- Psychiatrie
- UE 3
- Item 70
Important
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Troubles somatoformes à tous les âges
Diagnostiquer un trouble somatoforme
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient
Généralités
Définitions
- Trouble psychosomatique : trouble médical non psychiatrique objectivable dont la dimension psychologique (stress…) est déterminante dans sa survenue et son évolution / avec une lésion retrouvée
- Somatoforme : désigne un ensemble de symptômes, de signes, de syndromes ou de plaintes de type physique pour lesquelles aucune anomalie identifiable de type lésionnel ne peut être incriminée. On distingue parmi les troubles somatoformes :
- Ces troubles impliquent :
- On regroupe généralement troubles somatoformes + troubles psychosomatiques sous le terme de « trouble psychosomatique » = manifestations à expression essentiellement physique, mais dont le déterminisme et l’évolution sont fortement marqués par l’intervention de facteurs psychologiques ou psychopathologiques
- Symptôme fonctionnel : équivaut à non organique (dans la mesure où organique = lésionnel) / subjectif (terme le + neutre pour les patients)
- Possible somatisation dans le cadre d’un trouble psychiatrique se présentant avec plainte somatique
- Pathologies fréquemment impliquées : asthme, eczéma, céphalées, ulcère gastro-duodénal, colopathie..
- Trouble de somatisation / Trouble de conversion / Trouble douloureux
- Hypochondrie / Dysmorphophobie
- DSM-V : on parle désormais de « trouble à symptomatologie somatique et apparentée »
- Souffrance psychique avec altération du fonctionnement socioprofessionnel
- Non-imputabilité à un autre trouble psychiatrique ou non psychiatrique caractérisé
- Participation psychologique à l’étiopathogénie du trouble
épidémiologie
- Difficile à déterminer : 5 à 10% en population générale (+ si on considère les consultants)
- Trouble de somatisation : débute à la fin de l’adolescence-début de l’âge adulte / trouble douloureux & trouble de conversion : à tout âge / sex-ratio : 2 femmes pour 1 homme
- Prévalence des troubles somatoformes : dépend du terrain dépressif associé / à rechercher systématiquement
- Facteurs de risque : facteurs de stress (traumatiques, conflits relationnels..) / stratégies d’ajustement au stress réduites (trouble de la personnalité..) / antécédents familiaux de troubles somatoformes
- Chez l’enfant
- Prévalence : 12% environ
- Facteurs de risque : facteurs de stress / comorbidités psychiatriques (troubles anxieux, épisode dépressif caractérisé) / dimensions de personnalité / antécédents familiaux de troubles somatoformes / problèmes de santé généraux / faible niveau socio-économique (sauf trouble douloureux : niveau d’études supérieur) / contexte familial : difficultés à communiquer, mauvaises stratégies d’ajustement au stress..
Physiopathologie
- Concept historique de «conversion hystérique»
- Modèle cognitivo-comportemental
- Modèle psychophysiologique
- Conversion = transformation d’une énergie en une autre / hystera = utérus
- Théorie psychanalytique : conversion d’une énergie psychique (liée à la représentation d’un trauma sexuel) en énergie somatique / refoulement dans l’inconscient de cette représentation anxiogène / mise en scène symbolique par le corps de la représentation du trauma sexuel
- Nature « sexuelle » des facteurs de stress n’est que rarement retrouvée en pratique
- Mécanismes proches du trouble panique
- Cognitif : attention excessive portée aux sensations corporelles (souvent renforcée par des efforts d’évitement) + attribution erronée de leur signification (catastrophisme) / favorisés par exposition récente ou ancienne à la maladie, personnalité anxieuse…
- Comportementaux : évitement (conditionnement opérant : renforcement négatif) / conditonnement répondant : lien entre stimulus conditionnel (par exemple distension abdominale) associé à stimulus inconditionnel (par exemple douleur) --> sensations pénibles reviennent ensuite même en l’absence de stimulus inconditionnel
- Tente de dépasser le clivage « psyché » opposé au « somatique » et psychiatrie opposée à la neurologie
- Dans toute expérience, il existe une dimension subjective (vécue) et objective (mesurable par des outils de neuro-imagerie) : les troubles somatoformes seraient liés à des modifications fonctionnelles des régions cérébrales impliquées dans la régulation émotionnelle et de la représentation de soi (notamment zones du cortex cingulaire, cortex préfrontal ventro-médial…)
- Chez des personnes vulnérables : défaut d’intégration psychophysiologique harmonieux des vécus émotionnels / les régions cérébrales de la représentation de soi & régulation émotionnelle viendraient moduler les régions plus directement responsables des signes cliniques (cortex central moteur pour signes moteurs, etc…)
Diagnostic
Signes cliniques
- Symptômes et signes cliniques sans anomalies lésionnelles (mais probables modifications psychophysiologiques fonctionnelles) / souvent consultation 1e d’un médecin non psychiatre / ne pas parler de symptômes « médicalement inexpliqués » ou « hystériques »
- Symptômes et signes fonctionnels
- Symptômes et signes d’allure neurologique
- Symptômes douloureux
- Peuvent toucher les 3 domaines suivants : gastro-intestinal / cardiovasculaire / génito-urinaire et sexuel
- Association de multiples plaintes fonctionnelles polymorphes & durables = syndrome de Briquet
- Sphère motrice : altération de la coordination et de l’équilibre / faiblesse localisée / parésie / contracture / dystonie / tremblement / aphonie / diplopie / dysphagie / rétention aiguë d’urines…
- Sphère sensorielle : + souvent du côté gauche / diminution de sensibilité / cécité / surdité / parfois hallucinations souvent poly-sensorielles & fantasmatiques
- Mouvements anormaux, convulsions, crises d’allure épileptique avec perte de connaissance…
- Ce sont des signes ne respectant pas l’organisation anatomique du système nerveux central et périphérique / avec suggestibilité des signes/ signes associés à 30% à une maladie neurologique (convulsion non épileptique et convulsions épileptiques / faiblesse et sclérose en plaques / contracture et dystonie idiopathique : signes non entièrement expliqués par la maladie neurologique) --> prudence dans l’interprétation psychiatrique de signes à organisation anatomique peu évidente / ne pas parler de « pseudo-neurologique »
