- Cardiologie
- UE 8
- Item 236
Important
Souffle cardiaque chez l'enfant
Les souffles cardiaques chez l'enfant sont extrêmement fréquents. La plupart étant fonctionnel (ou anorganique).
Ils peuvent être découverts chez l'enfant dans plusieurs situations :
- souffle en relation avec une malformation cardiaque congénitale (1-2 % des enfants) ;
- souffle fonctionnel (= anorganique, innocent, normal), sans substrat anatomique, rencontré chez près de 30 à 50 % des enfants d'âge scolaire ;
- rarement, cardiomyopathie ou myocardite aiguë ;
- cardiopathies acquises exceptionnelles chez les enfants des pays occidentaux (disparition des valvulopathies rhumatismales).
Particularités de l'auscultation de l'enfant
Le cœur chez le petit enfant est physiologiquement rapide et l'auscultation est souvent gênée par les cris, pleurs et l'agitation de l'enfant. Des moyens distracteurs tels des jouets, une sucette peuvent aider à réaliser une auscultation discriminative.
On utilise préférentiellement un stéthoscope pédiatrique dans ce contexte.
Physiologiquement, le rythme cardiaque d'un enfant est rapide et souvent irrégulier. L'enfant présente en effet une arythmie sinusale respiratoire qui peut être marquée (accélération de la fréquence cardiaque lors de l'inspiration).
Un dédoublement du B2, le long du bord sternal gauche, variable avec la respiration, est fréquent et physiologique. Cependant un dédoublement du B2 fixe et large est anormal et serait en faveur d'une communication interatriale ou d'un bloc de branche droit.
Une accentuation du B2 (éclat de B2) le long du bord sternal gauche peut correspondre soit à une hypertension pulmonaire, soit à une malposition des gros vaisseaux par une position antérieure de l'aorte.
La présence d'un troisième bruit, B3, à l'apex, est fréquent (50 %) et physiologique.
La constatation d'un bruit surajouté de type clic n'est pas exceptionnel chez l'enfant :
- clic mésosystolique apexien de prolapsus mitral ;
- clic protosystolique traduisant la présence d'une sténose valvulaire sur l'un des gros vaisseaux.
A noter qu'il n'y a souvent pas de corrélation entre l'intensité du souffle et la gravité de la maladie sous-jacente.
Circonstances de découverte
Symptômes faisant suspecter une cardiopathie
Chez le nouveau-né, la présence de signes de mauvaise tolérance doivent faire évoquer la présence d'une cardiopathie sous-jacente. Ces signe peuvent être une cyanose, des signes d'insuffisance cardiaque. Il faut aussi envisager ce type de pathologie devant un retard de croissance staturo-pondéral, des difficultés alimentaires, une polypnée, des infections pulmonaires à répétition.
Chez l'enfant d'un âge plus avancé, ces mêmes symptômes doivent alerter, ainsi qu'une dyspnée d'effort, une fatigabilité, voire même des syncopes ou des douleurs thoraciques à l'effort (en faveur d'un obstacle à l'éjection du VG : sténose aortique ou cardiomyopathie hypertrophique obstructive).
Classifications des principales cardiopathies congénitales avec souffle organique :
- Shunts gauche / droit
- Obstacle
- Fuites des valves atrioventriculaires
- Communication interventriculaire (CIV)
- Communication interatriale (CIA)
- Persistance du canal artériel (PCA)
- Canal atrioventriculaire (CAV)
- Du cœur gauche
- Du cœur droit
- Sténose valvulaire aortique
- Coarctation de l'aorte
- Sténose valvulaire pulmonaire
- Sténose supravalvulaire pulmonaire
- Sténose des 2 branches pulmonaires
- Tétralogie de Fallot
- Insuffisance mitrale
- Insuffisance tricuspide
Anomalies de l'examen clinique cardiovasculaire
L'examen clinique peut orienter vers une cardiopathie même en l'absence de symptômes. Le plus souvent, l'examen permet de révéler la présence d'un souffle cardiaque ou une anomalie des bruits du cœur.
Plus rarement, l'anomalie retrouvée peut être l'absence d'un pouls, surtout fémoral, orientant alors d'emblée vers une coarctation aortique, ou un trouble du rythme à l'auscultation.
Contexte particulier devant faire suspecter une atteinte cardiaque
Un syndrome polymalformatif doit faire suspecter une cardiopathie congénitale et une échocardiographie doit être systématiquement réalisée lors du bilan d'un syndrome polymalformatif (qu'il y ait un souffle ou non, des symptômes ou non).
Un bilan cardiaque doit également être réalisé en cas de maladie génétique familiale pouvant toucher le cœur ou les gros vaisseaux ou en présence de plusieurs cas de cardiopathie congénitale chez les apparentés.
Bilan cardiologique à faire réaliser par un cardiopédiatre
Le spécialiste réalisera un examen clinique, un ECG +/- radiographie thoracique et une échocardiographie pouvant conduire à :
- l'arrêt des investigations en l'absence de cardiopathie décelée ou en présence d'un souffle innocent ;
- une cardiopathie ne nécessitant qu'une surveillance ;
- l'indication à d'autres examens (Holter, épreuve d'effort, IRM cardiaque ou scanner) ;
- un cathétérisme dans l'optique d'une chirurgie ou d'un acte de cathétérisme interventionnel ;
- l'indication d'un geste chirurgical d'emblée basée sur les données de l'échocardiographie.
Clinique et examens complémentaires
Signes fonctionnels
Ils sont souvent absents et le symptôme le plus commun rentrant dans ce cadre est la dyspnée d'effort. Les malaises sont également un motif fréquent de consultation chez ces enfants mais sont assez rarement d'origine cardiaque. Les étiologies principales de ces malaises sont essentiellement les spasmes du sanglot chez les nourrissons et les malaises vagaux chez les adolescents. Les syncopes d'effort sur obstacles aortiques congénitaux sont rares. Les syncopes du BAV congénital (notamment dans le cadre de la présence d'anticorps maternels lupiques anti-SSA) ou des canalopathies congénitales (syndrome de Brugada, syndrome du QT long congénital) sont diagnostiquées par l'ECG et le Holter. Chez l'enfant, les douleurs thoraciques ne sont qu'exceptionnellement d'origine cardiaque.
Cliniquement, l'enfant peut présenter une mauvaise prise de poids, une polypnée, des difficultés lors de la prise du biberon.
