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Syndromes myéloprolifératifs

Diagnostiquer une maladie de Vaquez, une thrombocytémie essentielle, une leucémie myéloïde chronique

Syndromes myéloprolifératifs

Définition

  • Syndromes myéloprolifératifs : hémopathies malignes chroniques caractérisées par une hyperproduction de cellules myéloïdes matures par la moelle osseuse
  • Hémopathies avec prolifération myéloïde sans blocage de maturation
  • Sur la NFS : augmentation des lignées circulantes / cliniquement : splénomégalie, risque augmenté de thromboses
  • Regroupent 4 principales maladies, classées selon la lignée préférentiellement atteinte :
  • Touchent l’adulte > 50 ans/ très rarement, on retrouve des thrombocytémies essentielles et des leucémies myéloïdes chroniques chez l’enfant
  • Leucémie myéloïde chronique : neutrophile ++ / hyperleucocytose avec myélémie
  • Maladie de Vaquez : érythroblastes / polyglobulie
  • Thrombocytémie essentielle : mégacaryocytes / hyperplaquettose
  • Myélofibrose primitive (= splénomégalie myéloïde) : fibrose + hyperproduction médullaire

Physiopathologie

  • Maladies acquises et clonales touchant une cellule souche hématopoïétique, devenue indépendante des facteurs de croissance par anomalie génétique et dérégulation de la prolifération
  • Les cellules sanguines produites sont morphologiquement normales (absence de blocage de maturation comme on en trouve dans la leucémie aiguë)
  • Anomalies oncogénétiques connues : BCR-ABL dans la leucémie myéloïde chronique / JAK2 muté dans les autres syndromes myéloprolifératifs

évolution

  • Risque immédiat : thromboses veineuses et artérielles (polyglobulie, augmentation des leucocytes et plaquettes entraîne une augmentation des propriétés adhésives)
  • Risque commun à moyen-long terme : transformation en leucémie aiguë (leucémie aiguë myéloblastique essentiellement) de pronostic très sombre
  • Une survie prolongée est possible avec le traitement (dans la leucémie myéloïde chronique surtout ++) avec une évolution généralement lente
  • Myélofibrose primitive : forme la plus grave mais la plus rare de syndrome myéloprolifératif

MALADIE DE VAQUEZ

Généralités

Définitions

Maladie de Vaquez

Syndrome myéloprolifératif avec prolifération érythrocytaire clonale

Synonymes : polyglobulie primitive (ou vraie)

Polyglobulie

Augmentation de la masse globulaire totale (VGT) > 125% En pratique, suspectée si hématocrite > 45% chez la femme et > 54% chez le homme

épidémiologie

  • Peu fréquent (incidence = 2/100 000) / âge moyen = 60 ans (rare avant 40 ans)
  • Sex ratio : homme + fréquent que chez la femme

Physiopathologie

  • Hyperplasie myéloïde globale prédominante sur lignée érythrocytaire
  • Mutation JAK2 (V617F) : entraîne une activité tyrosine kinase sans la nécessité d’EPO › hyperactivité du récepteur à l’EPO
  • Progéniteurs devenus indépendants de l’érythropoïétine (formation de colonies érythroblastiques in vitro même sans EPO)

Contrairement à la leucémie myéloïde, chronique, il n’y a pas d’anomalie cytogénétique spécifique de la maladie Vaquez (le caryotype est normal)

Diagnostic

Examen clinique

Interrogatoire

  • Terrain : patient > 50ans / homme / pas d’autre facteur de risque connu
  • Signes fonctionnels
  • Asymptomatique : découverte fortuite (NFS) (le + fréquent)
  • Ou signes évocateurs d’hyperviscosité sanguine
  • Céphalées / lipothymies / vertiges / acouphènes
  • Troubles visuels / neuropsychiques / paresthésies
  • Thromboses veineuses ou artérielles

Examen physique

  • Signes en faveur d’une polyglobulie
  • Signes liés au syndrome myéloprolifératif
  • Rechercher une cause de fausse polyglobulie
  • Rechercher une cause de polyglobulie secondaire
  • Erythrose faciale et des extrémités
  • Hypertension artérielle modérée assez fréquente
  • Fond d’œil = papilles rouges / veines dilatées et irrégulières
  • Prurit à l’eau (aquagénique) / splénomégalie (± associé à hyperplaquettose / hyperleucocytose)
  • Hémoconcentration : déshydratation / prise de diurétiques…
  • Examen respiratoire : signes d’insuffisance respiratoire chronique
  • Examen abdominal : rechercher un syndrome tumoral (rénal ou hépatique)
  • Examen neurologique : recherche syndrome cérébelleux (cf hémangiome)

Examens complémentaires

Pour le diagnostic positif de polyglobulie

  • NFS avec frottis
  • Mesure isotopique du volume globulaire total
  • Polyglobulie suspectée devant :
  • Autres signes sur la NFS orientant vers un Vaquez (forme primitive)
  • Thrombocytose et/ou hyperleucocytose associés (2/3)
  • Myélémie : précurseurs myélocytaires circulants au frottis
  • Homme : hématocrite > 54% / hémoglobine > 18,5g/dL
  • Femme : hématocrite > 47% / hémoglobine > 16,5g/dL
  • Indication Affirmer le caractère « vraie » de la polyglobulie

Examen inutile si l’hématocrite est supérieur à 60% chez l’homme ou >56% chez la femme : le VGT sera forcément augmenté

  • Modalités
  • Mesure isotopique de la masse globulaire par des hématies marquées au chrome 51
  • Mesure simultanée du volume plasmatique (albumine marquée: permet d’éliminer une éventuelle déshydratation extracellulaire)
  • Polyglobulie vraie si le volume globulaire total est supérieur à 125% de la normale

Pour poser le diagnostic de maladie de Vaquez

  • Recherche mutation de JAK-2
  • Mutation V617F / sur PNN circulants / positive dans 95% des cas
  • Si mutation retrouvée : affirme le diagnostic de maladie de Vaquez

Mais la mutation peut être présente dans d’autres syndromes myélo-prolifératifs

  • Autres éléments diagnostiques (du – au + invasif)
  • Si mutation JAK-2 négative › recherche d’autres diagnostics : le Vaquez est très peu probable
  • Dosage de l’EPO sérique (diminué dans le Vaquez, normalement augmenté en cas de polyglobulie secondaire)
  • Culture des progéniteurs érythroblastiques : pousse spontanée si Vaquez
  • Biopsie ostéo-médullaire : recherche d’hyperplasie des 3 lignées myéloïdes ± myélofibrose

Pour éliminer une polyglobulie secondaire

  • En pratique devant polyglobulie vraie : recherche de la mutation JAK2 direct / si négatif : recherche une polyglobulie secondaire
  • Gaz du sang (la cause respiratoire peut être éliminée si saturation en O2 > 92%)
  • Echographie abdominale et rénale : recherche un carcinome hépatocellulaire ou une tumeur rénale

Pour évaluation du retentissement :

Dosage de l’uricémie (normale : 120 à 420 µmol/L)

