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Rétention aiguë d'urine

Diagnostiquer une rétention aigue d’urine

Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge

Physiologie de la miction

La miction a pour but d’assurer la vidange vésicale. Elle nécessite l’intégrité de trois structures : la vessie, la filière sous-vésicale et l’innervation mixte.

Concernant la vessie, c’est un réservoir doté d’un tissu musculaire clé, le détrusor. En phase de remplissage, elle doit être capable de se distendre à pression faible et constante (=compliance vésicale) et c’est lorsque le remplissage atteint un certain volume (± 300-350 cc) que les pressions augmentent et que le besoin d’uriner apparait (besoin B2). En phase mictionnelle, le détrusor se contracte, une miction normale doit être facile, indolore, volontaire, diurne, de durée inférieure à 1 minute, de volume 300-350cc avec un débit maximal > 25cc/s.

Concernant la filière sous-vésicale, elle regroupe le col vésical, le sphincter lisse, le sphincter strié, la prostate et l’urètre. Le sphincter strié est d’innervation somatique, l’enfant acquérant son contrôle vers l’âge de 18 mois. Le sphincter lisse doit fermer la filière en phase de remplissage et l’ouvrir en phase mictionnelle.

Concernant l’innervation, elle est mixte à savoir somatique et autonome.

  • Le système nerveux somatique contrôle le sphincter strié comme vu précédemment.
  • Le système autonome sympathique (centre dorso-lombaire) est impliqué dans la phase de remplissage en inhibant la contraction détrusorienne (via des récepteurs béta situés sur les fibres musculaires) et en fermant la filière sous-vésicale via le sphincter lisse (récepteurs alpha).
  • Le système autonome parasympathique (moelle sacrée) est impliqué dans la phase mictionnelle en contractant le détrusor et en ouvrant la filière sous-vésicale via la relaxation du sphincter lisse. On en déduit qu’une miction normale nécessite une parfaite synergie vésico-sphinctérienne.

Ainsi, une rétention aigue d’urine peut résulter d’un dysfonctionnement et/ou lésion d’une de ces trois structures :

  • Vessie : défaut de contraction.
  • Filière sous-vésical : obstacle à l’écoulement des urines (cause la plus fréquente).
  • Innervation : altération de la commande neurologique.

Diagnostic positif

Le diagnostic d’une rétention aigue d’urine est exclusivement clinique, ainsi à partir d’un examen bref et sans aucune paraclinique le diagnostic doit être rapidement posé, l’urgence étant de dériver les urines.

Le contexte est classiquement celui d’un homme (pathologie essentiellement masculine) se présentant avec un besoin important d’uriner, besoin qui est douloureux, source d’agitation et d’anxiété mais la miction lui est impossible.

L’interrogatoire recherche des arguments en faveur d’une étiologie (ex : SBAU de l’HBP) et recherchera également des potentielles contre-indications aux différentes techniques de dérivation des urines (ex : la prise d’AVK contre indique le cathétérisme sus-pubien).

L’examen clinique objectivera un globe vésicale : masse immédiatement sus-pubienne, voussure à convexité supérieure, matité à la percussion sus-pubienne, douloureuse dans la plupart des cas (palpation augmente l'envie d'uriner).

Puis les touchers pelviens seront systématiquement réalisés :

  • chez l'homme : toucher rectal (TR) :
  • chez la femme : toucher vaginal et toucher rectal :
  • chez l'homme et la femme :
  • Estimation du volume prostatique (volume normal = 20g).
  • Pathologie urologique : prostatite (douleur élective, toucher rectal quasi-impossible du faite de la douleur), HBP (augmentation symétrique de volume de la prostate, ferme sans être franchement indurée et disparition du sillon médian), cancer de la prostate (augmentation de volume asymétrique et « pierreuse » non douloureuse).
  • Recherche d'une tumeur gynécologique.
  • Estimation de la trophicité des tissus vaginaux.
  • Recherche d'un fécalome (cause isolée possible de rétention par distension de l'ampoule rectale).
  • Recherche systématique de pathologie associée de l'ampoule rectale (hémorroïdes, tumeur du rectum).

L’examen des organes génitaux externes recherchera un phimosis serré, une sténose du méat urétral et une orchi-épididymite éventuellement associée à une prostatite.

Concernant la paraclinique, elle est habituellement inutile au diagnostic positif cependant deux examens peuvent parfois être discutés avant le drainage des urines :

  • Echographie vésicale : elle sera réalisée, avant drainage, uniquement s’il existe un doute au diagnostic. Ce doute est volontiers rencontré chez les patients neurologiques (ex : neuropathie diabétique avec rétention indolore), les patients obèses (globe difficilement palpable) et enfin les sujets âgés (la présentation qui prime est généralement le syndrome confusionnel : devant toute confusion chez la personne âgée, vous devez en priorité rechercher un globe vésical, un fécalome et analyser les prescriptions avant de vous lancer dans des examens plus poussés).
  • Bilan de coagulation : parfois indiqué avant la mise en place d’un cathétérisme sus-pubien mais n’est pas systématique, en effet il doit être prescrit uniquement si le patient présente des arguments en faveur d’une pathologie hémorragique.

Un diagnostic différentiel classique est l’anurie mais ici la présentation est complétement différente, il s’agit d’un trouble rénal et non urologique, l’urine n’étant pas produite il n’y a aucune miction et l’examen ne retrouvera aucun globe ou impossibilité douloureuse d’uriner puisque la vessie est vide.