La pression artérielle doit être prise aux 4 membres pour rechercher une coarctation de l'aorte en cas d'une différence importante de PA entre les membres supérieurs et inférieurs. Cette coarctation de l'aorte peut rentrer dans le cadre d'un syndrome de Turner (monosomie X). La palpation des pouls fémoraux est indispensable dans l'examen clinique des enfants et peuvent se retrouver abolis dans le cadre d'une coarctation de l'aorte mais hyperpulsatiles dans le cadre d'une persistance du canal artériel.
Caractères du souffle
Pour déterminer l'origine d'un souffle cardiaque, il est important d'en préciser les caractéristiques, de la manière la plus précise possible :
- le temps du souffle : systolique / diastolique / systolo-diastolique ou continu, double souffle à la fois systolique et diastolique ayant des caractéristiques différentes ;
- durée d'un souffle systolique (éjectionnel vs régurgitation) ;
- intensité et caractère frémissant ou non. L'intensité est graduée sur une échelle allant de 1 à 6 selon la manière suivante :
- 1/6 : souffle localisé, peu intense, qu'il faut rechercher spécifiquement pour l'entendre ;
- 2/6 : souffle localisé, facilement audible ;
- 3/6 : souffle intense, bien audible, avec irradiation(s) ;
- 4/6 : souffle intense avec irradiation(s) et frémissement ;
- 5/6 : souffle très intense, entendu avec la pavillon du stéthoscope à 45° ;
- 6/6 : souffle très intense, entendu avec la pavillon stéthoscope placé à au moins 1 cm de la paroi thoracique.
L'intensité du souffle correspond en général à l'importance de la lésion (d'autant plus si le souffle est frémissant) mais ce n'est pas toujours notamment dans la CIV où si elle est large, il va y avoir un équilibre des pressions entre les cœurs gauche et droit à l'origine d'une disparition du gradient et donc du souffle ;
- topographie (foyer auscultatoire où le souffle est le mieux perçu) :
- irradiations :
- modifications éventuelles des bruits du cœur associées : dédoublement du B2 large et fixe dans le cadre d'un BBG ou d'une CIA, éclat du B2 au foyer pulmonaire dans le cadre d'une HTP ou d'une position antérieure de l'aorte.
- foyer pulmonaire : sténose pulmonaire, CIA ;
- dos : coarctation de l'aorte, sténose de la branche pulmonaire ;
- xiphoïde : CIV ;
- foyer aortique : sténose aortique, sténose de la branche pulmonaire droite ;
- en rayons de roue : CIV ;
- dans le cou : sténose valvulaire aortique ;
- dans le dos : CIA, sténose pulmonaire ;
Ces caractéristiques permettent d'orienter le diagnostic. En effet, un souffle variable dans le temps et avec la position est pratiquement toujours innocent même si le caractère variable de ces souffles anorganiques est inconstant. Les souffles innocents sont généralement peu irradiants. Ainsi, un souffle bruyant, irradiant largement, est a priori organique.
Les souffles diastoliques ou les doubles souffles sont toujours organiques. Un souffle frémissant est toujours organique. Un souffle innocent est toujours bref dans la systole et un souffle holosystolique de régurgitation relève d'une cause organique.
Les irradiations et frémissements vers le cou et la région sus-sternale orientent vers un obstacle aortique, un souffle entendu dans le dos évoque un obstacle pulmonaire , un souffle irradiant dans toutes les directions en rayons de roue à partir de la région mésocardiaque évoque une communication interventriculaire.
Les caractéristiques d'un souffle cardiaque fonctionnel chez l'enfant selon le référentiel de pédiatrie sont les suivantes :
Symptomatologie | Pas de symptomatologie fonctionnelle |
Temps | Bref, mésosytolique |
Intensité | Faible (< 3/6), non frémissant |
Variabilité | Diminué à l'orthostatisme, augmenté en cas de fièvre ou d'effort |
Localisation maximale | Poids entre 3ème et 10ème centiles |
Irradiations | Pas ou peu d'irradiations |
Anomalies auscultatoires associées | B1 et B2 normaux, diastole libre |
Reste de l'examen cardiovasculaire | Normal |
Examens complémentaires
Radiographie thoracique
Une cardiomégalie (index cardiothoracique > 50 %) oriente vers une cardiopathie sans permettre d'avoir plus de précisions sur son origine. Chez l'enfant, la présence du thymus peut parfois faire conclure à tort à une cardiomégalie.
Une saillie de l'arc moyen gauche évoque une dilatation du tronc de l'artère pulmonaire et oriente vers un shunt gauche-droite alors qu'un arc moyen gauche concave oriente plutôt vers une hypoplasie de la voie pulmonaire proximale comme on peut le voir dans la tétralogie de Fallot (CIV + HVD + dextroposition et dilatation de l'aorte + sténose pulmonaire).
Un pédicule vasculaire étroit doit faire évoquer une malposition des gros vaisseaux.
Une hypervascularisation pulmonaire est en faveur d'un hyperdébit pulmonaire secondaire à une cardiopathie avec shunt gauche-droit comme dans une CIA.
Une hypovascularisation pulmonaire évoque un obstacle sur la voie pulmonaire. (Fallot, Williams-Beuren ...)
Il peut également être constaté un situs inversus avec une position droite du cœur au sein de la cage thoracique ou encore une syndrome alvéolo-interstitiel pulmonaire dans le cadre du retentissement pulmonaire de la cardiopathie.
ECG
L'ECG doit toujours être interprété en fonction de l'âge de l'enfant. En effet, la fréquence cardiaque est d'autant plus rapide que l'enfant est jeune. L'axe du QRS est plus droit que chez l'adulte. Les ondes T précordiales droites sont positives à la naissance et se négativent vers la fin de la première semaine, elles demeurent négatives de V1 à V4 pendant l'enfance. L'ECG peut parfois être perturbé et devra être enregistré d'une manière différente dans le cas de certaines cardiopathies telles que le situs inversus (pathologie ciliaire intervenant lors de l'organogenèse).
Il n'est pas à réaliser systématiquement devant un souffle cardiaque car il ne permet pas d'apporter de précision diagnostique au souffle.
ETT
C'est l'examen clé du diagnostic devant un souffle cardiaque chez l'enfant permettant l'obtention d'un diagnostic précis. Elle est ainsi à réaliser devant le moindre doute de cardiopathie mais est inutile devant un souffle fonctionnel typique.
La découverte d'un souffle avant l'âge d'un mois nécessite bilan cardiopédiatrique avec ETT systématiquement devant la probabilité plus élevée que ce souffle soit organique et en lien avec une cardiopathie congénitale. Cette conduite à tenir est la même devant un souffle cardiaque découvert avant l'âge de 1 an.