Diagnostics différentiels

Fausses polyglobulies (mesure du volume globulaire totale normale)

  • Hémoconcentration (déshydratation extracellulaire essentiellement) (protidémie et albuminémie augmentés)
  • Etat de pléthore (syndrome de Gaisbock) : hommes jeunes, sédentaires, avec une surcharge pondérale
  • Pseudo-polyglobulie des thalassémies (microcytose / absence de carence martiale / diagnostic par électrophorèse de l’hémoglobine)

En cas Vaquez avec carence martiale (hémorragie digestive occulte..) : il existe une microcytose sans anémie mais le bilan martial retrouve la carence en fer

Polyglobulies secondaires

Caractéristiques : hausse du volume globulaire total / absence de mutation JAK2 / érythropoïétine non diminuée ou élevée

  • GDS › Par hypersécrétion appropriée d’EPO (car hypoxie)
  • Echo Abdominale › Par hypersécrétion inappropriée d’EPO
  • Insuffisance respiratoire chronique : BPCO…
  • Syndrome d’apnées obstructives du sommeil / shunts artério-veineux
  • Hémoglobines hyperaffines pour l’oxygène
  • Cardiopathie cyanogène avec shunt droite-gauche, altitude…
  • Etiologies tumorales (2)
  • Etiologies rénales : sténose de l’artère rénale / polykystose / hydronéphrose
  • Etiologies endocrinologiques : Cushing / phéochromocytome / adénome de Conn
  • Carcinome hépato-cellulaire / carcinome rénal
  • Hémangioblastome cérébelleux (± sur un Von-Hippel-Lindau)

Exceptionnelles : polyglobulies constitutionnelles

Par mutation du récepteur de l’érythropoïétine ou des gènes impliqués dans la réponse à l’hypoxie

Autres syndromes myéloprolifératifs

Thrombocytémie essentielle / myélofibrose primaire : mutation V617F de JAK2 présente à 50% mais absence de polyglobulie associée

Eléments en faveur de la maladie de Vaquez :

Absence de signes de polyglobulie secondaire / prurit à l’eau / splénomégalie / hyperleucocytose / thrombocytose

Critères diagnostiques de la maladie de Vaquez (OMS, 2016)

Critères majeurs (3)

  • 1. Hémoglobine > 16,5 g/dL chez l’homme ou > 16 g/dL chez la femme ou hématocrite > 49% chez l’homme ou > 48% chez la femme ou augmentation de la masse sanguine (> 25% au-delà de la valeur attendue)
  • 2. Biopsie ostéo-médullaire montrant une hypercellularité pour l’âge avec prolifération excessive des 3 lignées myéloïdes (panmyélose), incluant une prolifération de mégacaryocytes polymorphes et matures (avec des tailles cellulaires différentes) 
  • 3. Présence d’une mutation JAK2V617F ou JAK2 exon 12

Critère mineur (1)

EPO sérique normale ou subnormale

Diagnostic de maladie de Vaquez lorsque :

  • 3 critères majeurs / critères 1 et 2 + critère mineur
  • Ou critère 3 + critère mineur + érythrocytose absolue : hémoglobine > 18,5 g/dL chez l’homme ou > 16,5 g/dL chez la femme)

évolution

Complications (5)

thrombotiques

  • 1e cause de morbi-mortalité / par hyperviscosité – hypervolémie ± thrombocytose
  • Thromboses veineuses : thrombose veineuse profonde / thrombose veineuse cérébrale / embolie pulmonaire / occlusion de veine centrale de la rétine / syndrome de Budd-Chiari
  • Thromboses artérielles : ischémie aiguë de membre / accident ischémique transitoire ou constitué / infarctus du myocarde / infarctus mésentérique…

Hémorragiques

Surtout en cas de thrombocytose importante associée ou sur utilisation de traitements antiagrégants

Sur la thrombopathie : ulcères gastroduodénaux ++ / épistaxis / hématomes (!! La carence martiale peut masquer la polyglobulie et entraîner un retard diagnostique)

Métaboliques

Hyperuricémie : crises de goutte / lithiase urinaire

iatrogéniques

Saignées = carence martiale / risque infectieux…

Si carence martiale : majoration de la thrombocytose (voie de déviation)

évolutives +++

  • Myélofibrose secondaire (fibrose médullaire)
  • Acutisation en Leucémie aiguë myéloblastique
  • Chez 25% des patients après plusieurs années d’évolution (≈ 20 ans)
  • A évoquer devant une anémie avec augmentation de la splénomégalie et baisse de la polyglobulie
  • Confirmer par biopsie ostéo-médullaire / pronostic sombre : survie de 3-5 ans
  • Chez 15% des patients après 15 ans d’évolution (± post-myélofibrose)
  • A évoquer devant augmentation de la splénomégalie / insuffisance médullaire globale aiguë
  • Myélogramme ou biopsie ostéo-médullaire / pronostic sombre : survie de 3-5 mois

Pronostic

  • évolution chronique / survie médiane = 75% à 10 ans
  • Mais espérance de vie diminuée par rapport à la population générale (ce qui n’est pas le cas de la thrombocytémie essentielle)

Traitement

Prise en charge

Hospitalisation si complication / suivi en ambulatoire sinon

Traitement symptomatique = saignées

Indications :

En Urgence si polyglobulie ou thrombocytose menaçante : hématocrite > 60% ou signes cliniques d’hyperviscosité

Modalités

  • En l’absence de contre-indications / prudente chez le sujet âgé (risque hémodynamique)
  • Au long cours : crée une carence martiale qu’il faut respecter (car permet la baisse de l’érythropoïèse)
  • Favorisent l’hyperplaquettose / parfois difficiles à maintenir au long cours
  • Objectif : hématocrite inférieure à 45% / pendant 2-3 fois par semaine en traitement d’attaque puis 1 fois tous les 1-3 mois selon hématocrite

Compensation volémique (NaCl) / ponction de 300-400mL par saignée

Traitement de fond

  • Myélosuppresseurs (chimiothérapie)
  • Autres traitements
  • Indications : > 60 ans et/ou antécédent de thrombose (patient à «haut risque») / saignées mal tolérées / thrombocytose importante sur la carence martiale
  • Efficacité mais leucémogène à long terme
  • Hydroxyurée ou hydroxycarbamide (Hydrea®)
  • Pipobroman (Vercyte®)
  • Traitement de référence / voie orale, 500mg 2-4/j en traitement d’attaque avec NFS 1 fois par semaine
  • Puis adaptation de la posologie à la NFS (1 fois par mois) / induit une macrocytose
  • Effets secondaires : cutanés (sécheresse cutanée, ulcères de jambes, tumeurs cutanées)
  • Alternative à l’hydroxyurée : même schéma et surveillance
  • Risque leucémogène + important / en 2e intention ou chez sujets + âgés
  • Phosphore 32Très efficace mais hautement leucémogène / non utilisé en France (plutôt chez sujets âgés ou d’espérance de vie limitée)
  • Autres médicaments
  • Interféron α : pas d’AMM / chez sujets jeunes et femmes enceintes plutôt
  • En cas d’évolution vers myélofibrose IIre : utilisation d’inhibiteurs de tyrosine kinase anti-JAK2 (type ruxolitinib) / pas encore d’AMM en phase chronique de maladie de Vaquez

