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Tumeurs vésicales

  • Objectif pédagogique : Diagnostiquer une tumeur de vessie

épidémiologie

La tumeur de vessie, en chiffres :

  • Fréquence : avec une incidence annuelle de 12000 nouveaux cas, la tumeur de vessie représente la 2ème tumeur urologique derrière la prostate et la 5ème tumeur toutes tumeurs confondues.
  • Gravité : le pronostic s’avère être complétement différent entre une tumeur de vessie non infiltrant le muscle ‘TVNIM’ (survie à 5 ans 80%) et une tumeur de vessie infiltrant le muscle ‘TVIM’ (survie à 5 ans 50%). En 2015, 4961 décès sont imputables à cette maladie.
  • Sex-ratio : il est en faveur des hommes (touchés dans près de 70% des cas).
  • Age : l’âge moyen au diagnostic est de 70 ans.

Physiopathologie

Urothélium

L’urothélium est un épithélium pseudo-stratifié de revêtement qui tapisse l’ensemble des voies excrétrices des calices jusqu’au méat urétral externe. De ce faite, suite à l’exposition à des carcinogènes urothéliaux, une tumeur peut se développer au dépend de l’ensemble des voies excrétrices du rein. La vessie reste le site privilégier à cette carcinogénèse pour deux raisons essentielles : l’urothélium qui le tapisse représente une surface importante et le temps de contact avec les carcinogènes est bien plus élevé qu’avec les autres organes car la vessie est un site de stockage et non d’écoulement des urines.

Carcinogènes

Il existe 5 carcinogènes urothéliaux à connaître, les principaux étant le tabac et l’exposition professionnelle :

  • Tabac : une intoxication tabagique multiplie par 3 le risque de tumeur de vessie
  • Exposition professionnelle : elle doit systématiquement être évoquée et recherchée même chez un fumeur (tabac = facteur confondant). Les substances les plus souvent incriminées sont les goudrons de houille, huiles de houille, brais de houille et suie de combustion du charbon (tableau 16 bis du régime général de la Sécurité sociale) ainsi que les amines aromatiques et N-nitroso-dibutylamine (tableau 15 ter du régime général de la Sécurité sociale).
  • Le délai de prise en charge à ces expositions est de trente ans sous réserve d’une durée d’exposition de cinq ans d’après le tableau 15 ter de la sécurité sociale.
  • Bilharziose urinaire
  • Irradiation pelvienne
  • Chimiothérapie à base de cyclophosphamide (Endoxan®). L’administration d’Uromitexan (Mesna®) de manière concomitante à la chimiothérapie est uro-protecteur.

Histoire de la maladie

La tumeur de vessie se développe dans 90% des cas au dépend de l’urothélium des voies urinaires, on parle de carcinomes urothéliaux. Initialement la maladie reste confinée à la muqueuse, on parle de TVNIM mais elle peut ensuite envahir les couches plus profondes notamment la musculeuse, on parlera ici de TVIM. Il est important de différencier ces deux types de tumeur car le pronostic et la prise en charge s’avéreront être complétement différents.

Tableau résumant les principales différences entre les TVNIM et les TVIM

Tumeur de vessieTVNIMTVIM
Définition TNMTis – Ta – T1≥ T2
Fréquence80 % des cas au moment du diagnostic20 % des cas au moment du diagnostic
Bilan d’extensionAucunScanner TAP
TraitementRTUVChirurgie
RisqueRisque de récidive 50% Risque de progression 15%Risque de métastase

Clinique

Plusieurs manifestations cliniques peuvent révéler une tumeur de vessie

  • Signes locaux : ils sont communs à toutes tumeurs de vessie. La principale manifestation est l’hématurie (80% des cas). Toute hématurie macroscopique doit faire évoquer une tumeur de vessie en priorité. Plus rarement (20% des cas) une tumeur se révèlera par des signes irritatifs (pollakiurie, urgenturie, brulures mictionnelles). Dans tous les cas, une ECBU sera réalisée afin d’éliminer une infection urinaire, principale cause d’hématurie et de signes irritatifs.
  • Signes locorégionaux : ils seront retrouvés uniquement en cas de TVIM. Une douleur et une masse pelvienne peuvent être présents en cas de tumeur volumineuse. Les touchers pelviens recherchent un blindage pelvien. Enfin une douleur lombaire, dans ce contexte, peut traduire un envahissement des deux méats urétéraux par la tumeur, à l’origine d’une insuffisance rénale aigue obstructive.
  • Signes généraux : ils seront retrouvés uniquement en cas de TVIM. On recherchera une altération de l’état général (Asthénie, Amaigrissement, Anorexie) des signes évocateurs de métastases à distance (douleur osseuse, hépatalgie, syndrome confusionnel…).