- Evaluer l’intensité par échelle visuelle analogique
- Si évolue < 6 mois : symptômes douloureux aigus
- Si évolue > 6 mois : symptômes douloureux chroniques
- Pathologie médicale non psychiatrique peut être associée / mais n’expliquant alors pas tout le tableau clinique
Formes cliniques
- Trouble de somatisation (DSM-V : trouble à symptomatologie somatique)
- Trouble de conversion (DSM-V : trouble à symptomatologie neurologique fonctionnel)
- Troubles douloureux (DSM-V : trouble à symptomatologie somatique à prédominance douloureux = sous type du trouble de somatisation)
- Hypochondrie (DSM-V-TR : crainte excessive d’avoir une maladie)
- Dysmorphophobie
- Symptomatologie : gastro-intestinale / cardio-vasculaire / génito-urinaire, sexuelle
- Critères diagnostiques :
- Examens complémentaires : à réaliser selon la symptomatologie / savoir les arrêter lorsque le diagnostic psychiatrique est posé
- Tableaux moins complets : troubles somatoformes indifférenciés (durée d’évolution > 6 mois) et non spécifiés (durée < 6 mois) / atteinte d’1 seul tableau corporel généralement / forme la + fréquente
- Symptômes fonctionnels atteignant dans la forme complète ≥ 3 domaines corporels (sévérité relative des symptômes)
- Evolution ayant débuté avant l’âge de 30 ans et évoluant depuis plusieurs années / répercussions fonctionnelles
- Il n’existe pas d’autre diagnostic différentiel (++)
- « Troubles fonctionnels » selon les spécialités on retrouve : colopathie fonctionnelle, syndrome du colon irritable, spasmophilie, précordialgie non angineuse, fibromyalgie, céphalées de tension, fatigue chronique, syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur (SADAM), vulvodynies, anodynies, algies pelviennes, syndrome douloureux prémenstruel…
- Fréquence ++ mais sévérité moins importante que le trouble de somatisation complet
- Chez l’enfant : fréquent (2-5%) : anorexie mentale du nourrison, mérycisme, coliques idiopathiques, spasmes du sanglot, énurésies, syndrome de fatigue chronique.. / symptômes fonctionnels, dits somatoformes si manifestations sévères, avec impact important sur le quotidien et demande médicale fréquente
- Critères diagnostiques
- Examens complémentaires : peuvent être utiles pour éliminer une pathologie neurologique expliquant mieux ces signes
- Distinction selon la sphère touchée : de type moteur, sensitif-sensoriel, malaise-convulsion
- En neurologie, appelées maladies « psychogènes » : paralysie psychogène, aphonie psychogène, surdité psychogène, crises non épileptiques psychogènes…
- Symptômes ou signes d’allure neurologique (DSM-V : incompatibilité anatomique)
- Facteur psychologique retrouvé déclenchant ou entraînant le trouble (critère désormais absent dans le DSM-V)
- Répercussions fonctionnelles / pas d’autre diagnostic différentiel (++)
- Critères diagnostiques
- Cause médicale non psychiatrique possiblement source de douleur / on peut alors poser ce diagnostic si les symptômes douloureux sont insuffisamment expliqués par la pathologie
- Examens complémentaires : pour éliminer une pathologie expliquant mieux ces signes
- Evolution : forme aiguë (< 6 mois) / forme chronique (> 6 mois) / forme associée à une pathologie médicale non psychiatrique
- Symptômes douloureux
- Facteur psychologique retrouvé déclenchant ou entraînant le trouble
- Répercussions fonctionnelles / pas d’autre diagnostic différentiel (++)
- Conviction erronée de présenter une pathologie médicale non psychiatrique, qui persiste malgré bilan médical approprié et rassurant / évolution > 6 mois
- Fréquemment présente dans épisode dépressif caractérisé, trouble anxieux généralisé, trouble panique chez le sujet jeune…
- Préoccupation portant sur un défaut imaginaire de l’apparence physique
Diagnostics différentiels
- Psychiatriques
- Non psychiatriques
- Troubles factices : correspondent à la production intentionnelle de signes ou symptômes physique ou psychologiques pour jouer le rôle de malade / = syndrome de Münchhausen, exceptionnel dans la pratique courante
- Troubles psychosomatiques : pathologies médicales non psychiatriques (avec lésion identifiable) pour lesquels des facteurs psychologiques jouent un rôle prépondérant comme facteur déclenchant ou entretenant
- Troubles psychiatriques spécifiques : formes «somatisées»
- 50% des patients consultent leur médecin pour des symptômes physiques en 1e
- Par exemple : épisode dépressif caractérisé et douleur / signes neurovégétatifs dans le trouble panique…
- Le diagnostic de trouble somatoforme est alors posé uniquement si les signes ne sont pas mieux expliqués par d’autres troubles
- Communication ± difficile : ne pas dire que les symptômes sont «dans la tête» --> objectif: faire comprendre au patient que le traitement psychotrope peut améliorer sa qualité de vie
- Importance ++ de l’anamnèse et de l’examen clinique / synthèse des constations médicales incontestables (ne pas conclure trop vite à une origine psychogène)
- Bilan complémentaire guidé selon les symptômes et le contexte d’apparition
Evolution
Pronostic
- Mortalité
- Morbidité
- Suicide +++ : surtout en cas de trouble dépressif associé
- Iatrogène : investigation médicale ou chirurgicale injustifiée (convulsion non épileptique…)
- Pronostic fonctionnel et morbidité altérés en cas de syndrome clinique sévère, comorbidités sévères, diagnostic tardif (avec examens paracliniques, hospitalisations répétés), durée d’évolution longue, difficulté pour reconnaître des facteurs de stress et émotionnels engagés
Co-morbidités
- Psychiatrique
- Non psychiatrique
- Trouble dépressif caractérisé ++ / troubles anxieux / trouble de l’adaptation
- Troubles de personnalité
- Trouble dissociatif (amnésie dissociative, trouble dépersonnalisation/ déréalisation)
- Distinction d’un épisode dépressif caractérisé associé à un trouble somatoforme type douloureux par rapport à un épisode dépressif avec simples symptômes douloureux : difficile en pratique / dans un épisode dépressif isolé, la symptomatologie douloureuse s’améliore avec la symptomatologie dépressive
- Très souvent comorbides d’une pathologie médicale non psychiatrique
Traitement
Prise en charge initiale
- Hospitalisation
- Education et information du patient
- Généralement non nécessaire
- Parfois hospitalisation courte en médecine pour examens complémentaires
- Possible aussi en cas de comorbidités psychiatriques avec signes de gravité