Traitement des complications

  • Traitement anti-thrombotique : antiagrégant plaquettaire : aspirine 100mg/j PO
  • Contrôle des facteurs de risque cardio-vasculaires : arrêt du tabac / équilibre du diabète / HTA…
  • Traitement de l’hyperuricémie : allopurinol (Zyloric®) et boisson alcalines (eau de Vichy)
  • Traitement d’une thrombose veineuse profonde : antalgiques / héparine de bas poids moléculaire puis AVK pendant au minimum 6 mois selon les facteurs de risque
  • Efficace dans la prévention des thromboses (remplacés par un traitement anticoagulant si thrombose veineuse)

Surveillance

  • Clinique : recherche des complications +++ : goutte / maladie thromboembolique veineuse / infarctus du myocarde / accident ischémique transitoire…
  • Paraclinique : NFS pour polyglobulie ± biopsie ostéo-médullaire ou myélogramme si suspicion de myélofibrose / leucémie aiguë secondaire

AUTRES SYNDROMES MYELOPROLIFéRATIFS

Leucémie myéloïde chronique

Généralités

Correspond à un syndrome myélo-prolifératif avec prolifération de la lignée granulaire (PNN ++)

  • Cause : mutation génétique acquise = translocation (9;22) = formation d’un chromosome Philadelphie
  • Translocation réciproque et équilibrée des chromosomes 9 et 22
  • Chromosome 22 raccourci par l’échange et appelé alors «chromosome de Philadelphie» / forme le gène chimérique de fusion BCR (sur le chromosome 22) – ABL (chromosome 9)
  • ABL (K9) : code pour protéine tyrosine kinase cytoplasmique dont l’activité devient permanente par fusion avec gène BCR : activation constitutive de la kinase
  • Protéine de fusion BCR-ABL : entraîne la prolifération excessive des cellules de la lignée granuleuse, baisse de l’apoptose, perte de l’adhérence cellulaire › hyperpolynucléose, myélémie

Diagnostic

Examen clinique

  • Terrain : âge moyen = 30-50 ans / pas de vrais facteurs de risque (hommes + atteinte que les femmes) / rares cas pédiatriques
  • Rares leucémies myéloïdes chroniques secondaires (benzène, radiations ionisantes)
  • Signes fonctionnels : asthénie insidieuse / goutte / asymptomatique ++
  • Examen physique : syndrome tumoral = splénomégalie fréquente et volumineuse / pas d’adénopathies
  • Circonstances de découverte : sur NFS systématique / bilan de splénomégalie / bilan de goutte / rarement sur altération de l’état général ou asthénie

Examens complémentaires

  • NFS-Plaquettes avec frottis
  • Caryotype
  • Myélogramme
  • Bilan métabolique : recherche de complications, bilan pré-thérapeutique
  • Hyperleucocytose neutrophile (PNN > 50 G/L voire > 100) + basophiles (bonne spécificité de la leucémie myéloïde chronique même en cas de leucocytose modérée)
  • Hyper-plaquettose modérée / anémie normochrome normocytaire légère (inconstants)
  • Frottis = myélémie équilibrée (précurseurs myéloïdes dans le sang de la lignée granuleuse : métamyélocytes > myélocytes > promyélocytes)
  • Chromosome Philadelphie = translocation t(9;22)
  • Southern blot: retrouve l’ARN BCR-ABL (transcrit de fusion)
  • BCR-ABL détecté + NFS compatible : fait le diagnostic de leucémie myéloïde chronique
  • Moelle riche avec hyperplasie des lignées myéloïdes
  • Blastes < 5% / pas de hiatus de maturation
  • Réalisation d’un examen cytogénétique complet (recherche autres anomalies)
  • Fonction rénale / fonction hépatique / uricémie

Formes cliniques atypiques

  • Hyperplaquettose prédominante ou isolée / hyperleucocytose à polynucélaires neutrophiles sans myélémie
  • La recherche de BCR-ABL fait le diagnostic si elle est positive

Diagnostics différentiels

  • Hyperleucocytose modérée ± myélémie
  • Hyperplaquettose prédominanteThrombocytoses réactionnelles / thrombocytémie essentielle
  • Splénomégalie isoléeLa NFS conduira à rechercher le transcrit BCR-ABL
  • Hyperleucocytose avec myélémie déséquilibrée
  • Causes inflammatoires, infectieuses, iatrogènes à évoquer
  • Parfois régénération médullaire selon le contexte clinique
  • ± associée à érythromyélémie (érythroblastes circulants)
  • Evoquer autres syndromes myéloprolifératifs : myélofibrose primaire / syndrome atypique (le transcrit BCR-ABL est alors négatif)

évolution

Complications

  • Hyperuricémie : fréquente et symptomatique (crises de goutte…)
  • Thromboses : priapisme…

Histoire naturelle en 3 phases

  • Phase chronique (≈ 5ans) = pas d’altération de l’état général / asymptomatique
  • Phase d’accélération (12-18 mois) = altération de l’état général / fièvre / splénomégalie
  • Phase blastique = transformation en LAM secondaire (ou leucémies lymphoblastiques B dans 1/3 des cas) : décès en 6 mois (100% !)
  • Majoritairement : diagnostic posé au stade de phase chronique / 5-10% : diagnostic posé au stade de phase accélérée ou blastique › mauvais pronostic
  • NFS : basophilie, blastes sanguins réapparaissent / thrombopénie < 100 G/L

Désormais, avec le traitement, la phase chronique de la leucémie myéloïde chronique dure largement plus de 10 ans

Traitement

Inhibiteurs de BCR-ABL

  • Inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) anti-ABL par voie orale : imatinib (Glivec®)
  • Inhibiteurs de tyrosine kinase de 2e génération (dasatinib, nilotinib) : + puissants + spécifiques, commencent à être utilisés en 1e intention malgré des effets indésirables + graves
  • Arrêt des traitement après quelques années chez des patients en très bonne réponse : pas de guérison prouvée de la leucémie myéloïde chronique (trop tôt pour le dire) mais efficacité ++

Et espérance de vie des patients traités rejoint celle de la population générale !