Paraclinique

Le bilan initial de la maladie comprend deux examens : cytologie urinaire et cystoscopie souple.

Cytologie Urinaire

Cet examen a pour objectif de rechercher, par un examen cytologique, la présence de cellules tumorales dans les urines du patient. Pour cela les urines seront recueillies sur 3 jours et examinées au microscope par l’anatomopathologiste. Cet examen est indiqué dans le bilan initial autant que dans le suivi des patients. Néanmoins, la sensibilité n’est pas parfaite surtout pour les tumeurs de bas grade ainsi l’absence de cellules tumorales ne doit pas faire éliminer le diagnostic. A l’inverse, la présence de cellules tumorales traduit une tumeur de l’appareil excréteur mais pas forcément de la vessie.

Cystoscopie souple

Il s’agit d’un examen simple, réalisé en consultation sous anesthésie locale (gel de Xylocaine®) à l’aide d’un endoscope souple. Il n’y a pas d’indication à arrêter un traitement anti-thrombotique afin de réaliser le geste, seule une ECBU stérile est indispensable. L’examen permettra de repérer la tumeur, de la décrire et de reporter les informations sur schéma daté, légendé et signé. Un examen normal permet d’éliminer le diagnostic. En cas de suspicion forte (tumeur volumineuse identifiée sur une échographie ou un uro-scanner), le patient peut d’emblée bénéficier d’une RTUV au cystoscope rigide sans passer par la cystoscopie souple.

Résection transurétrale de la tumeur de vessie (RTUV)

Suite au bilan clinique et paraclinique initial, toute suspicion de tumeur de vessie doit conduire à la réalisation d’une RTUV qui présente un intérêt diagnostic (examen anatomopathologique de l’exérèse) et thérapeutique (pour les TVNIM). Il s’agit d’une intervention réalisée au bloc opératoire sous anesthésie générale ou locorégionale à l’aide d’un endoscope rigide. Une ECBU stérile est toujours indispensable et les traitements anti-thrombotiques doivent être suspendus en concertation avec le prescripteur initial (le Kardegic® 75 est généralement maintenu n’augmentant pas la morbidité de l’intervention). Le geste consiste à réaliser une résection complète de la tumeur, le but étant d’être en R0, c’est-à-dire sans résidus. Cette résection doit être profonde et comprendre le muscle détrusor permettant ainsi de différencier les TVNIM des TVIM. En cas de TVIM, la résection ne permet pas de préciser s'il s'agit d'un stade T2, T3 ou T4, seule la pièce opératoire de cystectomie permettra une stadification définitive de la tumeur. Dans certains centres, se développe l’Hexvix®, une lumière bleue qui aide le chirurgie en flashant les zones à réséquer, augmentant la sensibilité de l’examen notamment pour les lésions planes et les Tis.

Examen anatomopathologique

L’examen anatomopathologique permettra de déterminer le type histologique de la tumeur, le stade T et le grade histo-pronostic.

Histologie

Il s’agit dans près de 90% des cas d’un carcinome urothélial, c’est-à-dire, une tumeur qui se développe au dépend de l’urothélium de revêtement. De manière plus rare, on peut retrouver un carcinome épidermoïde (6%), un adénocarcinome, une tumeur neuroendocrinienne ou encore un sarcome.

Stade T

Seul l’examen anatomopathologique confirmera de manière certaine la tumeur et permettra de différencier une TVNIM d’une TVIM. Encore une fois, en cas de TVIM seul la pièce opératoire définitive permettra de déterminer exactement le stade T.

Grade

Il s’agit d’un examen histologique évaluant le degré de différenciation de la tumeur et donc son agressivité. Une tumeur bien différencié sera moins agressive et de meilleur pronostic donc de bas grade. On différencie ainsi les tumeurs de bas grade (bon pronostic) des tumeurs de haut grade (mauvais pronostic).

Bilan d’extension

Une fois le diagnostic de certitude posé, un bilan d’extension sera discuté afin de rechercher une extension locorégionale et à distance de la tumeur.