- En pédopsychiatrie, double prise charge coordonnée systématique :
- Pédiatrique : exploration médicale pour éliminer les diagnostics différentiels ≠, pour rassurer l’enfant-adolescent et sa famille, en ouvrant sur la dimension psychologique
- Pédopsychiatrique : observation clinique, recherche de comorbidités psychiatriques, mise en place d’un traitement adapté en limitant les facteurs de maintenance et les bénéfices secondaires
- Objectif : éviter les investigations multiples inutiles et orienter vers une prise en charge psychiatrique
- Stratégies de communication du diagnostic de trouble somatoforme
- Reconnaître la légitimité de la demande de soin du patient, l’en informer afin qu’il trouve un intérêt progressif à une démarche orientée vers la santé mentale
- Reconnaître que les symptômes sont « véritables » : ne pas dire «il n’y a rien»
- Donner une étiquette : donner le nom du trouble mental, rassurer sur le fait qu’il s’agit d’une maladie commune et reconnue, donner des noms alternatifs / ne pas se contenter «d’éliminer» des maladies
- Evoquer les facteurs déclenchants et de maintenance : briser le cercle vicieux impliquant inquiétude – stress – symptômes – inquiétude / expliquer l’absence de lésion réelle mais la probable intrication de facteurs mineurs physiques et psychosociaux
- Discuter du traitement : médicaments peu efficaces en l’absence de comorbidité dépressive ou anxieuse (sauf ISRS & ISRNa dans fibromyalgie & ISRS dans dysmorphophobie ou syndrome de l’intestin irritable) / mais le traitement psychologique est efficace sur les symptômes et leur retentissement ++ (en discuter avec patient ++)
- Chez l’enfant : tenir compte de ses représentations (+ celles de ses parents)
Dimension relationnelle
- Prise en charge collaborative
- Relation médecin – malade
- Collaboration avec le médecin ayant orienté vers le psychiatre, au moins initialement
- Prise en charge médicale + psychiatrique rassure le patient & suivi régulier --> éviter au maximum les consultations en urgence
- Alliance thérapeutique de qualité: négociation des objectifs, moyens du traitement
- Perspective de psychologie de la santé : permet au patient de mieux identifier son stress, son soutien social, son contrôle, sa stratégie d’ajustement au stress perçus
- Permet de mieux rebondir sur une prise en charge psychiatrique spécifique (gestion émotionnelle ++)
- Objectifs thérapeutiques doivent être modestes mais centrés sur l’atténuation des symptômes et de leur retentissement psychosocial (plutôt que leur guérison)
- Limiter les examens complémentaires (les résultats négatifs ne rassurent souvent pas le malade et renforcent son angoisse) / risque d’incidentalome sans lien avec plainte…
- Chez l’enfant : difficultés des familles à comprendre l’origine psychiatrique parfois / parfois représentations familiales participent au trouble (facteurs religieux, culturels) / tenir compte des stratégies parentales / discuter l’intérêt d’une intervention familiale
- Toujours privilégier approche centrée sur le patient (et non sur la maladie car particulièrement délétère dans ce cas): s’intéresser aux symptômes, contexte du patient
- Aborder les conflits médecin-malade / attention aux attitudes contre-transférentielles
Traitement spécifique
- Prise en charge psychologique (psychothérapie)
- Traitement médicamenteux
- Pédopsychiatrie
- A privilégier en l’absence de trouble comorbide
- Ciblant mécanismes psychophysiologiques entretenant le trouble : améliore les signes (surtout troubles somatoformes pauci-symptomatiques de type douloureux)
- Difficile à proposer en pratique selon le refus du patient (se sentant «abandonné» par le somaticien) et absence de remboursement par la Sécurité Sociale
- Si facteur de stress lié à dynamique familiale : prise en charge en thérapie systémique possible (chez enfant et adolescent ++ avec thérapies familiales)
- Relaxation avec exercices respiratoires, baisse de tension musculaire, biofeedback
- Méditation (exercices d’entraînement attentionnel)
- Thérapies cognitivo-comportementales (améliore reconnaissance et gestion émotionnelle) : cognitif pour meilleure prise de conscience de la focalisation de l’attention sur sensations corporelles-catastrophisme / comportemental : identification et diminution des conduites d’évitement via exposition pour développement de nouvelles stratégies adaptatives (sans utiliser les symptômes ou statut de malade c’est-à-dire des bénéfices secondaires)
- ISRS : parfois diminution des symptômes des troubles somatoformes (mais efficacité globale médiocre)
- Stimulation magnétique transcrânienne (rTMS) : ciblant le cortex moteur parfois utile dans le trouble de conversion à type déficit moteur
- Approche psychothérapeutique ++ : individuelle ou familiale (intérêt d’améliorer la communication de la famille sur les facteurs de stress de leur enfant et y faire face)
- Thérapies cognitivo-comportementales : les mieux évaluées chez l’enfant-ado / bon niveau d’efficacité
- Antidépresseurs : pas d’indication en dehors d’un épisode dépressif caractérisé ou d’un trouble anxieux résistant à la prise en charge psychothérapeutique
Traitements associés
- Traitements des comorbidités
- Stratégies de réhabilitation
- Prise en charge spécifique d’un épisode dépressif caractérisé, d’un trouble anxieux, d’un trouble de personnalité (cf item 64) : traitement médicamenteux + psychothérapie généralement associés (préférer la psychothérapie seule en 1e intention chez l’enfant et l’adolescent)
- En cas de symptômes sévères : prise en charge du handicap associé
- L’étiologie psychiatrique ne doit pas faire sous-évaluer le retentissement du trouble
Surveillance
- Suivi au long cours / progression lente
DOULEURS DYSFONCTIONNELLES : LA FIBROMYALGIE
Généralités, diagnostic
Généralités
- Fréquente : 2% de la population adulte / 7 femmes pour un homme
- C’est une douleur dysfonctionnelle = sans lésion somatique identifiée
- Etiologies
- Physiopathologie : multifactorielle
- Autres syndromes douloureux dysfonctionnels : colopathie fonctionnelle, cystalgie à urines claires, syndrome de Tietze (douleurs précordiales), syndrome de l’articulé temporo-mandibulaire, céphalées de tension
- Nommer la maladie a permis de diminuer l’inquiétude des patients, le nomadisme médical et permet la construction d’un projet thérapeutique (reconnu en 2006 en France)
- Fibromyalgie primaire: trouble somatoforme (voire construction médicale ?)