Allogreffe de moelle

  • Obsolète depuis arrivée des inhibiteurs de tyrosine kinase / quelques indications si transformation aiguë, résistance aux médicaments ciblés ou chez les enfants
  • Nécessité d’un donneur HLA compatible (fratrie ++)

Surveillance

Régulière / très protocolisée

  • Clinique : avec palpation splénique
  • NFS : fréquente au début pour voir la diminution puis disparition de leucocytose, myélémie et autres anomalies / poursuivre jusqu’à normalisation complète
  • Cytogénétique : caryotype médullaire 1 fois tous les 6 mois jusqu’à ce que le t(9;22) soit indétectable
  • Surveillance moléculaire du taux de transcrit BCR-ABL : 1 fois tous les 3 mois puis 1 fois tous les 6 mois sur prélèvement sanguin / en principe suivi à vie même si indétectable
  • Importance de l’observance avec inhibiteurs de tyrosine kinase oraux pour optimisation de l’efficacité

Thrombocytémie essentielle

Généralités

Thrombocytémie primitive / le moins grave des syndromes myéloprolifératifs

  • Prolifération monoclonale médullaire de la lignée thrombocytaire
  • Physiopathologie
  • 50% des cas : lié à la même mutation de JAK2 que dans maladie de Vaquez
  • Protéine tyrosine kinase JAK2 : impliquée dans signalisation de la thrombopoïétine
  • Mutations du gène CALR (calréticuline) : retrouvé dans les thrombocytémies essentielles avec JAK2 non muté / rôle inconnu
  • Absence d’anomalie cytogénétique spécifique / caryotype médullaire normal le + souvent

Diagnostic

Examen clinique

  • Terrain : âge moyen 60 ans (2e pic vers 30ans) / sex ratio: femmes + atteintes que les hommes
  • Signes fonctionnels
  • Signes physiques : splénomégalie discrète ++
  • Complications : AVC et maladie thromboembolique veineuse +++ ou autres thromboses / rarement syndrome hémorragique
  • Asymptomatique : circonstance de découverte la + fréquente
  • Erythromyalgies : douleurs des extrémités très intenses à type de brûlure + rougeur (par occlusion de microcirculation artérielle) disparaissant à la prise d’aspirine / très évocatrices

Examens complémentaires

  • NFS avec frottis
  • Biologie moléculaire
  • Myélogramme (non systématique)
  • Caryotype : absence du chromosome Philadelphie (pour différencier d’une leucémie myéloïde chronique)
  • Thrombocytose > 450 G/L / isolée (hématies et polynucléaires neutrophiles normaux, parfois hypernucléose neutrophile)
  • Frottis : plaquettes géantes / pas de myélémie
  • Recherche de BCR-ABL par PCR : pour dépister une leucémie myéloïde chronique atypique ++
  • Recherche de mutations de JAK2 (positives dans 50-60% des cas) et CALR (positive à 25%)
  • Moelle riche avec hyperplasie et hyperploïdie des mégacaryocytes
  • Autres lignées myéloïdes normales ou légèrement augmentées

Diagnostics différentiels

Thrombocytoses secondaires

Elles sont transitoires / non compliquées / plaquettes < 600-800 G/L

  • étiologies
  • Aiguë : régénération médullaire, sortie d’aplasie (éliminées par contexte)
  • Carence martiale : anamnèse / anémie microcytaire ou microcytose isolée
  • Syndrome inflammatoire chronique : contexte / VS-CRP augmentés / cancer sous-jacent…
  • Splénectomie : corps de Jolly au frottis sanguin

Autres syndromes myéloprolifératifs

  • Leucémie myéloïde chronique : rarement révélée par thrombocytose / absence de transcrit BCR-ABL élimine le diagnostic
  • Vaquez : parfois thrombocytose prédominante (carence martiale sur hémorragie digestive, syndrome de Budd-Chiari..) / éliminé si : absence de polyglobulie après correction martiale ou mesure du volume globulaire totale négative
  • Myélofibrose primitive : mutations JAK2 et CALR présentes / mais érythromyélémie sur le frottis et splénomégalie franche (qui est absente dans la trombocytémie essentielle) / biopsie ostéo-médullaire : montre la fibrose ostéomédullaire

Syndromes myélodysplasiques

Parfois thrombocytose présente / caryotype + analyse cytologique permet le diagnostic différentiel

évolution

Complications

  • Thrombotiques
  • Hémorragiques
  • Transformation en leucémie / myélofibrose Risque très inférieur aux autres syndromes myéloprolifératifs / après au moins 10 ans d’évolution, chez peu de patients
  • Par hyperplaquettose mais possible même si modérée ou traitée (liée aussi à des anomalies qualitatives des cellules dans les syndromes myéloprolifératifs)
  • Thromboses veineuses / artérielles : principal risque de complication
  • Lié à thrombopathie (déficit en facteur von Willebrand)/ surtout si thrombocytose > 1500 G/L, traitement antiagrégant associé
  • Gestes invasifs à réaliser avec précaution tant que les plaquettes sont élevées

Survie moyenne

Survie comparable avec population générale sous traitement

Traitement

Myélosuppresseurs

Pas dans un but curatif mais seulement pour normaliser les plaquettes

  • Indications : âge > 60 ans / antécédent de thrombose ou d’hémorragie / plaquettes > 1500 G/L
  • Hydroxyurée ou hydroxycarbamide (Hydrea®) Très efficace mais risque leucémogène au long terme
  • Anagrélide (Xagrid®)
  • Autres médicaments
  • En 2e ligne dans thrombocytémie essentielle, en cas d’intolérance ou de résistance à l’hydroxyurée / spécifique de la lignée mégacaryocytaire
  • Souvent proposé chez l’adulte jeune en 1e (car moins leucémogène)
  • ES : propriétés inotropes positives : palpitations, insuffisance cardiaque (surveillance cardiologique rapprochée ++)
  • Interféron α : pas d’AMM / chez sujets jeunes et femmes enceintes plutôt
  • En cas d’évolution vers myélofibrose IIre : inhibiteurs de tyrosine kinase anti-JAK2 (type ruxolitinib)

Traitement antiagrégant

  • Objectif principal du traitement de la thrombocytémie essentielle : prévention des accidents thromboemboliques
  • Aspirine à dose préventive (mais absence d’étude ayant montré un bénéfice dans la thrombocytémie essentielle, pas comme dans le Vaquez)
  • Traitement anticoagulant à la place si antécédent thrombotique
  • + prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires

Myélofibrose primitive (ex-splénomégalie myéloïde)

Généralités

  • Syndrome myéloprolifératif avec prolifération clonale des précurseurs + myélofibrose
  • Le + rare et le + grave des syndromes myéloprolifératifs

Diagnostic

Examen clinique

  • Terrain : âge > 50ans / rare ++
  • Signes fonctionnels : asymptomatique ± altération de l’état général et anémie si avancé
  • Signes physiques : splénomégalie +++ / hépatomégalie dans 50% des cas

Examens complémentaires

  • NFS avec frottis
  • Myélogramme : difficile à réaliser car sclérose médullaire
  • Biopsie ostéo-médulaire
  • Caryotype : pas de chromosome philadelphie
  • Anémie arégénérative (tardive) / plaquettes et polynucléaires variables
  • Frottis = myélémie : érythroblastose +++ / anisocytose des hématies
  • Moelle osseuse pauvre / hyperplasie des lignées myéloïde ++
  • Fibrose : réticulinique (type I) / mutilante (type II) / ostéosclérose (type III)

évolution

Complications

  • Insuffisance médullaire : complications infectieuses = 1ère cause de décès
  • Acutisation en leucémie aiguë myéloïde dans 10% des cas (donc fréquent)

Survie moyenne

5 ans

Traitement

  • Si asymptomatique: abstention et surveillance
  • Chimiothérapie sinon: hydroxyurée (Hydréa®)
  • Allogreffe de moelle à discuter chez le sujet jeune