Cependant, la découverte d'un souffle cardiaque après l'âge de 1 an ayant les caractéristiques d'un souffle fonctionnel ne justifie aucun bilan cardiologique complémentaire sous réserve que tous les critères du souffle fonctionnel soient retrouvés.
Dans le cas de souffles découverts après l'âge de 1 an, un bilan complémentaire est envisageable si le souffle est d'allure non fonctionnel ou s'il survient dans un contexte de cardiopathies familiales à risque.
Ainsi on peut retenir comme indications au bilan échocardiographique d'un souffle cardiaque chez l'enfant :
- souffle même isolé avant l'âge de 1 an ;
- souffle d'allure organique quelque soit l'âge ;
- antécédents de cardiopathies familiales (mort subite, myocardiopathie).
Souffle cardiaque + signes d'insuffisance cardiaque aiguë chez un nouveau-né = urgence
Principales cardiopathies rencontrées en fonction de l'âge
Chez le nouveau-né (de la naissance à la fin du 2ème mois)
Souffle isolé chez un nouveau-né
Un souffle entendu très précocement revêt un caractère plus pathologique que lorsqu'il est découvert après quelques jours. Dans ce contexte, il est nécessaire de réaliser une ETT avant la sortie de la maternité en cas de souffle entendu à J1-J2 de vie.
En cas de souffle entendu avant J5, il faut réaliser le bilan suivant : examen clinique complet (à la recherche notamment de signes d'insuffisance cardiaque), ECG, ETT, radiographie thoracique de face.
Cardiopathies avec insuffisance cardiaque
Coarctation aortique :
La coarctation pré-ductale (située en amont de l'émergence du canal artériel également appelé ductus arteriosus), ou sténose de l'isthme aortique, est une forme grave de coarctation aortique, symptomatique dès les 1ers jours de vie mais les symptômes d'insuffisance cardiaque n'apparaissent qu'au moment de la fermeture du canal artériel (car le canal artériel permet avant sa fermeture de shunter cette sténose). Dans ce contexte, la chirurgie est urgente par résection-anastomose de la zone coarctée (intervention de Crafoord).
La physiopathologie de cette affection résulte d'une sténose au niveau de l'isthme aortique contemporain de la fermeture du canal artériel à l'origine d'un obstacle à l'éjection du VG avec augmentation de la post-charge du VG. Le VG va alors initialement tenter de s'adapter en s'hypertrophiant, comme dans un rétrécissement aortique chez l'adulte, mais cela ne suffira pas et peut aboutir progressivement à un choc cardiogénique.
Cliniquement, l'enfant peut présenter des signes d'insuffisance cardiaque, une HTA aux membres supérieurs (l'éjection vers les troncs supra-aortiques est tout à fait physiologique, la coarctation étant située en aval de l'émergence de ces vaisseaux), un gradient tensionnel entre les MS et les MI, des pouls huméraux forts mais une abolition des pouls fémoraux.
Le souffle classique de la coarctation aortique est systolique perçu dans le dos et parfois en sous-claviculaire gauche et dans l'aisselle gauche.
Cardiopathies avec cyanose
Transposition des gros vaisseaux :
Elle représente la cause la plus classique de cyanose néonatale (représente 5 % des cardiopathies congénitales). C'est une urgence cardiologique néonatale et une chirurgie de correction anatomique doit être réalisée dans les 15 premiers jours de vie.
Dans cette affection, il existe une discordance complète de la jonction ventriculo-artérielle : l’aorte sort du ventricule anatomiquement droit, qui fonctionne donc comme le ventricule systémique ; l’artère pulmonaire est issue du ventricule morphologiquement gauche. Les deux vaisseaux sont parallèles et antéro-postérieurs, la valve aortique est antérieure et à droite de la valve pulmonaire (D-transposition). Dans ce cas, la survie n’est possible que si un canal artériel, une CIA ou une CIV (présente dans 30-40% des cas) assure un mélange des sangs veineux et artérialisés. Les enfants qui ont un septum intact sont de ce fait profondément cyanosés. Comme les résistances artérielles pulmonaires baissent pendant les 2 premières semaines de vie, le VG (éjectant son contenu dans la circulation pulmonaire) perd rapidement de sa masse et s’hypotrophie alors que le VD, au contraire, s’hypertrophie puisqu’il est connecté aux résistances artérielles systémiques.
Autres cardiopathies responsables de cyanose :
Les cardiopathies complexes sont fréquentes, très polymorphes. On peut notamment citer :
- le ventricule unique : cette situation correspond au fait que l'un des 2 ventricules ne s'est pas ou insuffisamment développé. De ce fait, le sang oxygéné et désoxygéné se mélange inéluctablement dans l'unique cavité et le travail de ce ventricule est par conséquent augmenté. Le mélange sanguin avec apport d'un sang en partie non oxygéné dans la circulation générale est à l'origine d'une cyanose.
- atrésie tricuspide : dans cette affection, la valve tricuspide et le VD ne se sont pas développés. Du fait de cette anatomie particulière, le sang désoxygéné de l'AD doit obligatoirement transiter dans l'AG où il va se mélanger au sang oxygéné provenant de la circulation pulmonaire. Ce sang mélangé va alors passer dans le VG qui l'éjectera dans l'aorte et également dans l'artère pulmonaire via une CIV et/ou un canal artériel resté perméable.
- tronc artériel commun : Il se caractérise par l’existence d’un seul vaisseau sortant du VG et du VD, à cheval sur une communication entre les ventricules. Ce vaisseau se poursuit par l’aorte mais donne également naissance aux artères pulmonaires. Ce tronc unique avec sa valve unique (valve troncale) remplace donc la valve aortique, la partie initiale de l’aorte, la valve pulmonaire et le début de l’artère pulmonaire. En fonction de la localisation de l’émergence des artères pulmonaires, il en existe plusieurs types. En effet, les artères pulmonaires gauche et droite peuvent naître ensemble ou séparément du tronc artériel, plus ou moins loin de la valve troncale.