- Fibromyalgie secondaire : associée à d’autres pathologies
- Syndromes douloureux chroniques (lombalgies, arthrose, céphalées)
- Maladie auto-immunes (lupus, polyarthrite rhumatoïde, Sjögren, spondylarthrites)
- Pathologies infectieuses (Lyme, post-hépatites, post-mononucléose...)
- Concept d’hypersensibilité centrale (ou sensibilisation centrale)
- Hypothèses physiopathologiques de la fibromyalgie
- Désordre neurologique central ++ : hypersensibilité centrale, perte des contrôles inhibiteurs descendants
- Désordre neurologique périphérique : lésions des petites fibres
- Troubles neuroendocriniens : théorie du stress, anomalie de l’axe hypothalamo-hypophysaire, cortisol...
- Anomalies génétiques: sur métabolisme des neuromédiateurs, rares cas familiaux
- Anomalies psychologiques : stress, traumatisme, antécédent d’abus sexuel...
- Carence possiblement en cause : vitamine D, magnésium, acides aminés, hormones thyroïdiennes, GH, estrogènes..
- Iatrogènes : traitement par anti-aromatases, statines, bêta-bloquants…
- Troubles de l’adaptation, de la flexibilité : difficulté à faire face (coping) ou dramatisation excessive (catastrophisme)
Diagnostic
- Signes cliniques
- Examens complémentaires
- Critères ACR 1990 de classification de la fibromyalgie
- Modalité de dépistage : questionnaire FiRST
- Autre syndrome fonctionnel ± associé : syndrome de fatigue chronique
- Terrain : pas + de troubles psychiatriques constitués mais comorbidités habituelles de la douleur chronique (troubles anxieux, dépression, hypervigilance, catastrophisme)
- Douleur : principal symptôme, ressentie comme sévère / prédominance axiale, para-vertébrale, au rachis cervical, dorsal, région lombo-fessière / parfois intermittente, migratrice / crises douloureuses ou permanentes
- Signes associés : asthénie (80-90%), troubles du sommeil (75%), dérouillage matinal (80%), migraines ou céphalées (50%), troubles digestifs (50%) ± acrosyndrome vasomoteur, dysménorrhée, instabilité vésicale…
- Diagnostic clinique / limiter les examens complémentaires
- En général au minimum : NFS-CRP / dosage vitamine D-calcium-phosphore / TSH / ASAT-ALAT, ionogramme ± autres selon la clinique
- Douleurs spontanées diffuses: syndrome douloureux diffus d’évolution > 3 mois, réparti sur l’ensemble du corps, touchant hémicorps droit et gauche, les parties supérieures et inférieures du corps
- Douleurs à la pression (allodynie) : perception d’une douleur à la palpation d’au moins 11 points douloureux sur 18 identifiés
- Remarque : ce sont des critères de classification et non de diagnostic (possible sans les 11 points douloureux) / critères 2010 prenant en compte d’autres symptômes (fatigue, céphalées...) qui permettent diagnostic positif + la gradation de sévérité
- 6 questions / si réponse positives à ≥ 5 items : pose le diagnostic de fibromyalgie avec une sensibilité et spécificité d’environ 85%
- Fatigue chronique depuis ≥ 6 mois, réduisant significativement le niveau d’activité et ayant été explorée médicalement de façon approfondie
- ≥ 4 des symptômes suivant pendant ≥ 6 mois : troubles de mémoire ou de la concentration / pharyngite / adénopathies cervicales ou axillaires / myalgies / arthralgies / céphalées / sommeil non réparateur / sensation de malaise après exercice
- Si pas tous les critères (temps, sévérité) = fatigue chronique idiopathique
- Le diagnostic d’épisode dépressif associé n’est pas un critère d’exclusion (donc l’existence de ce syndrome est très controversé)
Prise en charge
Généralités
- Multidimensionnelle (modèle bio-psycho-social)
- La prise en charge repose sur des traitements médicamenteux d’action centrale + des approches physiques et éducatives
- Expliquer au patient qu’il s’agit d’une maladie par défaut de contrôle de la douleur / un désordre neurologique central des voies de la douleur ± sur facteur favorisant
Traitements médicamenteux
- Aucun médicament n’a l’AMM en France pour la fibromyalgie
- Antalgiques classiques
- Traitements antalgiques du système nerveux central
- Utile en prévention d’une situation à risque d’augmentation des douleurs (effort sportif, voyage…)
- Le paracétamol / les AINS sont généralement peu efficaces
- Opioïdes : à déconseiller, peu efficaces, risque d’addiction et de mésusage
- Tramadol ++ : le plus efficace des antalgiques classiques
- Antidépresseurs : tricycliques, IRSNa (ISRS peu efficaces)
- Antiépileptiques : gabapentine, prégabaline
- Hypnotiques : si troubles du sommeil, ne modifient pas la douleur
Traitements non médicamenteux
- Approches cognitivo-comportementales : thérapie cognitivo-comportementales, efficacité sur la douleur, la fatigue, l’humeur / doivent être individualisées pour chaque patient
- Relaxation et méditation : imagerie mentale, biofeedback, mindfulness (méditation pleine conscience) intéressantes mais peu évaluées
- Exercice physique : aérobie, en milieu aquatique surtout / ont fait la preuve de leur efficacité sur la douleur, les pressions des points douloureux, les performances aérobies / s’il est associé à d’autres thérapeutiques : améliore le sommeil, la fatigue, le bien-être général
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Diagnostiquer un trouble somatoforme
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient
Généralités
Définitions
- Trouble psychosomatique : trouble médical non psychiatrique objectivable dont la dimension psychologique (stress…) est déterminante dans sa survenue et son évolution / avec une lésion retrouvée
- Somatoforme : désigne un ensemble de symptômes, de signes, de syndromes ou de plaintes de type physique pour lesquelles aucune anomalie identifiable de type lésionnel ne peut être incriminée. On distingue parmi les troubles somatoformes :
- Ces troubles impliquent :
- On regroupe généralement troubles somatoformes + troubles psychosomatiques sous le terme de « trouble psychosomatique » = manifestations à expression essentiellement physique, mais dont le déterminisme et l’évolution sont fortement marqués par l’intervention de facteurs psychologiques ou psychopathologiques
- Symptôme fonctionnel : équivaut à non organique (dans la mesure où organique = lésionnel) / subjectif (terme le + neutre pour les patients)
- Possible somatisation dans le cadre d’un trouble psychiatrique se présentant avec plainte somatique
- Pathologies fréquemment impliquées : asthme, eczéma, céphalées, ulcère gastro-duodénal, colopathie..