Diagnostiquer une maladie de Vaquez, une thrombocytémie essentielle, une leucémie myéloïde chronique

Syndromes myéloprolifératifs

Définition

  • Syndromes myéloprolifératifs : hémopathies malignes chroniques caractérisées par une hyperproduction de cellules myéloïdes matures par la moelle osseuse
  • Hémopathies avec prolifération myéloïde sans blocage de maturation
  • Sur la NFS : augmentation des lignées circulantes / cliniquement : splénomégalie, risque augmenté de thromboses
  • Regroupent 4 principales maladies, classées selon la lignée préférentiellement atteinte :
  • Touchent l’adulte > 50 ans/ très rarement, on retrouve des thrombocytémies essentielles et des leucémies myéloïdes chroniques chez l’enfant
  • Leucémie myéloïde chronique : neutrophile ++ / hyperleucocytose avec myélémie
  • Maladie de Vaquez : érythroblastes / polyglobulie
  • Thrombocytémie essentielle : mégacaryocytes / hyperplaquettose
  • Myélofibrose primitive (= splénomégalie myéloïde) : fibrose + hyperproduction médullaire

Physiopathologie

  • Maladies acquises et clonales touchant une cellule souche hématopoïétique, devenue indépendante des facteurs de croissance par anomalie génétique et dérégulation de la prolifération
  • Les cellules sanguines produites sont morphologiquement normales (absence de blocage de maturation comme on en trouve dans la leucémie aiguë)
  • Anomalies oncogénétiques connues : BCR-ABL dans la leucémie myéloïde chronique / JAK2 muté dans les autres syndromes myéloprolifératifs

évolution

  • Risque immédiat : thromboses veineuses et artérielles (polyglobulie, augmentation des leucocytes et plaquettes entraîne une augmentation des propriétés adhésives)
  • Risque commun à moyen-long terme : transformation en leucémie aiguë (leucémie aiguë myéloblastique essentiellement) de pronostic très sombre
  • Une survie prolongée est possible avec le traitement (dans la leucémie myéloïde chronique surtout ++) avec une évolution généralement lente
  • Myélofibrose primitive : forme la plus grave mais la plus rare de syndrome myéloprolifératif

MALADIE DE VAQUEZ

Généralités

Définitions

Maladie de Vaquez

Syndrome myéloprolifératif avec prolifération érythrocytaire clonale

Synonymes : polyglobulie primitive (ou vraie)

Polyglobulie

Augmentation de la masse globulaire totale (VGT) > 125% En pratique, suspectée si hématocrite > 45% chez la femme et > 54% chez le homme

épidémiologie

  • Peu fréquent (incidence = 2/100 000) / âge moyen = 60 ans (rare avant 40 ans)
  • Sex ratio : homme + fréquent que chez la femme

Physiopathologie

  • Hyperplasie myéloïde globale prédominante sur lignée érythrocytaire
  • Mutation JAK2 (V617F) : entraîne une activité tyrosine kinase sans la nécessité d’EPO › hyperactivité du récepteur à l’EPO
  • Progéniteurs devenus indépendants de l’érythropoïétine (formation de colonies érythroblastiques in vitro même sans EPO)

Contrairement à la leucémie myéloïde, chronique, il n’y a pas d’anomalie cytogénétique spécifique de la maladie Vaquez (le caryotype est normal)

Diagnostic

Examen clinique

Interrogatoire

  • Terrain : patient > 50ans / homme / pas d’autre facteur de risque connu
  • Signes fonctionnels
  • Asymptomatique : découverte fortuite (NFS) (le + fréquent)
  • Ou signes évocateurs d’hyperviscosité sanguine
  • Céphalées / lipothymies / vertiges / acouphènes
  • Troubles visuels / neuropsychiques / paresthésies
  • Thromboses veineuses ou artérielles

Examen physique

  • Signes en faveur d’une polyglobulie
  • Signes liés au syndrome myéloprolifératif
  • Rechercher une cause de fausse polyglobulie
  • Rechercher une cause de polyglobulie secondaire
  • Erythrose faciale et des extrémités
  • Hypertension artérielle modérée assez fréquente
  • Fond d’œil = papilles rouges / veines dilatées et irrégulières
  • Prurit à l’eau (aquagénique) / splénomégalie (± associé à hyperplaquettose / hyperleucocytose)
  • Hémoconcentration : déshydratation / prise de diurétiques…
  • Examen respiratoire : signes d’insuffisance respiratoire chronique
  • Examen abdominal : rechercher un syndrome tumoral (rénal ou hépatique)
  • Examen neurologique : recherche syndrome cérébelleux (cf hémangiome)

Examens complémentaires

Pour le diagnostic positif de polyglobulie

  • NFS avec frottis
  • Mesure isotopique du volume globulaire total
  • Polyglobulie suspectée devant :
  • Autres signes sur la NFS orientant vers un Vaquez (forme primitive)
  • Thrombocytose et/ou hyperleucocytose associés (2/3)
  • Myélémie : précurseurs myélocytaires circulants au frottis
  • Homme : hématocrite > 54% / hémoglobine > 18,5g/dL
  • Femme : hématocrite > 47% / hémoglobine > 16,5g/dL
  • Indication Affirmer le caractère « vraie » de la polyglobulie

Examen inutile si l’hématocrite est supérieur à 60% chez l’homme ou >56% chez la femme : le VGT sera forcément augmenté

  • Modalités
  • Mesure isotopique de la masse globulaire par des hématies marquées au chrome 51
  • Mesure simultanée du volume plasmatique (albumine marquée: permet d’éliminer une éventuelle déshydratation extracellulaire)
  • Polyglobulie vraie si le volume globulaire total est supérieur à 125% de la normale

Pour poser le diagnostic de maladie de Vaquez

  • Recherche mutation de JAK-2
  • Mutation V617F / sur PNN circulants / positive dans 95% des cas
  • Si mutation retrouvée : affirme le diagnostic de maladie de Vaquez

Mais la mutation peut être présente dans d’autres syndromes myélo-prolifératifs

  • Autres éléments diagnostiques (du – au + invasif)
  • Si mutation JAK-2 négative › recherche d’autres diagnostics : le Vaquez est très peu probable
  • Dosage de l’EPO sérique (diminué dans le Vaquez, normalement augmenté en cas de polyglobulie secondaire)
  • Culture des progéniteurs érythroblastiques : pousse spontanée si Vaquez
  • Biopsie ostéo-médullaire : recherche d’hyperplasie des 3 lignées myéloïdes ± myélofibrose

Pour éliminer une polyglobulie secondaire

  • En pratique devant polyglobulie vraie : recherche de la mutation JAK2 direct / si négatif : recherche une polyglobulie secondaire
  • Gaz du sang (la cause respiratoire peut être éliminée si saturation en O2 > 92%)
  • Echographie abdominale et rénale : recherche un carcinome hépatocellulaire ou une tumeur rénale

Pour évaluation du retentissement :

Dosage de l’uricémie (normale : 120 à 420 µmol/L)

Diagnostics différentiels

Fausses polyglobulies (mesure du volume globulaire totale normale)