En cas de TVNIM, aucune dissémination métastatique n’est possible, ainsi aucun bilan d’extension n’est nécessaire. Cependant un uro-scanner sera réalisé initialement afin de rechercher une tumeur synchrone du haut appareil urinaire puis sera réalisé tous les deux ans au cours du suivi afin de rechercher une tumeur métachrone du haut appareil.

En cas de TVIM, le seul examen systématiquement fait et recommandé est un scanner thoraco-abdomino-pelvien avec injection de produit de contraste iodé. Il recherchera une extension locorégionale (envahissement de la graisse péri-vésicale, des organes avoisinants et des ganglions) et une extension à distance (métastase viscérale). Un temps tardif permettra d’évaluer le haut appareil urinaire. Tous les autres examens (scintigraphie osseuse, imagerie cérébrale…) ne sont pas systématiques et ne doivent être prescrit qu’en cas de point d’appel clinique et/ou paraclinique.

Suite à l’ensemble du bilan clinique et paraclinique, le stade TNM pourra être déterminé. Pour l’iECN, l’essentiel est de différencier les TVNIM des TVIM, la classification est donnée à titre indicatif.

T(Tumeur)

  • Tx : tumeur primitive ne pouvant être classée ;
  • T0 : pas de tumeur primitive décelable ;
  • Ta : tumeur papillaire non invasive
  • Tis : carcinome in situ : < tumeur plane >
  • T1 : tumeur envahissant le chorion ;
  • T2 : tumeur envahissant la musculeuse ;
  • T3 : tumeur envahissant le tissu péri-vésical ou de la paroi
  • T4 : envahissement d'un organe péri-vésical ou de la paroi
  • T2a : tumeur envahissant le muscle superficiel (moitié interne)
  • T2b : tumeur envahissant le muscle profond (moitié externe)
  • T3a : envahissement microscopique
  • T3b : envahissement macroscopique (masse extra-vésicale)
  • T4a : prostate, utérus ou vagin
  • T4b : paroi pelvienne ou paroi abdominale

N (Adénopathies régionales)

  • Nx : ganglions non évaluables
  • N0 : pas de métastase ganglionnaire
  • Atteinte des ganglions hypogastriques, obturateurs, iliaques externes ou pré-sacrés
  • Atteinte des ganglions de l'iliaque commune
  • N1 : un seul ganglion atteint
  • N2 : plusieurs ganglions atteints
  • N3 : un ou plusieurs ganglions

M (Métastases à distance)

  • M0 : Pas de métastase à distance
  • M1 : Présence de métastases à distance

Traitement

Le traitement des tumeurs de vessie comprend des mesures générales

Mesures générales

Il s’agit d’un ensemble de mesures communes à tout cancer, prévues par les différents Plan Cancer :

  • Stopper l’exposition aux différents carcinogènes : en pratique cela correspond au sevrage tabagique et à débuter une démarche de reconnaissance en maladie professionnelle en concertation avec le médecin traitant.
  • Discuter le dossier en RCP qui doit réunir au moins trois spécialistes différents (urologue, radiologue, oncologue, anatomopathologiste...).
  • Rédiger le PPS qui sera remis au patient.
  • Organiser la consultation d’annonce qui sera idéalement réalisée par l’oncologue référent en qui comprend quatre temps : temps médical, temps d’accompagnement soignant, temps des soins de support, temps d’articulation avec la médecine de ville.
  • Mettre en place les soins de support, notamment la recherche et la prise en charge de la douleur est un des objectifs essentiels et peut nécessiter une collaboration avec des équipes de soins spécialisées.

Traitement des TVNIM

La RTUV est ici le traitement de référence. Associée à cette RTUV des instillations endo-vésicales seront discutées en RCP selon le risque de récidive et/ou de progression.

RTUV

Comme vu précédemment, la RTUV présente un intérêt diagnostique mais également thérapeutique car elle représente le traitement de référence des TVNIM, d’où la nécessité que la tumeur soit réséquée en R0.

Une seconde RTUV sera réalisée entre 4 et 6 semaines uniquement s’il existe des facteurs de récidive et/ou de progression afin d’améliorer la stadification de la tumeur et la sensibilité aux instillations endo-vésicale.