- Trouble de somatisation / Trouble de conversion / Trouble douloureux
- Hypochondrie / Dysmorphophobie
- DSM-V : on parle désormais de « trouble à symptomatologie somatique et apparentée »
- Souffrance psychique avec altération du fonctionnement socioprofessionnel
- Non-imputabilité à un autre trouble psychiatrique ou non psychiatrique caractérisé
- Participation psychologique à l’étiopathogénie du trouble
épidémiologie
- Difficile à déterminer : 5 à 10% en population générale (+ si on considère les consultants)
- Trouble de somatisation : débute à la fin de l’adolescence-début de l’âge adulte / trouble douloureux & trouble de conversion : à tout âge / sex-ratio : 2 femmes pour 1 homme
- Prévalence des troubles somatoformes : dépend du terrain dépressif associé / à rechercher systématiquement
- Facteurs de risque : facteurs de stress (traumatiques, conflits relationnels..) / stratégies d’ajustement au stress réduites (trouble de la personnalité..) / antécédents familiaux de troubles somatoformes
- Chez l’enfant
- Prévalence : 12% environ
- Facteurs de risque : facteurs de stress / comorbidités psychiatriques (troubles anxieux, épisode dépressif caractérisé) / dimensions de personnalité / antécédents familiaux de troubles somatoformes / problèmes de santé généraux / faible niveau socio-économique (sauf trouble douloureux : niveau d’études supérieur) / contexte familial : difficultés à communiquer, mauvaises stratégies d’ajustement au stress..
Physiopathologie
- Concept historique de «conversion hystérique»
- Modèle cognitivo-comportemental
- Modèle psychophysiologique
- Conversion = transformation d’une énergie en une autre / hystera = utérus
- Théorie psychanalytique : conversion d’une énergie psychique (liée à la représentation d’un trauma sexuel) en énergie somatique / refoulement dans l’inconscient de cette représentation anxiogène / mise en scène symbolique par le corps de la représentation du trauma sexuel
- Nature « sexuelle » des facteurs de stress n’est que rarement retrouvée en pratique
- Mécanismes proches du trouble panique
- Cognitif : attention excessive portée aux sensations corporelles (souvent renforcée par des efforts d’évitement) + attribution erronée de leur signification (catastrophisme) / favorisés par exposition récente ou ancienne à la maladie, personnalité anxieuse…
- Comportementaux : évitement (conditionnement opérant : renforcement négatif) / conditonnement répondant : lien entre stimulus conditionnel (par exemple distension abdominale) associé à stimulus inconditionnel (par exemple douleur) --> sensations pénibles reviennent ensuite même en l’absence de stimulus inconditionnel
- Tente de dépasser le clivage « psyché » opposé au « somatique » et psychiatrie opposée à la neurologie
- Dans toute expérience, il existe une dimension subjective (vécue) et objective (mesurable par des outils de neuro-imagerie) : les troubles somatoformes seraient liés à des modifications fonctionnelles des régions cérébrales impliquées dans la régulation émotionnelle et de la représentation de soi (notamment zones du cortex cingulaire, cortex préfrontal ventro-médial…)
- Chez des personnes vulnérables : défaut d’intégration psychophysiologique harmonieux des vécus émotionnels / les régions cérébrales de la représentation de soi & régulation émotionnelle viendraient moduler les régions plus directement responsables des signes cliniques (cortex central moteur pour signes moteurs, etc…)
Diagnostic
Signes cliniques
- Symptômes et signes cliniques sans anomalies lésionnelles (mais probables modifications psychophysiologiques fonctionnelles) / souvent consultation 1e d’un médecin non psychiatre / ne pas parler de symptômes « médicalement inexpliqués » ou « hystériques »
- Symptômes et signes fonctionnels
- Symptômes et signes d’allure neurologique
- Symptômes douloureux
- Peuvent toucher les 3 domaines suivants : gastro-intestinal / cardiovasculaire / génito-urinaire et sexuel
- Association de multiples plaintes fonctionnelles polymorphes & durables = syndrome de Briquet
- Sphère motrice : altération de la coordination et de l’équilibre / faiblesse localisée / parésie / contracture / dystonie / tremblement / aphonie / diplopie / dysphagie / rétention aiguë d’urines…
- Sphère sensorielle : + souvent du côté gauche / diminution de sensibilité / cécité / surdité / parfois hallucinations souvent poly-sensorielles & fantasmatiques
- Mouvements anormaux, convulsions, crises d’allure épileptique avec perte de connaissance…
- Ce sont des signes ne respectant pas l’organisation anatomique du système nerveux central et périphérique / avec suggestibilité des signes/ signes associés à 30% à une maladie neurologique (convulsion non épileptique et convulsions épileptiques / faiblesse et sclérose en plaques / contracture et dystonie idiopathique : signes non entièrement expliqués par la maladie neurologique) --> prudence dans l’interprétation psychiatrique de signes à organisation anatomique peu évidente / ne pas parler de « pseudo-neurologique »
- Evaluer l’intensité par échelle visuelle analogique
- Si évolue < 6 mois : symptômes douloureux aigus
- Si évolue > 6 mois : symptômes douloureux chroniques
- Pathologie médicale non psychiatrique peut être associée / mais n’expliquant alors pas tout le tableau clinique
Formes cliniques
- Trouble de somatisation (DSM-V : trouble à symptomatologie somatique)
- Trouble de conversion (DSM-V : trouble à symptomatologie neurologique fonctionnel)
- Troubles douloureux (DSM-V : trouble à symptomatologie somatique à prédominance douloureux = sous type du trouble de somatisation)
- Hypochondrie (DSM-V-TR : crainte excessive d’avoir une maladie)
- Dysmorphophobie
- Symptomatologie : gastro-intestinale / cardio-vasculaire / génito-urinaire, sexuelle
- Critères diagnostiques :
- Examens complémentaires : à réaliser selon la symptomatologie / savoir les arrêter lorsque le diagnostic psychiatrique est posé