  • Hémoconcentration (déshydratation extracellulaire essentiellement) (protidémie et albuminémie augmentés)
  • Etat de pléthore (syndrome de Gaisbock) : hommes jeunes, sédentaires, avec une surcharge pondérale
  • Pseudo-polyglobulie des thalassémies (microcytose / absence de carence martiale / diagnostic par électrophorèse de l’hémoglobine)

En cas Vaquez avec carence martiale (hémorragie digestive occulte..) : il existe une microcytose sans anémie mais le bilan martial retrouve la carence en fer

Polyglobulies secondaires

Caractéristiques : hausse du volume globulaire total / absence de mutation JAK2 / érythropoïétine non diminuée ou élevée

  • GDS › Par hypersécrétion appropriée d’EPO (car hypoxie)
  • Echo Abdominale › Par hypersécrétion inappropriée d’EPO
  • Insuffisance respiratoire chronique : BPCO…
  • Syndrome d’apnées obstructives du sommeil / shunts artério-veineux
  • Hémoglobines hyperaffines pour l’oxygène
  • Cardiopathie cyanogène avec shunt droite-gauche, altitude…
  • Etiologies tumorales (2)
  • Etiologies rénales : sténose de l’artère rénale / polykystose / hydronéphrose
  • Etiologies endocrinologiques : Cushing / phéochromocytome / adénome de Conn
  • Carcinome hépato-cellulaire / carcinome rénal
  • Hémangioblastome cérébelleux (± sur un Von-Hippel-Lindau)

Exceptionnelles : polyglobulies constitutionnelles

Par mutation du récepteur de l’érythropoïétine ou des gènes impliqués dans la réponse à l’hypoxie

Autres syndromes myéloprolifératifs

Thrombocytémie essentielle / myélofibrose primaire : mutation V617F de JAK2 présente à 50% mais absence de polyglobulie associée

Eléments en faveur de la maladie de Vaquez :

Absence de signes de polyglobulie secondaire / prurit à l’eau / splénomégalie / hyperleucocytose / thrombocytose

Critères diagnostiques de la maladie de Vaquez (OMS, 2016)

Critères majeurs (3)

  • 1. Hémoglobine > 16,5 g/dL chez l’homme ou > 16 g/dL chez la femme ou hématocrite > 49% chez l’homme ou > 48% chez la femme ou augmentation de la masse sanguine (> 25% au-delà de la valeur attendue)
  • 2. Biopsie ostéo-médullaire montrant une hypercellularité pour l’âge avec prolifération excessive des 3 lignées myéloïdes (panmyélose), incluant une prolifération de mégacaryocytes polymorphes et matures (avec des tailles cellulaires différentes) 
  • 3. Présence d’une mutation JAK2V617F ou JAK2 exon 12

Critère mineur (1)

EPO sérique normale ou subnormale

Diagnostic de maladie de Vaquez lorsque :

  • 3 critères majeurs / critères 1 et 2 + critère mineur
  • Ou critère 3 + critère mineur + érythrocytose absolue : hémoglobine > 18,5 g/dL chez l’homme ou > 16,5 g/dL chez la femme)

évolution

Complications (5)

thrombotiques

  • 1e cause de morbi-mortalité / par hyperviscosité – hypervolémie ± thrombocytose
  • Thromboses veineuses : thrombose veineuse profonde / thrombose veineuse cérébrale / embolie pulmonaire / occlusion de veine centrale de la rétine / syndrome de Budd-Chiari
  • Thromboses artérielles : ischémie aiguë de membre / accident ischémique transitoire ou constitué / infarctus du myocarde / infarctus mésentérique…

Hémorragiques

Surtout en cas de thrombocytose importante associée ou sur utilisation de traitements antiagrégants

Sur la thrombopathie : ulcères gastroduodénaux ++ / épistaxis / hématomes (!! La carence martiale peut masquer la polyglobulie et entraîner un retard diagnostique)

Métaboliques

Hyperuricémie : crises de goutte / lithiase urinaire

iatrogéniques

Saignées = carence martiale / risque infectieux…

Si carence martiale : majoration de la thrombocytose (voie de déviation)

évolutives +++

  • Myélofibrose secondaire (fibrose médullaire)
  • Acutisation en Leucémie aiguë myéloblastique
  • Chez 25% des patients après plusieurs années d’évolution (≈ 20 ans)
  • A évoquer devant une anémie avec augmentation de la splénomégalie et baisse de la polyglobulie
  • Confirmer par biopsie ostéo-médullaire / pronostic sombre : survie de 3-5 ans
  • Chez 15% des patients après 15 ans d’évolution (± post-myélofibrose)
  • A évoquer devant augmentation de la splénomégalie / insuffisance médullaire globale aiguë
  • Myélogramme ou biopsie ostéo-médullaire / pronostic sombre : survie de 3-5 mois

Pronostic

  • évolution chronique / survie médiane = 75% à 10 ans
  • Mais espérance de vie diminuée par rapport à la population générale (ce qui n’est pas le cas de la thrombocytémie essentielle)

Traitement

Prise en charge

Hospitalisation si complication / suivi en ambulatoire sinon

Traitement symptomatique = saignées

Indications :

En Urgence si polyglobulie ou thrombocytose menaçante : hématocrite > 60% ou signes cliniques d’hyperviscosité

Modalités

  • En l’absence de contre-indications / prudente chez le sujet âgé (risque hémodynamique)
  • Au long cours : crée une carence martiale qu’il faut respecter (car permet la baisse de l’érythropoïèse)
  • Favorisent l’hyperplaquettose / parfois difficiles à maintenir au long cours
  • Objectif : hématocrite inférieure à 45% / pendant 2-3 fois par semaine en traitement d’attaque puis 1 fois tous les 1-3 mois selon hématocrite

Compensation volémique (NaCl) / ponction de 300-400mL par saignée

Traitement de fond

  • Myélosuppresseurs (chimiothérapie)
  • Autres traitements
  • Indications : > 60 ans et/ou antécédent de thrombose (patient à «haut risque») / saignées mal tolérées / thrombocytose importante sur la carence martiale
  • Efficacité mais leucémogène à long terme
  • Hydroxyurée ou hydroxycarbamide (Hydrea®)
  • Pipobroman (Vercyte®)
  • Traitement de référence / voie orale, 500mg 2-4/j en traitement d’attaque avec NFS 1 fois par semaine
  • Puis adaptation de la posologie à la NFS (1 fois par mois) / induit une macrocytose
  • Effets secondaires : cutanés (sécheresse cutanée, ulcères de jambes, tumeurs cutanées)
  • Alternative à l’hydroxyurée : même schéma et surveillance
  • Risque leucémogène + important / en 2e intention ou chez sujets + âgés
  • Phosphore 32Très efficace mais hautement leucémogène / non utilisé en France (plutôt chez sujets âgés ou d’espérance de vie limitée)
  • Autres médicaments
  • Interféron α : pas d’AMM / chez sujets jeunes et femmes enceintes plutôt
  • En cas d’évolution vers myélofibrose IIre : utilisation d’inhibiteurs de tyrosine kinase anti-JAK2 (type ruxolitinib) / pas encore d’AMM en phase chronique de maladie de Vaquez