Indications à réaliser une seconde RTUV :

  • Microscopiquement : Stade élevé T1 et/ou grade élevé
  • Macroscopiquement : Tumeur volumineuse (>3cm en pratique) et/ou multifocale
  • Si la résection n’est pas en R0 (macroscopiquement et microscopiquement en marges saines)

Instillations endo-vésicales

Elles sont indiquées si le patient présente des facteurs de récidive et/ou de progression, l’objectif étant de minimiser ces risques avec une efficacité incomplète (récidive tout à fait possible malgré les instillations).

Deux molécules peuvent être prescrites :

  • Mitomycine C : chimiothérapie intravésicale (classe des agents alkylants).
  • BCG : l'immunothérapie par le bacille de Calmette et Guérin (BCG). Le principal risque, bien qu’exceptionnel, est une BCGite, qui peut se survenir à distance des instillations volontiers au cours d’un épisode d’immunodépression.

Deux périodes de prescription :

  • Instillations post-opératoire précoce (IPOP) : les premières instillations se réalisent dans les 6 heures après la RTUV, au plus tard dans les 24 heures. Possible uniquement pour la Mitomycine C.
  • Instillations adjuvantes : les premières instillations se réalisent à distance, entre 4 et 6 semaines après la RTUV. Possible pour le Mitomycine C et seule possibilité pour le BCG.

En pratique, on organise ces instillations sous la forme de séances ou le produit est instillé dans le vessie et le patient doit le maintenir autant que possible (plusieurs heures sans miction). Les séances sont organisées de manière hebdomadaire (en moyenne 6 séances) et parfois poursuivies sous la forme d’un traitement d’entretien.

RisqueDéfinitionTraitement
FaibleTumeur unique Taille < 3cm Ta Bas gradeMitomycine C en IPOP
IntermédiaireNi faible ni élevéSi 1ère tumeur : Mitomycine C en IPOP Si tumeur récidivante : Mitomycine C ou BCG en adjuvant
ElevéTis T1 Grade élevéBCG adjuvant

Traitement des TVIM

TVIM non métastatique

La chirurgie à type de cystectomie est le traitement curatif de référence des TVIM non métastatiques. Elle doit être réalisée dans les 3 mois suivant le diagnostic.

Dans un premier temps, il est nécessaire d’évaluer l’état général du patient afin d’évaluer son opérabilité. En cas d’inopérabilité (refus ou contre-indication), une radio-chimiothérapie concomitante peut être proposée suite à la RTUV, bien que les résultats carcinologiques soient moins bons.

Concernant la chirurgie :

  • Chez l’homme, on réalisera une CPT : cystoprostatectomie totale qui comprend une ablation de la vessie, de la prostate et des vésicules séminales.
  • Chez la femme, on réalisera une pelvectomie antérieure qui comprend une ablation de la vessie, de l’utérus et de la paroi antérieure du vagin.
  • Dans les deux cas, on associera systématiquement un curage ilio-obturateur bilatéral.

Concernant les traitements associés, une chimiothérapie néo-adjuvante ou adjuvante est parfois associée et son indication sera discuté en RCP (hors programme iECN).

Enfin une dérivation urinaire doit être confectionnée, plusieurs schémas existent :

  • La dérivation la plus classique est l’urétérostomie cutanée transiléale type Bricker : un anse intestinale (± 30cm) est coupée et reliée à la peau sous la forme d’une stomie. Les deux uretères s’abouchent à ce même segment intestinal.
  • Une dérivation alternative est l’urétérostomie cutanée directe : les deux uretères sont directement abouchés à la peau, technique à réserver aux patients avec espérance de vie faible car technique plus simple et rapide (on ne touche pas le tube digestif).
  • Enfin s’est développé l’enterocystoplatie : une néo-vessie est créé à partir d’un segment digestif, technique la plus physiologique et anatomique donc à privilégier lorsque l’état du patient le permet.

TVIM métastatique

Au stade métastatique, le meilleur traitement reste en premier lieu la chimiothérapie à base de cisplatine avec une médiane de survie de 14 à 15 mois, chez les patients éligibles pour cette chimiothérapie.

Suivi

La surveillance des patients après une première tumeur de vessie est indispensable, comme dans toute néoplasie elle sera rapprochée les 5 premières années, puis une fois par an à vie.