- Tableaux moins complets : troubles somatoformes indifférenciés (durée d’évolution > 6 mois) et non spécifiés (durée < 6 mois) / atteinte d’1 seul tableau corporel généralement / forme la + fréquente
- Symptômes fonctionnels atteignant dans la forme complète ≥ 3 domaines corporels (sévérité relative des symptômes)
- Evolution ayant débuté avant l’âge de 30 ans et évoluant depuis plusieurs années / répercussions fonctionnelles
- Il n’existe pas d’autre diagnostic différentiel (++)
- « Troubles fonctionnels » selon les spécialités on retrouve : colopathie fonctionnelle, syndrome du colon irritable, spasmophilie, précordialgie non angineuse, fibromyalgie, céphalées de tension, fatigue chronique, syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur (SADAM), vulvodynies, anodynies, algies pelviennes, syndrome douloureux prémenstruel…
- Fréquence ++ mais sévérité moins importante que le trouble de somatisation complet
- Chez l’enfant : fréquent (2-5%) : anorexie mentale du nourrison, mérycisme, coliques idiopathiques, spasmes du sanglot, énurésies, syndrome de fatigue chronique.. / symptômes fonctionnels, dits somatoformes si manifestations sévères, avec impact important sur le quotidien et demande médicale fréquente
- Critères diagnostiques
- Examens complémentaires : peuvent être utiles pour éliminer une pathologie neurologique expliquant mieux ces signes
- Distinction selon la sphère touchée : de type moteur, sensitif-sensoriel, malaise-convulsion
- En neurologie, appelées maladies « psychogènes » : paralysie psychogène, aphonie psychogène, surdité psychogène, crises non épileptiques psychogènes…
- Symptômes ou signes d’allure neurologique (DSM-V : incompatibilité anatomique)
- Facteur psychologique retrouvé déclenchant ou entraînant le trouble (critère désormais absent dans le DSM-V)
- Répercussions fonctionnelles / pas d’autre diagnostic différentiel (++)
- Critères diagnostiques
- Cause médicale non psychiatrique possiblement source de douleur / on peut alors poser ce diagnostic si les symptômes douloureux sont insuffisamment expliqués par la pathologie
- Examens complémentaires : pour éliminer une pathologie expliquant mieux ces signes
- Evolution : forme aiguë (< 6 mois) / forme chronique (> 6 mois) / forme associée à une pathologie médicale non psychiatrique
- Symptômes douloureux
- Facteur psychologique retrouvé déclenchant ou entraînant le trouble
- Répercussions fonctionnelles / pas d’autre diagnostic différentiel (++)
- Conviction erronée de présenter une pathologie médicale non psychiatrique, qui persiste malgré bilan médical approprié et rassurant / évolution > 6 mois
- Fréquemment présente dans épisode dépressif caractérisé, trouble anxieux généralisé, trouble panique chez le sujet jeune…
- Préoccupation portant sur un défaut imaginaire de l’apparence physique
Diagnostics différentiels
- Psychiatriques
- Non psychiatriques
- Troubles factices : correspondent à la production intentionnelle de signes ou symptômes physique ou psychologiques pour jouer le rôle de malade / = syndrome de Münchhausen, exceptionnel dans la pratique courante
- Troubles psychosomatiques : pathologies médicales non psychiatriques (avec lésion identifiable) pour lesquels des facteurs psychologiques jouent un rôle prépondérant comme facteur déclenchant ou entretenant
- Troubles psychiatriques spécifiques : formes «somatisées»
- 50% des patients consultent leur médecin pour des symptômes physiques en 1e
- Par exemple : épisode dépressif caractérisé et douleur / signes neurovégétatifs dans le trouble panique…
- Le diagnostic de trouble somatoforme est alors posé uniquement si les signes ne sont pas mieux expliqués par d’autres troubles
- Communication ± difficile : ne pas dire que les symptômes sont «dans la tête» --> objectif: faire comprendre au patient que le traitement psychotrope peut améliorer sa qualité de vie
- Importance ++ de l’anamnèse et de l’examen clinique / synthèse des constations médicales incontestables (ne pas conclure trop vite à une origine psychogène)
- Bilan complémentaire guidé selon les symptômes et le contexte d’apparition
Evolution
Pronostic
- Mortalité
- Morbidité
- Suicide +++ : surtout en cas de trouble dépressif associé
- Iatrogène : investigation médicale ou chirurgicale injustifiée (convulsion non épileptique…)
- Pronostic fonctionnel et morbidité altérés en cas de syndrome clinique sévère, comorbidités sévères, diagnostic tardif (avec examens paracliniques, hospitalisations répétés), durée d’évolution longue, difficulté pour reconnaître des facteurs de stress et émotionnels engagés
Co-morbidités
- Psychiatrique
- Non psychiatrique
- Trouble dépressif caractérisé ++ / troubles anxieux / trouble de l’adaptation
- Troubles de personnalité
- Trouble dissociatif (amnésie dissociative, trouble dépersonnalisation/ déréalisation)
- Distinction d’un épisode dépressif caractérisé associé à un trouble somatoforme type douloureux par rapport à un épisode dépressif avec simples symptômes douloureux : difficile en pratique / dans un épisode dépressif isolé, la symptomatologie douloureuse s’améliore avec la symptomatologie dépressive
- Très souvent comorbides d’une pathologie médicale non psychiatrique
Traitement
Prise en charge initiale
- Hospitalisation
- Education et information du patient
- Généralement non nécessaire
- Parfois hospitalisation courte en médecine pour examens complémentaires
- Possible aussi en cas de comorbidités psychiatriques avec signes de gravité
- En pédopsychiatrie, double prise charge coordonnée systématique :
- Pédiatrique : exploration médicale pour éliminer les diagnostics différentiels ≠, pour rassurer l’enfant-adolescent et sa famille, en ouvrant sur la dimension psychologique
- Pédopsychiatrique : observation clinique, recherche de comorbidités psychiatriques, mise en place d’un traitement adapté en limitant les facteurs de maintenance et les bénéfices secondaires