Chez le nourrisson (de 2 mois à l'âge de la marche)
Cardiopathies avec insuffisance cardiaque
- Shunts gauche-droite ;
- Communication interventriculaire (CIV) large : Elle correspond à un défect septal entre les 2 ventricules. Il s'agit souvent de CIV membraneuses ou musculaires de petites dimensions. Le souffle cardiaque de l'affection est rarement présent à la naissance et apparaît après quelques jours de vie, après diminution des résistances vasculaires pulmonaires. Ce souffle est typiquement holosystolique, intense, maximum à l'endapex et au foyer tricuspide avec une irradiation en rayons de roue. Cette communication fait communiquer le VG avec le VD. La pression dans le VG étant nettement supérieure à celle du VD, le shunt résultant est ainsi gauche-droit avec augmentation du travail du VD qui va s'hypertrophier et pouvant aboutir à la longue à un changement du sens du shunt par augmentation de la pression dans le VD et une hypertension artérielle pulmonaire.
Lorsque la CIV est large, elle soumet en effet les poumons à la pression de la circulation systémique pouvant être à l'origine d'une HTP si ce régime de pression persiste plus d'un an. Si l’enfant est jugé trop petit ou la CIV trop large pour une intervention visant une fermeture de l'orifice, un premier temps chirurgical consistera à mettre un anneau serrée autour de l’artère pulmonaire (cerclage ou banding) limitant par cet artifice la quantité de sang et la pression dans la circulation pulmonaire. La CIV pourra alors être fermée secondairement, lorsque l’enfant sera plus grand, dans de meilleures conditions. La plupart du temps cependant, le cerclage de l’artère pulmonaire ne sera pas nécessaire et la CIV pourra être fermée immédiatement. L’intervention est se fait à cœur ouvert, nécessitant la mise en place d’une circulation extracorporelle (CEC). De façon générale, le chirurgien utilise un patch en Dacron pour réaliser la fermeture de la CIV.
- Persistance du canal artériel : C'est la 1ère cause de souffle cardiaque chez le prématuré. Elle correspond au maintien de la communication fœtale entre l'aorte et l'artère pulmonaire. Le souffle cardiaque n'est classiquement pas présent à la naissance et apparaît dans les premiers jours de vie et parfois plus tôt chez les prématurés (par diminution plus rapide des résistances pulmonaires). Le souffle de cette affection est continu avec renforcement systolique, maximal dans la région sous-claviculaire gauche, de timbre grave. En cas de persistance, ce canal artériel va être responsable d'un shunt gauche-droit pouvant être donner une dysfonction du VG. Les symptômes en découlant peuvent être une polypnée, une mauvaise prise de poids. En l'absence d'intervention, ce canal artériel peut se fermer spontanément ou être responsable d'OAP, d'endocardite voire de dysfonction VG. Son traitement passe par l'utilisation d'AINS (uniquement chez le prématuré) ou par la fermeture de cette communication par cathétérisme interventionnel (mise en place de coil dans le canal) ou par chirurgie en cas d'echec.
- Canal atrioventriculaire : C'est une absence de septation cardiaque, très fréquemment associée à la trisomie 21 due à une malformation des valves atrioventriculaires. Il en existe plusieurs types selon les communications engendrées.
Cardiopathies avec cyanose
Tétralogie de Fallot :
C'est la cardiopathie cyanogène la plus fréquente. La cyanose est en général retardée et n'apparaît qu'après quelques semaines ou mois. La tétralogie est composée d'une sténose pulmonaire, d'une HVD, d'une dextroposition associée à une dilatation de l'aorte et enfin d'une CIV. Son traitement est chirurgical et impose une cure complète de la malformation. Elle doit être réalisée entre 6 mois et 1 an.
Dans la deuxième enfance (de 2 à 16 ans)
Cardiopathies malformatives
Ce sont en général des cardiopathies bien tolérées comme la communication interatriale (CIA).
La CIA est une des cardiopathies congénitales les plus fréquentes (la plus fréquente à l'âge adulte) et concerne 1/1500 naissances et représente 6-10 % des cardiopathies congénitales. Elle est d'actualité (tombée aux iECN 2016) et consiste en un défect du septum interatrial offrant une communication anormale entre l'AG et l'AD à type de shunt gauche-droit. En cas de shunt important, cet hyperdébit dans les cavités droites va entraîner une dilatation des cavités droites pouvant évoluer vers une HTP fixée. Elle est classiquement asymptomatique mais peut être à l'origine d'un retard de croissance, d'une dyspnée d'effort voire de signes d'insuffisance ventriculaire droite.
Le souffle résultant de cette malformation cardiaque est celui d'un rétrécissement pulmonaire relatif par hyperdébit dans la chambre de chasse du VD. Ce souffle est systolique éjectionnel peu intense au foyer pulmonaire, irradiant dans la dos, suivi d'un dédoublement du B2 au foyer pulmonaire, non variable avec la respiration.
Cette cardiopathie n'est pas à risque d'endocardite infectieuse mais peut se compliquer de troubles du rythme (FA +++, flutter atrial), dysfonction VD, HTP fixée, embolies paradoxales.
Son traitement se fait par fermeture du défect septal par cathéterisme interventionnel (mise en place d'une ombrelle pour couvrir le défect septal) ou par chirurgie.
Souffles "innocents"
Ils sont très fréquents. On estime en effet que près d'un tiers à la moitié des enfants auront un souffle cardiaque innocent. Ces souffles n'ont aucun substrat organique, le cœur étant parfaitement sain. Ils disparaîtront avec l'âge.
Leurs caractéristiques doivent être connus pour rapidement rassurer l'enfant et sa famille :
- asymptomatiques ;
- systoliques (jamais daiastoliques!) ;
- proto- ou mésosystoliques ;
- éjectionnels, généralement brefs (premier tiers de la systole) ;
- de faible intensité, < 3/6 ;
- souvent d'intensité variable avec la position ;
- doux, parfois musicaux.
Ils ne s'accompagnent pas de modifications de B1 ou de B2 (dédoublement de B2 cependant possible), ni de modifications du reste de l'examen clinique.
Ils sont parfois continus, systolodiastoliques, en cas de souffles veineux du cou.
Le cœur est strictement normal sur les bilans radiographique et ECG si ils sont réalisés.
Certaines circonstances favorisent l'apparition d'un souffle innocent et notamment toutes les causes d'augmentation du débit cardiaque (fièvre, effort, émotion, anémie, hyperthyroïdie). Il est également à noter que certaines anomalies morphologiques favorisent ces souffles et notamment le syndrome du "dos droit" ou du "dos plat", thorax en entonnoir, scolioses ...
Dans le doute, une ETT peut être pratiquée mais aucune surveillance, thérapeutique ou prise en charge n'est nécessaire. Il n'y a aucune limitation sportive et la vie de ces patients peut être menée comme si il n'y avait jamais eu de souffle de découvert. Il n'y a aucune utilité de revoir ces patients en consultation pour contrôler la disparition du souffle.