Traitement des complications

  • Traitement anti-thrombotique : antiagrégant plaquettaire : aspirine 100mg/j PO
  • Contrôle des facteurs de risque cardio-vasculaires : arrêt du tabac / équilibre du diabète / HTA…
  • Traitement de l’hyperuricémie : allopurinol (Zyloric®) et boisson alcalines (eau de Vichy)
  • Traitement d’une thrombose veineuse profonde : antalgiques / héparine de bas poids moléculaire puis AVK pendant au minimum 6 mois selon les facteurs de risque
  • Efficace dans la prévention des thromboses (remplacés par un traitement anticoagulant si thrombose veineuse)

Surveillance

  • Clinique : recherche des complications +++ : goutte / maladie thromboembolique veineuse / infarctus du myocarde / accident ischémique transitoire…
  • Paraclinique : NFS pour polyglobulie ± biopsie ostéo-médullaire ou myélogramme si suspicion de myélofibrose / leucémie aiguë secondaire

AUTRES SYNDROMES MYELOPROLIFéRATIFS

Leucémie myéloïde chronique

Généralités

Correspond à un syndrome myélo-prolifératif avec prolifération de la lignée granulaire (PNN ++)

  • Cause : mutation génétique acquise = translocation (9;22) = formation d’un chromosome Philadelphie
  • Translocation réciproque et équilibrée des chromosomes 9 et 22
  • Chromosome 22 raccourci par l’échange et appelé alors «chromosome de Philadelphie» / forme le gène chimérique de fusion BCR (sur le chromosome 22) – ABL (chromosome 9)
  • ABL (K9) : code pour protéine tyrosine kinase cytoplasmique dont l’activité devient permanente par fusion avec gène BCR : activation constitutive de la kinase
  • Protéine de fusion BCR-ABL : entraîne la prolifération excessive des cellules de la lignée granuleuse, baisse de l’apoptose, perte de l’adhérence cellulaire › hyperpolynucléose, myélémie

Diagnostic

Examen clinique

  • Terrain : âge moyen = 30-50 ans / pas de vrais facteurs de risque (hommes + atteinte que les femmes) / rares cas pédiatriques
  • Rares leucémies myéloïdes chroniques secondaires (benzène, radiations ionisantes)
  • Signes fonctionnels : asthénie insidieuse / goutte / asymptomatique ++
  • Examen physique : syndrome tumoral = splénomégalie fréquente et volumineuse / pas d’adénopathies
  • Circonstances de découverte : sur NFS systématique / bilan de splénomégalie / bilan de goutte / rarement sur altération de l’état général ou asthénie

Examens complémentaires

  • NFS-Plaquettes avec frottis
  • Caryotype
  • Myélogramme
  • Bilan métabolique : recherche de complications, bilan pré-thérapeutique
  • Hyperleucocytose neutrophile (PNN > 50 G/L voire > 100) + basophiles (bonne spécificité de la leucémie myéloïde chronique même en cas de leucocytose modérée)
  • Hyper-plaquettose modérée / anémie normochrome normocytaire légère (inconstants)
  • Frottis = myélémie équilibrée (précurseurs myéloïdes dans le sang de la lignée granuleuse : métamyélocytes > myélocytes > promyélocytes)
  • Chromosome Philadelphie = translocation t(9;22)
  • Southern blot: retrouve l’ARN BCR-ABL (transcrit de fusion)
  • BCR-ABL détecté + NFS compatible : fait le diagnostic de leucémie myéloïde chronique
  • Moelle riche avec hyperplasie des lignées myéloïdes
  • Blastes < 5% / pas de hiatus de maturation
  • Réalisation d’un examen cytogénétique complet (recherche autres anomalies)
  • Fonction rénale / fonction hépatique / uricémie

Formes cliniques atypiques

  • Hyperplaquettose prédominante ou isolée / hyperleucocytose à polynucélaires neutrophiles sans myélémie
  • La recherche de BCR-ABL fait le diagnostic si elle est positive

Diagnostics différentiels

  • Hyperleucocytose modérée ± myélémie
  • Hyperplaquettose prédominanteThrombocytoses réactionnelles / thrombocytémie essentielle
  • Splénomégalie isoléeLa NFS conduira à rechercher le transcrit BCR-ABL
  • Hyperleucocytose avec myélémie déséquilibrée
  • Causes inflammatoires, infectieuses, iatrogènes à évoquer
  • Parfois régénération médullaire selon le contexte clinique
  • ± associée à érythromyélémie (érythroblastes circulants)
  • Evoquer autres syndromes myéloprolifératifs : myélofibrose primaire / syndrome atypique (le transcrit BCR-ABL est alors négatif)

évolution

Complications

  • Hyperuricémie : fréquente et symptomatique (crises de goutte…)
  • Thromboses : priapisme…

Histoire naturelle en 3 phases

  • Phase chronique (≈ 5ans) = pas d’altération de l’état général / asymptomatique
  • Phase d’accélération (12-18 mois) = altération de l’état général / fièvre / splénomégalie
  • Phase blastique = transformation en LAM secondaire (ou leucémies lymphoblastiques B dans 1/3 des cas) : décès en 6 mois (100% !)
  • Majoritairement : diagnostic posé au stade de phase chronique / 5-10% : diagnostic posé au stade de phase accélérée ou blastique › mauvais pronostic
  • NFS : basophilie, blastes sanguins réapparaissent / thrombopénie < 100 G/L

Désormais, avec le traitement, la phase chronique de la leucémie myéloïde chronique dure largement plus de 10 ans

Traitement

Inhibiteurs de BCR-ABL

  • Inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) anti-ABL par voie orale : imatinib (Glivec®)
  • Inhibiteurs de tyrosine kinase de 2e génération (dasatinib, nilotinib) : + puissants + spécifiques, commencent à être utilisés en 1e intention malgré des effets indésirables + graves
  • Arrêt des traitement après quelques années chez des patients en très bonne réponse : pas de guérison prouvée de la leucémie myéloïde chronique (trop tôt pour le dire) mais efficacité ++

Et espérance de vie des patients traités rejoint celle de la population générale !