TumeurTVNIMTVIM
Objectif de la surveillanceDépister une récidive et/ou une progressionDépister une métastase locorégionale et/ou à distance
Examens spécifiquesCytologie urinaire Cystoscopie souple Uro-TDM tous les 2 ansScanner TAP
  • Objectif pédagogique : Diagnostiquer une tumeur de vessie

épidémiologie

La tumeur de vessie, en chiffres :

  • Fréquence : avec une incidence annuelle de 12000 nouveaux cas, la tumeur de vessie représente la 2ème tumeur urologique derrière la prostate et la 5ème tumeur toutes tumeurs confondues.
  • Gravité : le pronostic s’avère être complétement différent entre une tumeur de vessie non infiltrant le muscle ‘TVNIM’ (survie à 5 ans 80%) et une tumeur de vessie infiltrant le muscle ‘TVIM’ (survie à 5 ans 50%). En 2015, 4961 décès sont imputables à cette maladie.
  • Sex-ratio : il est en faveur des hommes (touchés dans près de 70% des cas).
  • Age : l’âge moyen au diagnostic est de 70 ans.

Physiopathologie

Urothélium

L’urothélium est un épithélium pseudo-stratifié de revêtement qui tapisse l’ensemble des voies excrétrices des calices jusqu’au méat urétral externe. De ce faite, suite à l’exposition à des carcinogènes urothéliaux, une tumeur peut se développer au dépend de l’ensemble des voies excrétrices du rein. La vessie reste le site privilégier à cette carcinogénèse pour deux raisons essentielles : l’urothélium qui le tapisse représente une surface importante et le temps de contact avec les carcinogènes est bien plus élevé qu’avec les autres organes car la vessie est un site de stockage et non d’écoulement des urines.

Carcinogènes

Il existe 5 carcinogènes urothéliaux à connaître, les principaux étant le tabac et l’exposition professionnelle :

  • Tabac : une intoxication tabagique multiplie par 3 le risque de tumeur de vessie
  • Exposition professionnelle : elle doit systématiquement être évoquée et recherchée même chez un fumeur (tabac = facteur confondant). Les substances les plus souvent incriminées sont les goudrons de houille, huiles de houille, brais de houille et suie de combustion du charbon (tableau 16 bis du régime général de la Sécurité sociale) ainsi que les amines aromatiques et N-nitroso-dibutylamine (tableau 15 ter du régime général de la Sécurité sociale).
  • Le délai de prise en charge à ces expositions est de trente ans sous réserve d’une durée d’exposition de cinq ans d’après le tableau 15 ter de la sécurité sociale.
  • Bilharziose urinaire
  • Irradiation pelvienne
  • Chimiothérapie à base de cyclophosphamide (Endoxan®). L’administration d’Uromitexan (Mesna®) de manière concomitante à la chimiothérapie est uro-protecteur.

Histoire de la maladie

La tumeur de vessie se développe dans 90% des cas au dépend de l’urothélium des voies urinaires, on parle de carcinomes urothéliaux. Initialement la maladie reste confinée à la muqueuse, on parle de TVNIM mais elle peut ensuite envahir les couches plus profondes notamment la musculeuse, on parlera ici de TVIM. Il est important de différencier ces deux types de tumeur car le pronostic et la prise en charge s’avéreront être complétement différents.

Tableau résumant les principales différences entre les TVNIM et les TVIM

Tumeur de vessieTVNIMTVIM
Définition TNMTis – Ta – T1≥ T2
Fréquence80 % des cas au moment du diagnostic20 % des cas au moment du diagnostic
Bilan d’extensionAucunScanner TAP
TraitementRTUVChirurgie
RisqueRisque de récidive 50% Risque de progression 15%Risque de métastase

Clinique

Plusieurs manifestations cliniques peuvent révéler une tumeur de vessie

  • Signes locaux : ils sont communs à toutes tumeurs de vessie. La principale manifestation est l’hématurie (80% des cas). Toute hématurie macroscopique doit faire évoquer une tumeur de vessie en priorité. Plus rarement (20% des cas) une tumeur se révèlera par des signes irritatifs (pollakiurie, urgenturie, brulures mictionnelles). Dans tous les cas, une ECBU sera réalisée afin d’éliminer une infection urinaire, principale cause d’hématurie et de signes irritatifs.
  • Signes locorégionaux : ils seront retrouvés uniquement en cas de TVIM. Une douleur et une masse pelvienne peuvent être présents en cas de tumeur volumineuse. Les touchers pelviens recherchent un blindage pelvien. Enfin une douleur lombaire, dans ce contexte, peut traduire un envahissement des deux méats urétéraux par la tumeur, à l’origine d’une insuffisance rénale aigue obstructive.
  • Signes généraux : ils seront retrouvés uniquement en cas de TVIM. On recherchera une altération de l’état général (Asthénie, Amaigrissement, Anorexie) des signes évocateurs de métastases à distance (douleur osseuse, hépatalgie, syndrome confusionnel…).