Les souffles cardiaques chez l'enfant sont extrêmement fréquents. La plupart étant fonctionnel (ou anorganique).
Ils peuvent être découverts chez l'enfant dans plusieurs situations :
- souffle en relation avec une malformation cardiaque congénitale (1-2 % des enfants) ;
- souffle fonctionnel (= anorganique, innocent, normal), sans substrat anatomique, rencontré chez près de 30 à 50 % des enfants d'âge scolaire ;
- rarement, cardiomyopathie ou myocardite aiguë ;
- cardiopathies acquises exceptionnelles chez les enfants des pays occidentaux (disparition des valvulopathies rhumatismales).
Particularités de l'auscultation de l'enfant
Le cœur chez le petit enfant est physiologiquement rapide et l'auscultation est souvent gênée par les cris, pleurs et l'agitation de l'enfant. Des moyens distracteurs tels des jouets, une sucette peuvent aider à réaliser une auscultation discriminative.
On utilise préférentiellement un stéthoscope pédiatrique dans ce contexte.
Physiologiquement, le rythme cardiaque d'un enfant est rapide et souvent irrégulier. L'enfant présente en effet une arythmie sinusale respiratoire qui peut être marquée (accélération de la fréquence cardiaque lors de l'inspiration).
Un dédoublement du B2, le long du bord sternal gauche, variable avec la respiration, est fréquent et physiologique. Cependant un dédoublement du B2 fixe et large est anormal et serait en faveur d'une communication interatriale ou d'un bloc de branche droit.
Une accentuation du B2 (éclat de B2) le long du bord sternal gauche peut correspondre soit à une hypertension pulmonaire, soit à une malposition des gros vaisseaux par une position antérieure de l'aorte.
La présence d'un troisième bruit, B3, à l'apex, est fréquent (50 %) et physiologique.
La constatation d'un bruit surajouté de type clic n'est pas exceptionnel chez l'enfant :
- clic mésosystolique apexien de prolapsus mitral ;
- clic protosystolique traduisant la présence d'une sténose valvulaire sur l'un des gros vaisseaux.
A noter qu'il n'y a souvent pas de corrélation entre l'intensité du souffle et la gravité de la maladie sous-jacente.
Circonstances de découverte
Symptômes faisant suspecter une cardiopathie
Chez le nouveau-né, la présence de signes de mauvaise tolérance doivent faire évoquer la présence d'une cardiopathie sous-jacente. Ces signe peuvent être une cyanose, des signes d'insuffisance cardiaque. Il faut aussi envisager ce type de pathologie devant un retard de croissance staturo-pondéral, des difficultés alimentaires, une polypnée, des infections pulmonaires à répétition.
Chez l'enfant d'un âge plus avancé, ces mêmes symptômes doivent alerter, ainsi qu'une dyspnée d'effort, une fatigabilité, voire même des syncopes ou des douleurs thoraciques à l'effort (en faveur d'un obstacle à l'éjection du VG : sténose aortique ou cardiomyopathie hypertrophique obstructive).
Classifications des principales cardiopathies congénitales avec souffle organique :
- Shunts gauche / droit
- Obstacle
- Fuites des valves atrioventriculaires
- Communication interventriculaire (CIV)
- Communication interatriale (CIA)
- Persistance du canal artériel (PCA)
- Canal atrioventriculaire (CAV)
- Du cœur gauche
- Du cœur droit
- Sténose valvulaire aortique
- Coarctation de l'aorte
- Sténose valvulaire pulmonaire
- Sténose supravalvulaire pulmonaire
- Sténose des 2 branches pulmonaires
- Tétralogie de Fallot
- Insuffisance mitrale
- Insuffisance tricuspide
Anomalies de l'examen clinique cardiovasculaire
L'examen clinique peut orienter vers une cardiopathie même en l'absence de symptômes. Le plus souvent, l'examen permet de révéler la présence d'un souffle cardiaque ou une anomalie des bruits du cœur.
Plus rarement, l'anomalie retrouvée peut être l'absence d'un pouls, surtout fémoral, orientant alors d'emblée vers une coarctation aortique, ou un trouble du rythme à l'auscultation.
Contexte particulier devant faire suspecter une atteinte cardiaque
Un syndrome polymalformatif doit faire suspecter une cardiopathie congénitale et une échocardiographie doit être systématiquement réalisée lors du bilan d'un syndrome polymalformatif (qu'il y ait un souffle ou non, des symptômes ou non).
Un bilan cardiaque doit également être réalisé en cas de maladie génétique familiale pouvant toucher le cœur ou les gros vaisseaux ou en présence de plusieurs cas de cardiopathie congénitale chez les apparentés.
Bilan cardiologique à faire réaliser par un cardiopédiatre
Le spécialiste réalisera un examen clinique, un ECG +/- radiographie thoracique et une échocardiographie pouvant conduire à :
- l'arrêt des investigations en l'absence de cardiopathie décelée ou en présence d'un souffle innocent ;
- une cardiopathie ne nécessitant qu'une surveillance ;
- l'indication à d'autres examens (Holter, épreuve d'effort, IRM cardiaque ou scanner) ;
- un cathétérisme dans l'optique d'une chirurgie ou d'un acte de cathétérisme interventionnel ;
- l'indication d'un geste chirurgical d'emblée basée sur les données de l'échocardiographie.
Clinique et examens complémentaires
Signes fonctionnels
Ils sont souvent absents et le symptôme le plus commun rentrant dans ce cadre est la dyspnée d'effort. Les malaises sont également un motif fréquent de consultation chez ces enfants mais sont assez rarement d'origine cardiaque. Les étiologies principales de ces malaises sont essentiellement les spasmes du sanglot chez les nourrissons et les malaises vagaux chez les adolescents. Les syncopes d'effort sur obstacles aortiques congénitaux sont rares. Les syncopes du BAV congénital (notamment dans le cadre de la présence d'anticorps maternels lupiques anti-SSA) ou des canalopathies congénitales (syndrome de Brugada, syndrome du QT long congénital) sont diagnostiquées par l'ECG et le Holter. Chez l'enfant, les douleurs thoraciques ne sont qu'exceptionnellement d'origine cardiaque.
Cliniquement, l'enfant peut présenter une mauvaise prise de poids, une polypnée, des difficultés lors de la prise du biberon.