Allogreffe de moelle

  • Obsolète depuis arrivée des inhibiteurs de tyrosine kinase / quelques indications si transformation aiguë, résistance aux médicaments ciblés ou chez les enfants
  • Nécessité d’un donneur HLA compatible (fratrie ++)

Surveillance

Régulière / très protocolisée

  • Clinique : avec palpation splénique
  • NFS : fréquente au début pour voir la diminution puis disparition de leucocytose, myélémie et autres anomalies / poursuivre jusqu’à normalisation complète
  • Cytogénétique : caryotype médullaire 1 fois tous les 6 mois jusqu’à ce que le t(9;22) soit indétectable
  • Surveillance moléculaire du taux de transcrit BCR-ABL : 1 fois tous les 3 mois puis 1 fois tous les 6 mois sur prélèvement sanguin / en principe suivi à vie même si indétectable
  • Importance de l’observance avec inhibiteurs de tyrosine kinase oraux pour optimisation de l’efficacité

Thrombocytémie essentielle

Généralités

Thrombocytémie primitive / le moins grave des syndromes myéloprolifératifs

  • Prolifération monoclonale médullaire de la lignée thrombocytaire
  • Physiopathologie
  • 50% des cas : lié à la même mutation de JAK2 que dans maladie de Vaquez
  • Protéine tyrosine kinase JAK2 : impliquée dans signalisation de la thrombopoïétine
  • Mutations du gène CALR (calréticuline) : retrouvé dans les thrombocytémies essentielles avec JAK2 non muté / rôle inconnu
  • Absence d’anomalie cytogénétique spécifique / caryotype médullaire normal le + souvent

Diagnostic

Examen clinique

  • Terrain : âge moyen 60 ans (2e pic vers 30ans) / sex ratio: femmes + atteintes que les hommes
  • Signes fonctionnels
  • Signes physiques : splénomégalie discrète ++
  • Complications : AVC et maladie thromboembolique veineuse +++ ou autres thromboses / rarement syndrome hémorragique
  • Asymptomatique : circonstance de découverte la + fréquente
  • Erythromyalgies : douleurs des extrémités très intenses à type de brûlure + rougeur (par occlusion de microcirculation artérielle) disparaissant à la prise d’aspirine / très évocatrices

Examens complémentaires

  • NFS avec frottis
  • Biologie moléculaire
  • Myélogramme (non systématique)
  • Caryotype : absence du chromosome Philadelphie (pour différencier d’une leucémie myéloïde chronique)
  • Thrombocytose > 450 G/L / isolée (hématies et polynucléaires neutrophiles normaux, parfois hypernucléose neutrophile)
  • Frottis : plaquettes géantes / pas de myélémie
  • Recherche de BCR-ABL par PCR : pour dépister une leucémie myéloïde chronique atypique ++
  • Recherche de mutations de JAK2 (positives dans 50-60% des cas) et CALR (positive à 25%)
  • Moelle riche avec hyperplasie et hyperploïdie des mégacaryocytes
  • Autres lignées myéloïdes normales ou légèrement augmentées

Diagnostics différentiels

Thrombocytoses secondaires

Elles sont transitoires / non compliquées / plaquettes < 600-800 G/L

  • étiologies
  • Aiguë : régénération médullaire, sortie d’aplasie (éliminées par contexte)
  • Carence martiale : anamnèse / anémie microcytaire ou microcytose isolée
  • Syndrome inflammatoire chronique : contexte / VS-CRP augmentés / cancer sous-jacent…
  • Splénectomie : corps de Jolly au frottis sanguin

Autres syndromes myéloprolifératifs

  • Leucémie myéloïde chronique : rarement révélée par thrombocytose / absence de transcrit BCR-ABL élimine le diagnostic
  • Vaquez : parfois thrombocytose prédominante (carence martiale sur hémorragie digestive, syndrome de Budd-Chiari..) / éliminé si : absence de polyglobulie après correction martiale ou mesure du volume globulaire totale négative
  • Myélofibrose primitive : mutations JAK2 et CALR présentes / mais érythromyélémie sur le frottis et splénomégalie franche (qui est absente dans la trombocytémie essentielle) / biopsie ostéo-médullaire : montre la fibrose ostéomédullaire

Syndromes myélodysplasiques

Parfois thrombocytose présente / caryotype + analyse cytologique permet le diagnostic différentiel

évolution

Complications

  • Thrombotiques
  • Hémorragiques
  • Transformation en leucémie / myélofibrose Risque très inférieur aux autres syndromes myéloprolifératifs / après au moins 10 ans d’évolution, chez peu de patients
  • Par hyperplaquettose mais possible même si modérée ou traitée (liée aussi à des anomalies qualitatives des cellules dans les syndromes myéloprolifératifs)
  • Thromboses veineuses / artérielles : principal risque de complication
  • Lié à thrombopathie (déficit en facteur von Willebrand)/ surtout si thrombocytose > 1500 G/L, traitement antiagrégant associé
  • Gestes invasifs à réaliser avec précaution tant que les plaquettes sont élevées

Survie moyenne

Survie comparable avec population générale sous traitement

Traitement

Myélosuppresseurs

Pas dans un but curatif mais seulement pour normaliser les plaquettes

  • Indications : âge > 60 ans / antécédent de thrombose ou d’hémorragie / plaquettes > 1500 G/L
  • Hydroxyurée ou hydroxycarbamide (Hydrea®) Très efficace mais risque leucémogène au long terme
  • Anagrélide (Xagrid®)
  • Autres médicaments
  • En 2e ligne dans thrombocytémie essentielle, en cas d’intolérance ou de résistance à l’hydroxyurée / spécifique de la lignée mégacaryocytaire
  • Souvent proposé chez l’adulte jeune en 1e (car moins leucémogène)
  • ES : propriétés inotropes positives : palpitations, insuffisance cardiaque (surveillance cardiologique rapprochée ++)
  • Interféron α : pas d’AMM / chez sujets jeunes et femmes enceintes plutôt
  • En cas d’évolution vers myélofibrose IIre : inhibiteurs de tyrosine kinase anti-JAK2 (type ruxolitinib)

Traitement antiagrégant

  • Objectif principal du traitement de la thrombocytémie essentielle : prévention des accidents thromboemboliques
  • Aspirine à dose préventive (mais absence d’étude ayant montré un bénéfice dans la thrombocytémie essentielle, pas comme dans le Vaquez)
  • Traitement anticoagulant à la place si antécédent thrombotique
  • + prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires

Myélofibrose primitive (ex-splénomégalie myéloïde)

Généralités

  • Syndrome myéloprolifératif avec prolifération clonale des précurseurs + myélofibrose
  • Le + rare et le + grave des syndromes myéloprolifératifs

Diagnostic

Examen clinique

  • Terrain : âge > 50ans / rare ++
  • Signes fonctionnels : asymptomatique ± altération de l’état général et anémie si avancé
  • Signes physiques : splénomégalie +++ / hépatomégalie dans 50% des cas

Examens complémentaires

  • NFS avec frottis
  • Myélogramme : difficile à réaliser car sclérose médullaire
  • Biopsie ostéo-médulaire
  • Caryotype : pas de chromosome philadelphie
  • Anémie arégénérative (tardive) / plaquettes et polynucléaires variables
  • Frottis = myélémie : érythroblastose +++ / anisocytose des hématies
  • Moelle osseuse pauvre / hyperplasie des lignées myéloïde ++
  • Fibrose : réticulinique (type I) / mutilante (type II) / ostéosclérose (type III)

évolution

Complications

  • Insuffisance médullaire : complications infectieuses = 1ère cause de décès
  • Acutisation en leucémie aiguë myéloïde dans 10% des cas (donc fréquent)

Survie moyenne

5 ans

Traitement

  • Si asymptomatique: abstention et surveillance
  • Chimiothérapie sinon: hydroxyurée (Hydréa®)
  • Allogreffe de moelle à discuter chez le sujet jeune