Paraclinique

Le bilan initial de la maladie comprend deux examens : cytologie urinaire et cystoscopie souple.

Cytologie Urinaire

Cet examen a pour objectif de rechercher, par un examen cytologique, la présence de cellules tumorales dans les urines du patient. Pour cela les urines seront recueillies sur 3 jours et examinées au microscope par l’anatomopathologiste. Cet examen est indiqué dans le bilan initial autant que dans le suivi des patients. Néanmoins, la sensibilité n’est pas parfaite surtout pour les tumeurs de bas grade ainsi l’absence de cellules tumorales ne doit pas faire éliminer le diagnostic. A l’inverse, la présence de cellules tumorales traduit une tumeur de l’appareil excréteur mais pas forcément de la vessie.

Cystoscopie souple

Il s’agit d’un examen simple, réalisé en consultation sous anesthésie locale (gel de Xylocaine®) à l’aide d’un endoscope souple. Il n’y a pas d’indication à arrêter un traitement anti-thrombotique afin de réaliser le geste, seule une ECBU stérile est indispensable. L’examen permettra de repérer la tumeur, de la décrire et de reporter les informations sur schéma daté, légendé et signé. Un examen normal permet d’éliminer le diagnostic. En cas de suspicion forte (tumeur volumineuse identifiée sur une échographie ou un uro-scanner), le patient peut d’emblée bénéficier d’une RTUV au cystoscope rigide sans passer par la cystoscopie souple.

Résection transurétrale de la tumeur de vessie (RTUV)

Suite au bilan clinique et paraclinique initial, toute suspicion de tumeur de vessie doit conduire à la réalisation d’une RTUV qui présente un intérêt diagnostic (examen anatomopathologique de l’exérèse) et thérapeutique (pour les TVNIM). Il s’agit d’une intervention réalisée au bloc opératoire sous anesthésie générale ou locorégionale à l’aide d’un endoscope rigide. Une ECBU stérile est toujours indispensable et les traitements anti-thrombotiques doivent être suspendus en concertation avec le prescripteur initial (le Kardegic® 75 est généralement maintenu n’augmentant pas la morbidité de l’intervention). Le geste consiste à réaliser une résection complète de la tumeur, le but étant d’être en R0, c’est-à-dire sans résidus. Cette résection doit être profonde et comprendre le muscle détrusor permettant ainsi de différencier les TVNIM des TVIM. En cas de TVIM, la résection ne permet pas de préciser s'il s'agit d'un stade T2, T3 ou T4, seule la pièce opératoire de cystectomie permettra une stadification définitive de la tumeur. Dans certains centres, se développe l’Hexvix®, une lumière bleue qui aide le chirurgie en flashant les zones à réséquer, augmentant la sensibilité de l’examen notamment pour les lésions planes et les Tis.

Examen anatomopathologique

L’examen anatomopathologique permettra de déterminer le type histologique de la tumeur, le stade T et le grade histo-pronostic.

Histologie

Il s’agit dans près de 90% des cas d’un carcinome urothélial, c’est-à-dire, une tumeur qui se développe au dépend de l’urothélium de revêtement. De manière plus rare, on peut retrouver un carcinome épidermoïde (6%), un adénocarcinome, une tumeur neuroendocrinienne ou encore un sarcome.

Stade T

Seul l’examen anatomopathologique confirmera de manière certaine la tumeur et permettra de différencier une TVNIM d’une TVIM. Encore une fois, en cas de TVIM seul la pièce opératoire définitive permettra de déterminer exactement le stade T.

Grade

Il s’agit d’un examen histologique évaluant le degré de différenciation de la tumeur et donc son agressivité. Une tumeur bien différencié sera moins agressive et de meilleur pronostic donc de bas grade. On différencie ainsi les tumeurs de bas grade (bon pronostic) des tumeurs de haut grade (mauvais pronostic).

Bilan d’extension

Une fois le diagnostic de certitude posé, un bilan d’extension sera discuté afin de rechercher une extension locorégionale et à distance de la tumeur.