La pression artérielle doit être prise aux 4 membres pour rechercher une coarctation de l'aorte en cas d'une différence importante de PA entre les membres supérieurs et inférieurs. Cette coarctation de l'aorte peut rentrer dans le cadre d'un syndrome de Turner (monosomie X). La palpation des pouls fémoraux est indispensable dans l'examen clinique des enfants et peuvent se retrouver abolis dans le cadre d'une coarctation de l'aorte mais hyperpulsatiles dans le cadre d'une persistance du canal artériel.
Caractères du souffle
Pour déterminer l'origine d'un souffle cardiaque, il est important d'en préciser les caractéristiques, de la manière la plus précise possible :
- le temps du souffle : systolique / diastolique / systolo-diastolique ou continu, double souffle à la fois systolique et diastolique ayant des caractéristiques différentes ;
- durée d'un souffle systolique (éjectionnel vs régurgitation) ;
- intensité et caractère frémissant ou non. L'intensité est graduée sur une échelle allant de 1 à 6 selon la manière suivante :
- 1/6 : souffle localisé, peu intense, qu'il faut rechercher spécifiquement pour l'entendre ;
- 2/6 : souffle localisé, facilement audible ;
- 3/6 : souffle intense, bien audible, avec irradiation(s) ;
- 4/6 : souffle intense avec irradiation(s) et frémissement ;
- 5/6 : souffle très intense, entendu avec la pavillon du stéthoscope à 45° ;
- 6/6 : souffle très intense, entendu avec la pavillon stéthoscope placé à au moins 1 cm de la paroi thoracique.
L'intensité du souffle correspond en général à l'importance de la lésion (d'autant plus si le souffle est frémissant) mais ce n'est pas toujours notamment dans la CIV où si elle est large, il va y avoir un équilibre des pressions entre les cœurs gauche et droit à l'origine d'une disparition du gradient et donc du souffle ;
- topographie (foyer auscultatoire où le souffle est le mieux perçu) :
- irradiations :
- modifications éventuelles des bruits du cœur associées : dédoublement du B2 large et fixe dans le cadre d'un BBG ou d'une CIA, éclat du B2 au foyer pulmonaire dans le cadre d'une HTP ou d'une position antérieure de l'aorte.
- foyer pulmonaire : sténose pulmonaire, CIA ;
- dos : coarctation de l'aorte, sténose de la branche pulmonaire ;
- xiphoïde : CIV ;
- foyer aortique : sténose aortique, sténose de la branche pulmonaire droite ;
- en rayons de roue : CIV ;
- dans le cou : sténose valvulaire aortique ;
- dans le dos : CIA, sténose pulmonaire ;
Ces caractéristiques permettent d'orienter le diagnostic. En effet, un souffle variable dans le temps et avec la position est pratiquement toujours innocent même si le caractère variable de ces souffles anorganiques est inconstant. Les souffles innocents sont généralement peu irradiants. Ainsi, un souffle bruyant, irradiant largement, est a priori organique.
Les souffles diastoliques ou les doubles souffles sont toujours organiques. Un souffle frémissant est toujours organique. Un souffle innocent est toujours bref dans la systole et un souffle holosystolique de régurgitation relève d'une cause organique.
Les irradiations et frémissements vers le cou et la région sus-sternale orientent vers un obstacle aortique, un souffle entendu dans le dos évoque un obstacle pulmonaire , un souffle irradiant dans toutes les directions en rayons de roue à partir de la région mésocardiaque évoque une communication interventriculaire.
Les caractéristiques d'un souffle cardiaque fonctionnel chez l'enfant selon le référentiel de pédiatrie sont les suivantes :
Symptomatologie | Pas de symptomatologie fonctionnelle |
Temps | Bref, mésosytolique |
Intensité | Faible (< 3/6), non frémissant |
Variabilité | Diminué à l'orthostatisme, augmenté en cas de fièvre ou d'effort |
Localisation maximale | Poids entre 3ème et 10ème centiles |
Irradiations | Pas ou peu d'irradiations |
Anomalies auscultatoires associées | B1 et B2 normaux, diastole libre |
Reste de l'examen cardiovasculaire | Normal |
Examens complémentaires
Radiographie thoracique
Une cardiomégalie (index cardiothoracique > 50 %) oriente vers une cardiopathie sans permettre d'avoir plus de précisions sur son origine. Chez l'enfant, la présence du thymus peut parfois faire conclure à tort à une cardiomégalie.
Une saillie de l'arc moyen gauche évoque une dilatation du tronc de l'artère pulmonaire et oriente vers un shunt gauche-droite alors qu'un arc moyen gauche concave oriente plutôt vers une hypoplasie de la voie pulmonaire proximale comme on peut le voir dans la tétralogie de Fallot (CIV + HVD + dextroposition et dilatation de l'aorte + sténose pulmonaire).
Un pédicule vasculaire étroit doit faire évoquer une malposition des gros vaisseaux.
Une hypervascularisation pulmonaire est en faveur d'un hyperdébit pulmonaire secondaire à une cardiopathie avec shunt gauche-droit comme dans une CIA.
Une hypovascularisation pulmonaire évoque un obstacle sur la voie pulmonaire. (Fallot, Williams-Beuren ...)
Il peut également être constaté un situs inversus avec une position droite du cœur au sein de la cage thoracique ou encore une syndrome alvéolo-interstitiel pulmonaire dans le cadre du retentissement pulmonaire de la cardiopathie.
ECG
L'ECG doit toujours être interprété en fonction de l'âge de l'enfant. En effet, la fréquence cardiaque est d'autant plus rapide que l'enfant est jeune. L'axe du QRS est plus droit que chez l'adulte. Les ondes T précordiales droites sont positives à la naissance et se négativent vers la fin de la première semaine, elles demeurent négatives de V1 à V4 pendant l'enfance. L'ECG peut parfois être perturbé et devra être enregistré d'une manière différente dans le cas de certaines cardiopathies telles que le situs inversus (pathologie ciliaire intervenant lors de l'organogenèse).
Il n'est pas à réaliser systématiquement devant un souffle cardiaque car il ne permet pas d'apporter de précision diagnostique au souffle.
ETT
C'est l'examen clé du diagnostic devant un souffle cardiaque chez l'enfant permettant l'obtention d'un diagnostic précis. Elle est ainsi à réaliser devant le moindre doute de cardiopathie mais est inutile devant un souffle fonctionnel typique.
La découverte d'un souffle avant l'âge d'un mois nécessite bilan cardiopédiatrique avec ETT systématiquement devant la probabilité plus élevée que ce souffle soit organique et en lien avec une cardiopathie congénitale. Cette conduite à tenir est la même devant un souffle cardiaque découvert avant l'âge de 1 an.
