger du caractère criminel ou non (qualification)/ ne pas conclure en faveur d’un viol
SI RÉQUISITION: REMISE DU CERTIFICAT À L’AUTORITÉ REQUÉRANTE
Prise en charge médico-légale
- REMISE DU CERTIFICAT / INFORMATION DU PATIENT
- SIGNALEMENT AU PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
- Remise en main propre du certificat médical initial descriptif (cf. supra)
- Encourager le patient à déposer plainte / orientation vers les structures judiciaires
- Avec consentement de la victime si majeur (cf. respect du secret médical)
Exception pour les mineurs et les majeurs vulnérables
- Signalement nominatif systématique- L’objectif est avant tout la protection de la victime - Demande d’ordonnance de placement provisoire (OPP) si refus d’hospitalisation par les parents et selon le contexte (si enfant en danger, risque précoce de récidive…)
REMARQUE L’indication d’hospitalisation chez les mineurs est large
Prise en charge thérapeutique
- PRISE EN CHARGE MÉDICALETraitement symptomatique des lésions éventuelles
- CONTRACEPTION D’URGENCE
- TRAITEMENT DU RISQUE INFECTIEUX
- Traitement local : lavage / désinfection / sutures de plaies ou morsures
- Antalgiques si douleurs / antibioprophylaxie si plaie pénétrante…
- Progestatifs de 3e génération (Norlevo®): 2 comprimés en 12h (95% d’efficacité si prise dans les < 24h)
- ou DIU: pose dans les 5 jours (évite la nidation)
- VIH: trithérapie antirétrovirale sous 48h pour 1 mois si risque estimé suffisamment important contacter médecin infectiologue
- VHB : si victime non vaccinée uniquement: sérovaccination (injection d’immunoglobulines + vaccination)
- Prévention antitétanique : vaccin ± sérum
Arrêt de travail éventuel
Prise en charge psychologique
- ORIENTATION: retour au domicile ou hospitalisation courte ou foyer d’accueil
- PSYCHOTHÉRAPIE: de soutien / cognitivo-comportementale si état de stress post-traumatique
- TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX : anxiolytiques de durée limitée en cas de troubles anxieux
- ÉVALUATION DU RISQUE SUICIDAIRE
Surveillance et suivi au décours
- MÉDICALE
- PSYCHOLOGIQUE
- Consultation avec médecin référent VIH dans les 48H : décide de la poursuite ou non des antirétroviraux
- Surveillance sérologique + dosage des hCG à 1 mois
- En cas de poursuite des antirétroviraux : surveillance tolérance (transaminases, bilan lipidique, NFS, créatinine)
- A 1 mois : PCR VIH1, sérologie VIH
- A 3 mois : Chlamydiae / TPHA-VDRL / VHB-VHC / HIV-1 et 2 ± HTLV
- Proposer consultation à +48h pour suivi psychologique (stress aigu / débriefing)
- Au décours: suivi prolongé pour rechercher une complication psychiatrique
- Etat de stress aigu et post-traumatique ++ (!! Jusque 50% des patients)
- Troubles de l’humeur : épisode dépressif secondaire / conduite suicidaire – tentative de suicide – suicide
- Troubles anxieux: trouble panique / phobique…
- Retentissement socioprofessionnel / affectif / familial
- MÉDICO-LÉGALE
Orienter vers une association de victimes / assistante sociale / avocat...
Remarque : risques évolutifs des abus sexuels insuffisamment pris en charge :
- L’état de stress aigu- L’état de stress post-traumatique- Le cas particulier des abus qui se déroulent sur une longue période