En cas de TVNIM, aucune dissémination métastatique n’est possible, ainsi aucun bilan d’extension n’est nécessaire. Cependant un uro-scanner sera réalisé initialement afin de rechercher une tumeur synchrone du haut appareil urinaire puis sera réalisé tous les deux ans au cours du suivi afin de rechercher une tumeur métachrone du haut appareil.

En cas de TVIM, le seul examen systématiquement fait et recommandé est un scanner thoraco-abdomino-pelvien avec injection de produit de contraste iodé. Il recherchera une extension locorégionale (envahissement de la graisse péri-vésicale, des organes avoisinants et des ganglions) et une extension à distance (métastase viscérale). Un temps tardif permettra d’évaluer le haut appareil urinaire. Tous les autres examens (scintigraphie osseuse, imagerie cérébrale…) ne sont pas systématiques et ne doivent être prescrit qu’en cas de point d’appel clinique et/ou paraclinique.

Suite à l’ensemble du bilan clinique et paraclinique, le stade TNM pourra être déterminé. Pour l’iECN, l’essentiel est de différencier les TVNIM des TVIM, la classification est donnée à titre indicatif.

T(Tumeur)

  • Tx : tumeur primitive ne pouvant être classée ;
  • T0 : pas de tumeur primitive décelable ;
  • Ta : tumeur papillaire non invasive
  • Tis : carcinome in situ : < tumeur plane >
  • T1 : tumeur envahissant le chorion ;
  • T2 : tumeur envahissant la musculeuse ;
  • T3 : tumeur envahissant le tissu péri-vésical ou de la paroi
  • T4 : envahissement d'un organe péri-vésical ou de la paroi
  • T2a : tumeur envahissant le muscle superficiel (moitié interne)
  • T2b : tumeur envahissant le muscle profond (moitié externe)
  • T3a : envahissement microscopique
  • T3b : envahissement macroscopique (masse extra-vésicale)
  • T4a : prostate, utérus ou vagin
  • T4b : paroi pelvienne ou paroi abdominale

N (Adénopathies régionales)

  • Nx : ganglions non évaluables
  • N0 : pas de métastase ganglionnaire
  • Atteinte des ganglions hypogastriques, obturateurs, iliaques externes ou pré-sacrés
  • Atteinte des ganglions de l'iliaque commune
  • N1 : un seul ganglion atteint
  • N2 : plusieurs ganglions atteints
  • N3 : un ou plusieurs ganglions

M (Métastases à distance)

  • M0 : Pas de métastase à distance
  • M1 : Présence de métastases à distance

Traitement

Le traitement des tumeurs de vessie comprend des mesures générales

Mesures générales

Il s’agit d’un ensemble de mesures communes à tout cancer, prévues par les différents Plan Cancer :

  • Stopper l’exposition aux différents carcinogènes : en pratique cela correspond au sevrage tabagique et à débuter une démarche de reconnaissance en maladie professionnelle en concertation avec le médecin traitant.
  • Discuter le dossier en RCP qui doit réunir au moins trois spécialistes différents (urologue, radiologue, oncologue, anatomopathologiste...).
  • Rédiger le PPS qui sera remis au patient.
  • Organiser la consultation d’annonce qui sera idéalement réalisée par l’oncologue référent en qui comprend quatre temps : temps médical, temps d’accompagnement soignant, temps des soins de support, temps d’articulation avec la médecine de ville.
  • Mettre en place les soins de support, notamment la recherche et la prise en charge de la douleur est un des objectifs essentiels et peut nécessiter une collaboration avec des équipes de soins spécialisées.

Traitement des TVNIM

La RTUV est ici le traitement de référence. Associée à cette RTUV des instillations endo-vésicales seront discutées en RCP selon le risque de récidive et/ou de progression.

RTUV

Comme vu précédemment, la RTUV présente un intérêt diagnostique mais également thérapeutique car elle représente le traitement de référence des TVNIM, d’où la nécessité que la tumeur soit réséquée en R0.

Une seconde RTUV sera réalisée entre 4 et 6 semaines uniquement s’il existe des facteurs de récidive et/ou de progression afin d’améliorer la stadification de la tumeur et la sensibilité aux instillations endo-vésicale.