- Objectif : éviter les investigations multiples inutiles et orienter vers une prise en charge psychiatrique
- Stratégies de communication du diagnostic de trouble somatoforme
- Reconnaître la légitimité de la demande de soin du patient, l’en informer afin qu’il trouve un intérêt progressif à une démarche orientée vers la santé mentale
- Reconnaître que les symptômes sont « véritables » : ne pas dire «il n’y a rien»
- Donner une étiquette : donner le nom du trouble mental, rassurer sur le fait qu’il s’agit d’une maladie commune et reconnue, donner des noms alternatifs / ne pas se contenter «d’éliminer» des maladies
- Evoquer les facteurs déclenchants et de maintenance : briser le cercle vicieux impliquant inquiétude – stress – symptômes – inquiétude / expliquer l’absence de lésion réelle mais la probable intrication de facteurs mineurs physiques et psychosociaux
- Discuter du traitement : médicaments peu efficaces en l’absence de comorbidité dépressive ou anxieuse (sauf ISRS & ISRNa dans fibromyalgie & ISRS dans dysmorphophobie ou syndrome de l’intestin irritable) / mais le traitement psychologique est efficace sur les symptômes et leur retentissement ++ (en discuter avec patient ++)
- Chez l’enfant : tenir compte de ses représentations (+ celles de ses parents)
Dimension relationnelle
- Prise en charge collaborative
- Relation médecin – malade
- Collaboration avec le médecin ayant orienté vers le psychiatre, au moins initialement
- Prise en charge médicale + psychiatrique rassure le patient & suivi régulier --> éviter au maximum les consultations en urgence
- Alliance thérapeutique de qualité: négociation des objectifs, moyens du traitement
- Perspective de psychologie de la santé : permet au patient de mieux identifier son stress, son soutien social, son contrôle, sa stratégie d’ajustement au stress perçus
- Permet de mieux rebondir sur une prise en charge psychiatrique spécifique (gestion émotionnelle ++)
- Objectifs thérapeutiques doivent être modestes mais centrés sur l’atténuation des symptômes et de leur retentissement psychosocial (plutôt que leur guérison)
- Limiter les examens complémentaires (les résultats négatifs ne rassurent souvent pas le malade et renforcent son angoisse) / risque d’incidentalome sans lien avec plainte…
- Chez l’enfant : difficultés des familles à comprendre l’origine psychiatrique parfois / parfois représentations familiales participent au trouble (facteurs religieux, culturels) / tenir compte des stratégies parentales / discuter l’intérêt d’une intervention familiale
- Toujours privilégier approche centrée sur le patient (et non sur la maladie car particulièrement délétère dans ce cas): s’intéresser aux symptômes, contexte du patient
- Aborder les conflits médecin-malade / attention aux attitudes contre-transférentielles
Traitement spécifique
- Prise en charge psychologique (psychothérapie)
- Traitement médicamenteux
- Pédopsychiatrie
- A privilégier en l’absence de trouble comorbide
- Ciblant mécanismes psychophysiologiques entretenant le trouble : améliore les signes (surtout troubles somatoformes pauci-symptomatiques de type douloureux)
- Difficile à proposer en pratique selon le refus du patient (se sentant «abandonné» par le somaticien) et absence de remboursement par la Sécurité Sociale
- Si facteur de stress lié à dynamique familiale : prise en charge en thérapie systémique possible (chez enfant et adolescent ++ avec thérapies familiales)
- Relaxation avec exercices respiratoires, baisse de tension musculaire, biofeedback
- Méditation (exercices d’entraînement attentionnel)
- Thérapies cognitivo-comportementales (améliore reconnaissance et gestion émotionnelle) : cognitif pour meilleure prise de conscience de la focalisation de l’attention sur sensations corporelles-catastrophisme / comportemental : identification et diminution des conduites d’évitement via exposition pour développement de nouvelles stratégies adaptatives (sans utiliser les symptômes ou statut de malade c’est-à-dire des bénéfices secondaires)
- ISRS : parfois diminution des symptômes des troubles somatoformes (mais efficacité globale médiocre)
- Stimulation magnétique transcrânienne (rTMS) : ciblant le cortex moteur parfois utile dans le trouble de conversion à type déficit moteur
- Approche psychothérapeutique ++ : individuelle ou familiale (intérêt d’améliorer la communication de la famille sur les facteurs de stress de leur enfant et y faire face)
- Thérapies cognitivo-comportementales : les mieux évaluées chez l’enfant-ado / bon niveau d’efficacité
- Antidépresseurs : pas d’indication en dehors d’un épisode dépressif caractérisé ou d’un trouble anxieux résistant à la prise en charge psychothérapeutique
Traitements associés
- Traitements des comorbidités
- Stratégies de réhabilitation
- Prise en charge spécifique d’un épisode dépressif caractérisé, d’un trouble anxieux, d’un trouble de personnalité (cf item 64) : traitement médicamenteux + psychothérapie généralement associés (préférer la psychothérapie seule en 1e intention chez l’enfant et l’adolescent)
- En cas de symptômes sévères : prise en charge du handicap associé
- L’étiologie psychiatrique ne doit pas faire sous-évaluer le retentissement du trouble
Surveillance
- Suivi au long cours / progression lente
DOULEURS DYSFONCTIONNELLES : LA FIBROMYALGIE
Généralités, diagnostic
Généralités
- Fréquente : 2% de la population adulte / 7 femmes pour un homme
- C’est une douleur dysfonctionnelle = sans lésion somatique identifiée
- Etiologies
- Physiopathologie : multifactorielle
- Autres syndromes douloureux dysfonctionnels : colopathie fonctionnelle, cystalgie à urines claires, syndrome de Tietze (douleurs précordiales), syndrome de l’articulé temporo-mandibulaire, céphalées de tension
- Nommer la maladie a permis de diminuer l’inquiétude des patients, le nomadisme médical et permet la construction d’un projet thérapeutique (reconnu en 2006 en France)
- Fibromyalgie primaire: trouble somatoforme (voire construction médicale ?)