Cependant, la découverte d'un souffle cardiaque après l'âge de 1 an ayant les caractéristiques d'un souffle fonctionnel ne justifie aucun bilan cardiologique complémentaire sous réserve que tous les critères du souffle fonctionnel soient retrouvés.
Dans le cas de souffles découverts après l'âge de 1 an, un bilan complémentaire est envisageable si le souffle est d'allure non fonctionnel ou s'il survient dans un contexte de cardiopathies familiales à risque.
Ainsi on peut retenir comme indications au bilan échocardiographique d'un souffle cardiaque chez l'enfant :
- souffle même isolé avant l'âge de 1 an ;
- souffle d'allure organique quelque soit l'âge ;
- antécédents de cardiopathies familiales (mort subite, myocardiopathie).
Souffle cardiaque + signes d'insuffisance cardiaque aiguë chez un nouveau-né = urgence
Principales cardiopathies rencontrées en fonction de l'âge
Chez le nouveau-né (de la naissance à la fin du 2ème mois)
Souffle isolé chez un nouveau-né
Un souffle entendu très précocement revêt un caractère plus pathologique que lorsqu'il est découvert après quelques jours. Dans ce contexte, il est nécessaire de réaliser une ETT avant la sortie de la maternité en cas de souffle entendu à J1-J2 de vie.
En cas de souffle entendu avant J5, il faut réaliser le bilan suivant : examen clinique complet (à la recherche notamment de signes d'insuffisance cardiaque), ECG, ETT, radiographie thoracique de face.
Cardiopathies avec insuffisance cardiaque
Coarctation aortique :
La coarctation pré-ductale (située en amont de l'émergence du canal artériel également appelé ductus arteriosus), ou sténose de l'isthme aortique, est une forme grave de coarctation aortique, symptomatique dès les 1ers jours de vie mais les symptômes d'insuffisance cardiaque n'apparaissent qu'au moment de la fermeture du canal artériel (car le canal artériel permet avant sa fermeture de shunter cette sténose). Dans ce contexte, la chirurgie est urgente par résection-anastomose de la zone coarctée (intervention de Crafoord).
La physiopathologie de cette affection résulte d'une sténose au niveau de l'isthme aortique contemporain de la fermeture du canal artériel à l'origine d'un obstacle à l'éjection du VG avec augmentation de la post-charge du VG. Le VG va alors initialement tenter de s'adapter en s'hypertrophiant, comme dans un rétrécissement aortique chez l'adulte, mais cela ne suffira pas et peut aboutir progressivement à un choc cardiogénique.
Cliniquement, l'enfant peut présenter des signes d'insuffisance cardiaque, une HTA aux membres supérieurs (l'éjection vers les troncs supra-aortiques est tout à fait physiologique, la coarctation étant située en aval de l'émergence de ces vaisseaux), un gradient tensionnel entre les MS et les MI, des pouls huméraux forts mais une abolition des pouls fémoraux.
Le souffle classique de la coarctation aortique est systolique perçu dans le dos et parfois en sous-claviculaire gauche et dans l'aisselle gauche.
Cardiopathies avec cyanose
Transposition des gros vaisseaux :
Elle représente la cause la plus classique de cyanose néonatale (représente 5 % des cardiopathies congénitales). C'est une urgence cardiologique néonatale et une chirurgie de correction anatomique doit être réalisée dans les 15 premiers jours de vie.
Dans cette affection, il existe une discordance complète de la jonction ventriculo-artérielle : l’aorte sort du ventricule anatomiquement droit, qui fonctionne donc comme le ventricule systémique ; l’artère pulmonaire est issue du ventricule morphologiquement gauche. Les deux vaisseaux sont parallèles et antéro-postérieurs, la valve aortique est antérieure et à droite de la valve pulmonaire (D-transposition). Dans ce cas, la survie n’est possible que si un canal artériel, une CIA ou une CIV (présente dans 30-40% des cas) assure un mélange des sangs veineux et artérialisés. Les enfants qui ont un septum intact sont de ce fait profondément cyanosés. Comme les résistances artérielles pulmonaires baissent pendant les 2 premières semaines de vie, le VG (éjectant son contenu dans la circulation pulmonaire) perd rapidement de sa masse et s’hypotrophie alors que le VD, au contraire, s’hypertrophie puisqu’il est connecté aux résistances artérielles systémiques.
Autres cardiopathies responsables de cyanose :
Les cardiopathies complexes sont fréquentes, très polymorphes. On peut notamment citer :
- le ventricule unique : cette situation correspond au fait que l'un des 2 ventricules ne s'est pas ou insuffisamment développé. De ce fait, le sang oxygéné et désoxygéné se mélange inéluctablement dans l'unique cavité et le travail de ce ventricule est par conséquent augmenté. Le mélange sanguin avec apport d'un sang en partie non oxygéné dans la circulation générale est à l'origine d'une cyanose.
- atrésie tricuspide : dans cette affection, la valve tricuspide et le VD ne se sont pas développés. Du fait de cette anatomie particulière, le sang désoxygéné de l'AD doit obligatoirement transiter dans l'AG où il va se mélanger au sang oxygéné provenant de la circulation pulmonaire. Ce sang mélangé va alors passer dans le VG qui l'éjectera dans l'aorte et également dans l'artère pulmonaire via une CIV et/ou un canal artériel resté perméable.
- tronc artériel commun : Il se caractérise par l’existence d’un seul vaisseau sortant du VG et du VD, à cheval sur une communication entre les ventricules. Ce vaisseau se poursuit par l’aorte mais donne également naissance aux artères pulmonaires. Ce tronc unique avec sa valve unique (valve troncale) remplace donc la valve aortique, la partie initiale de l’aorte, la valve pulmonaire et le début de l’artère pulmonaire. En fonction de la localisation de l’émergence des artères pulmonaires, il en existe plusieurs types. En effet, les artères pulmonaires gauche et droite peuvent naître ensemble ou séparément du tronc artériel, plus ou moins loin de la valve troncale.
Chez le nourrisson (de 2 mois à l'âge de la marche)
Cardiopathies avec insuffisance cardiaque
- Shunts gauche-droite ;
- Communication interventriculaire (CIV) large : Elle correspond à un défect septal entre les 2 ventricules. Il s'agit souvent de CIV membraneuses ou musculaires de petites dimensions. Le souffle cardiaque de l'affection est rarement présent à la naissance et apparaît après quelques jours de vie, après diminution des résistances vasculaires pulmonaires. Ce souffle est typiquement holosystolique, intense, maximum à l'endapex et au foyer tricuspide avec une irradiation en rayons de roue. Cette communication fait communiquer le VG avec le VD. La pression dans le VG étant nettement supérieure à celle du VD, le shunt résultant est ainsi gauche-droit avec augmentation du travail du VD qui va s'hypertrophier et pouvant aboutir à la longue à un changement du sens du shunt par augmentation de la pression dans le VD et une hypertension artérielle pulmonaire.