Indications à réaliser une seconde RTUV :

  • Microscopiquement : Stade élevé T1 et/ou grade élevé
  • Macroscopiquement : Tumeur volumineuse (>3cm en pratique) et/ou multifocale
  • Si la résection n’est pas en R0 (macroscopiquement et microscopiquement en marges saines)

Instillations endo-vésicales

Elles sont indiquées si le patient présente des facteurs de récidive et/ou de progression, l’objectif étant de minimiser ces risques avec une efficacité incomplète (récidive tout à fait possible malgré les instillations).

Deux molécules peuvent être prescrites :

  • Mitomycine C : chimiothérapie intravésicale (classe des agents alkylants).
  • BCG : l'immunothérapie par le bacille de Calmette et Guérin (BCG). Le principal risque, bien qu’exceptionnel, est une BCGite, qui peut se survenir à distance des instillations volontiers au cours d’un épisode d’immunodépression.

Deux périodes de prescription :

  • Instillations post-opératoire précoce (IPOP) : les premières instillations se réalisent dans les 6 heures après la RTUV, au plus tard dans les 24 heures. Possible uniquement pour la Mitomycine C.
  • Instillations adjuvantes : les premières instillations se réalisent à distance, entre 4 et 6 semaines après la RTUV. Possible pour le Mitomycine C et seule possibilité pour le BCG.

En pratique, on organise ces instillations sous la forme de séances ou le produit est instillé dans le vessie et le patient doit le maintenir autant que possible (plusieurs heures sans miction). Les séances sont organisées de manière hebdomadaire (en moyenne 6 séances) et parfois poursuivies sous la forme d’un traitement d’entretien.

RisqueDéfinitionTraitement
FaibleTumeur unique Taille < 3cm Ta Bas gradeMitomycine C en IPOP
IntermédiaireNi faible ni élevéSi 1ère tumeur : Mitomycine C en IPOP Si tumeur récidivante : Mitomycine C ou BCG en adjuvant
ElevéTis T1 Grade élevéBCG adjuvant

Traitement des TVIM

TVIM non métastatique

La chirurgie à type de cystectomie est le traitement curatif de référence des TVIM non métastatiques. Elle doit être réalisée dans les 3 mois suivant le diagnostic.

Dans un premier temps, il est nécessaire d’évaluer l’état général du patient afin d’évaluer son opérabilité. En cas d’inopérabilité (refus ou contre-indication), une radio-chimiothérapie concomitante peut être proposée suite à la RTUV, bien que les résultats carcinologiques soient moins bons.

Concernant la chirurgie :

  • Chez l’homme, on réalisera une CPT : cystoprostatectomie totale qui comprend une ablation de la vessie, de la prostate et des vésicules séminales.
  • Chez la femme, on réalisera une pelvectomie antérieure qui comprend une ablation de la vessie, de l’utérus et de la paroi antérieure du vagin.
  • Dans les deux cas, on associera systématiquement un curage ilio-obturateur bilatéral.

Concernant les traitements associés, une chimiothérapie néo-adjuvante ou adjuvante est parfois associée et son indication sera discuté en RCP (hors programme iECN).

Enfin une dérivation urinaire doit être confectionnée, plusieurs schémas existent :

  • La dérivation la plus classique est l’urétérostomie cutanée transiléale type Bricker : un anse intestinale (± 30cm) est coupée et reliée à la peau sous la forme d’une stomie. Les deux uretères s’abouchent à ce même segment intestinal.
  • Une dérivation alternative est l’urétérostomie cutanée directe : les deux uretères sont directement abouchés à la peau, technique à réserver aux patients avec espérance de vie faible car technique plus simple et rapide (on ne touche pas le tube digestif).
  • Enfin s’est développé l’enterocystoplatie : une néo-vessie est créé à partir d’un segment digestif, technique la plus physiologique et anatomique donc à privilégier lorsque l’état du patient le permet.

TVIM métastatique

Au stade métastatique, le meilleur traitement reste en premier lieu la chimiothérapie à base de cisplatine avec une médiane de survie de 14 à 15 mois, chez les patients éligibles pour cette chimiothérapie.

Suivi

La surveillance des patients après une première tumeur de vessie est indispensable, comme dans toute néoplasie elle sera rapprochée les 5 premières années, puis une fois par an à vie.

TumeurTVNIMTVIM
Objectif de la surveillanceDépister une récidive et/ou une progressionDépister une métastase locorégionale et/ou à distance
Examens spécifiquesCytologie urinaire Cystoscopie souple Uro-TDM tous les 2 ansScanner TAP