- Fibromyalgie secondaire : associée à d’autres pathologies
- Syndromes douloureux chroniques (lombalgies, arthrose, céphalées)
- Maladie auto-immunes (lupus, polyarthrite rhumatoïde, Sjögren, spondylarthrites)
- Pathologies infectieuses (Lyme, post-hépatites, post-mononucléose...)
- Concept d’hypersensibilité centrale (ou sensibilisation centrale)
- Hypothèses physiopathologiques de la fibromyalgie
- Désordre neurologique central ++ : hypersensibilité centrale, perte des contrôles inhibiteurs descendants
- Désordre neurologique périphérique : lésions des petites fibres
- Troubles neuroendocriniens : théorie du stress, anomalie de l’axe hypothalamo-hypophysaire, cortisol...
- Anomalies génétiques: sur métabolisme des neuromédiateurs, rares cas familiaux
- Anomalies psychologiques : stress, traumatisme, antécédent d’abus sexuel...
- Carence possiblement en cause : vitamine D, magnésium, acides aminés, hormones thyroïdiennes, GH, estrogènes..
- Iatrogènes : traitement par anti-aromatases, statines, bêta-bloquants…
- Troubles de l’adaptation, de la flexibilité : difficulté à faire face (coping) ou dramatisation excessive (catastrophisme)
Diagnostic
- Signes cliniques
- Examens complémentaires
- Critères ACR 1990 de classification de la fibromyalgie
- Modalité de dépistage : questionnaire FiRST
- Autre syndrome fonctionnel ± associé : syndrome de fatigue chronique
- Terrain : pas + de troubles psychiatriques constitués mais comorbidités habituelles de la douleur chronique (troubles anxieux, dépression, hypervigilance, catastrophisme)
- Douleur : principal symptôme, ressentie comme sévère / prédominance axiale, para-vertébrale, au rachis cervical, dorsal, région lombo-fessière / parfois intermittente, migratrice / crises douloureuses ou permanentes
- Signes associés : asthénie (80-90%), troubles du sommeil (75%), dérouillage matinal (80%), migraines ou céphalées (50%), troubles digestifs (50%) ± acrosyndrome vasomoteur, dysménorrhée, instabilité vésicale…
- Diagnostic clinique / limiter les examens complémentaires
- En général au minimum : NFS-CRP / dosage vitamine D-calcium-phosphore / TSH / ASAT-ALAT, ionogramme ± autres selon la clinique
- Douleurs spontanées diffuses: syndrome douloureux diffus d’évolution > 3 mois, réparti sur l’ensemble du corps, touchant hémicorps droit et gauche, les parties supérieures et inférieures du corps
- Douleurs à la pression (allodynie) : perception d’une douleur à la palpation d’au moins 11 points douloureux sur 18 identifiés
- Remarque : ce sont des critères de classification et non de diagnostic (possible sans les 11 points douloureux) / critères 2010 prenant en compte d’autres symptômes (fatigue, céphalées...) qui permettent diagnostic positif + la gradation de sévérité
- 6 questions / si réponse positives à ≥ 5 items : pose le diagnostic de fibromyalgie avec une sensibilité et spécificité d’environ 85%
- Fatigue chronique depuis ≥ 6 mois, réduisant significativement le niveau d’activité et ayant été explorée médicalement de façon approfondie
- ≥ 4 des symptômes suivant pendant ≥ 6 mois : troubles de mémoire ou de la concentration / pharyngite / adénopathies cervicales ou axillaires / myalgies / arthralgies / céphalées / sommeil non réparateur / sensation de malaise après exercice
- Si pas tous les critères (temps, sévérité) = fatigue chronique idiopathique
- Le diagnostic d’épisode dépressif associé n’est pas un critère d’exclusion (donc l’existence de ce syndrome est très controversé)
Prise en charge
Généralités
- Multidimensionnelle (modèle bio-psycho-social)
- La prise en charge repose sur des traitements médicamenteux d’action centrale + des approches physiques et éducatives
- Expliquer au patient qu’il s’agit d’une maladie par défaut de contrôle de la douleur / un désordre neurologique central des voies de la douleur ± sur facteur favorisant
Traitements médicamenteux
- Aucun médicament n’a l’AMM en France pour la fibromyalgie
- Antalgiques classiques
- Traitements antalgiques du système nerveux central
- Utile en prévention d’une situation à risque d’augmentation des douleurs (effort sportif, voyage…)
- Le paracétamol / les AINS sont généralement peu efficaces
- Opioïdes : à déconseiller, peu efficaces, risque d’addiction et de mésusage
- Tramadol ++ : le plus efficace des antalgiques classiques
- Antidépresseurs : tricycliques, IRSNa (ISRS peu efficaces)
- Antiépileptiques : gabapentine, prégabaline
- Hypnotiques : si troubles du sommeil, ne modifient pas la douleur
Traitements non médicamenteux
- Approches cognitivo-comportementales : thérapie cognitivo-comportementales, efficacité sur la douleur, la fatigue, l’humeur / doivent être individualisées pour chaque patient
- Relaxation et méditation : imagerie mentale, biofeedback, mindfulness (méditation pleine conscience) intéressantes mais peu évaluées
- Exercice physique : aérobie, en milieu aquatique surtout / ont fait la preuve de leur efficacité sur la douleur, les pressions des points douloureux, les performances aérobies / s’il est associé à d’autres thérapeutiques : améliore le sommeil, la fatigue, le bien-être général