Lorsque la CIV est large, elle soumet en effet les poumons à la pression de la circulation systémique pouvant être à l'origine d'une HTP si ce régime de pression persiste plus d'un an. Si l’enfant est jugé trop petit ou la CIV trop large pour une intervention visant une fermeture de l'orifice, un premier temps chirurgical consistera à mettre un anneau serrée autour de l’artère pulmonaire (cerclage ou banding) limitant par cet artifice la quantité de sang et la pression dans la circulation pulmonaire. La CIV pourra alors être fermée secondairement, lorsque l’enfant sera plus grand, dans de meilleures conditions. La plupart du temps cependant, le cerclage de l’artère pulmonaire ne sera pas nécessaire et la CIV pourra être fermée immédiatement. L’intervention est se fait à cœur ouvert, nécessitant la mise en place d’une circulation extracorporelle (CEC). De façon générale, le chirurgien utilise un patch en Dacron pour réaliser la fermeture de la CIV.
- Persistance du canal artériel : C'est la 1ère cause de souffle cardiaque chez le prématuré. Elle correspond au maintien de la communication fœtale entre l'aorte et l'artère pulmonaire. Le souffle cardiaque n'est classiquement pas présent à la naissance et apparaît dans les premiers jours de vie et parfois plus tôt chez les prématurés (par diminution plus rapide des résistances pulmonaires). Le souffle de cette affection est continu avec renforcement systolique, maximal dans la région sous-claviculaire gauche, de timbre grave. En cas de persistance, ce canal artériel va être responsable d'un shunt gauche-droit pouvant être donner une dysfonction du VG. Les symptômes en découlant peuvent être une polypnée, une mauvaise prise de poids. En l'absence d'intervention, ce canal artériel peut se fermer spontanément ou être responsable d'OAP, d'endocardite voire de dysfonction VG. Son traitement passe par l'utilisation d'AINS (uniquement chez le prématuré) ou par la fermeture de cette communication par cathétérisme interventionnel (mise en place de coil dans le canal) ou par chirurgie en cas d'echec.
- Canal atrioventriculaire : C'est une absence de septation cardiaque, très fréquemment associée à la trisomie 21 due à une malformation des valves atrioventriculaires. Il en existe plusieurs types selon les communications engendrées.
Cardiopathies avec cyanose
Tétralogie de Fallot :
C'est la cardiopathie cyanogène la plus fréquente. La cyanose est en général retardée et n'apparaît qu'après quelques semaines ou mois. La tétralogie est composée d'une sténose pulmonaire, d'une HVD, d'une dextroposition associée à une dilatation de l'aorte et enfin d'une CIV. Son traitement est chirurgical et impose une cure complète de la malformation. Elle doit être réalisée entre 6 mois et 1 an.
Dans la deuxième enfance (de 2 à 16 ans)
Cardiopathies malformatives
Ce sont en général des cardiopathies bien tolérées comme la communication interatriale (CIA).
La CIA est une des cardiopathies congénitales les plus fréquentes (la plus fréquente à l'âge adulte) et concerne 1/1500 naissances et représente 6-10 % des cardiopathies congénitales. Elle est d'actualité (tombée aux iECN 2016) et consiste en un défect du septum interatrial offrant une communication anormale entre l'AG et l'AD à type de shunt gauche-droit. En cas de shunt important, cet hyperdébit dans les cavités droites va entraîner une dilatation des cavités droites pouvant évoluer vers une HTP fixée. Elle est classiquement asymptomatique mais peut être à l'origine d'un retard de croissance, d'une dyspnée d'effort voire de signes d'insuffisance ventriculaire droite.
Le souffle résultant de cette malformation cardiaque est celui d'un rétrécissement pulmonaire relatif par hyperdébit dans la chambre de chasse du VD. Ce souffle est systolique éjectionnel peu intense au foyer pulmonaire, irradiant dans la dos, suivi d'un dédoublement du B2 au foyer pulmonaire, non variable avec la respiration.
Cette cardiopathie n'est pas à risque d'endocardite infectieuse mais peut se compliquer de troubles du rythme (FA +++, flutter atrial), dysfonction VD, HTP fixée, embolies paradoxales.
Son traitement se fait par fermeture du défect septal par cathéterisme interventionnel (mise en place d'une ombrelle pour couvrir le défect septal) ou par chirurgie.
Souffles "innocents"
Ils sont très fréquents. On estime en effet que près d'un tiers à la moitié des enfants auront un souffle cardiaque innocent. Ces souffles n'ont aucun substrat organique, le cœur étant parfaitement sain. Ils disparaîtront avec l'âge.
Leurs caractéristiques doivent être connus pour rapidement rassurer l'enfant et sa famille :
- asymptomatiques ;
- systoliques (jamais daiastoliques!) ;
- proto- ou mésosystoliques ;
- éjectionnels, généralement brefs (premier tiers de la systole) ;
- de faible intensité, < 3/6 ;
- souvent d'intensité variable avec la position ;
- doux, parfois musicaux.
Ils ne s'accompagnent pas de modifications de B1 ou de B2 (dédoublement de B2 cependant possible), ni de modifications du reste de l'examen clinique.
Ils sont parfois continus, systolodiastoliques, en cas de souffles veineux du cou.
Le cœur est strictement normal sur les bilans radiographique et ECG si ils sont réalisés.
Certaines circonstances favorisent l'apparition d'un souffle innocent et notamment toutes les causes d'augmentation du débit cardiaque (fièvre, effort, émotion, anémie, hyperthyroïdie). Il est également à noter que certaines anomalies morphologiques favorisent ces souffles et notamment le syndrome du "dos droit" ou du "dos plat", thorax en entonnoir, scolioses ...
Dans le doute, une ETT peut être pratiquée mais aucune surveillance, thérapeutique ou prise en charge n'est nécessaire. Il n'y a aucune limitation sportive et la vie de ces patients peut être menée comme si il n'y avait jamais eu de souffle de découvert. Il n'y a aucune utilité de revoir ces patients en consultation pour contrôler la disparition du souffle.