Diagnostic étiologique

Comme vu précédemment il existe trois étiologies à une rétention aigue d’urines :

  • un défaut de contraction vésicale,
  • un obstacle de la filière sous-vésicale
  • et une altération de la commande neurologique.

Le plus souvent on retrouve un obstacle de la filière sous-vésicale dont la nature est variable :

Prostate

  • Hypertrophie de prostate : cause la plus fréquente de RAU, les arguments en faveur sont le sexe masculin, l’âge, les SBAU, le TR. La RAU survient volontiers à l’occasion d’un facteur intercurrent (ex : après une anesthésie générale). En pratique, le patient sera sondé et sera initié un traitement par alpha-bloquant (ex : Alfuzosine Xatral LP 10 mg) et au terme de 48 heures d’imprégnation (délai d’efficacité de l’alpha-bloquant) sera tenté un désondage.
  • Cancer de prostate : la RAU ne survient qu’à un stade avancé (T3-T4) avec envahissement du trigone vésical. Le TR en fait facilement le diagnostic.
  • Prostatite : c’est le diagnostic à évoquer devant une RAU fébrile. Le patient devra en plus d’être sondé, être traité par antibiotiques et alpha-bloquant (l’HBP est un facteur favorisant sous-jacent classique). Le dogme ne pas sonder un patient présentant une prostatite n’est plus.

Col de la vessie 

Hématurie : un caillotage vésical peut obstruer le col et est une cause classique de RAU. La démarche diagnostic étiologique est celle d’une hématurie urologique. Concernant la dérivation des urines le cathétérisme est ici contre-indiqué car si tumeur de vessie, risque de dissémination le long du trajet de ponction. Le sondage se fera à l’aide d’une sonde double courant associée à un lavage vésical et un décaillotage à la seringue. Si échec et persistance des caillots, le décaillotage se fera sous endoscopie au bloc.

Urètre :

  • Sténose de l’urètre : secondaire à un traumatisme du bassin, une urétrite ou un sondage traumatique. Il s’agit de la seule et vraie contre-indication au sondage, le cathétérisme est ici de mise.
  • Phimosis serré
  • Prolapsus génital de la femme
  • Fécalome

Plus rarement une RAU est secondaire à un défaut de contraction vésicale, on évoquera ici les causes iatrogènes :

  • Anticholinergiques, en inhibant la contraction détrusorienne parasympathique
  • Morphiniques, employés au cours d’une anesthésie générale ou locorégionale et plus rarement lors d’une administration classique (per os, sous-cutanée, intra-veineuse)
  • collyre mydriatique : atropine (Atropine®), cyclopentolate (Skiacol®), topicamide (Mydriaticum®)
  • anticholinergiques utilisés en urologie pour traiter l'instabilité vésicale : oxybutinine (Ditropan®, Driptane®), toltérodine (Détrusitol®), trospium (Céris®).
  • neuroleptiques en particulier les phénothiazines : Haldol®, Clopixol®, Largactil®.
  • antidépresseurs tricycliques imipraminiques (première génération).
  • certains antiparkinsoniens : bipéridène (Akineton®), trihexyphénidyle (Artane®), tropatépine (Lepticur®).
  • antalgiques d'usage courant : néfopam (Acupan®), tiémonium (Viscéralgine®).
  • bronchodilatateurs bêtamimétiques à action secondaire anticholinergique (Atrovent®, Tergistat®) ou associé à un anticholinergique (Bronchodual®, Combivent®).
  • antihistaminiques utilisés comme antitussifs (Hexpneumine®, Toplexil®, Rhinathiol®…), comme sédatifs (hydroxyzine : Atarax®, Théralène®), comme antiallergiques (Polaramine®, Allergefon®) ou encore dans la prévention du mal des transports (Dramamine®, Mercalm®, Nautamine®, Scopoderm®).
  • Autres traitements bien plus rare :
  • Les sympathomimétiques : phénylpropanolamine, pseudo-éphédrine, phenyléphrine, éphédrine (vasoconstricteurs nasaux).
  • Les bêta 2-mimétiques : salbutamol, terbutaline.
  • Les inhibiteurs calciques.

Enfin une RAU peut être liée à un défaut de la commande neurologique :

  • Centrale : pathologie médullaire (compression/lésion/congénitale), AVC, maladie de Parkinson, sclérose en plaques.
  • Périphérique : neuropathie diabétique.

Conduite à tenir en pratique

Une fois le diagnostic de RAU posé par la seule clinique, sans avoir recours à aucune paraclinique, il est indiqué de dériver en urgence les urines. Deux techniques seront discutées : le sondage urinaire à demeure (SAD) et le cathétérisme sus-pubien.

Sondage urinaire à demeure (SAD)

En termes d’indication, le sondage est la technique de dérivation des urines la plus pratiquée : elle doit toujours être privilégiée en première intention.

En termes de contre-indication, la seule contre-indication absolue est la sténose de l’urètre. La prostatite est une contre-indication relative, en pratique une prostatite peut tout à fait être sondée.

Concernant les risques, il existe avant tout un risque infectieux (infection urinaire nosocomiale = 2ème infection nosocomiale derrière le poumon) et un risque de fausse route.

En pratique, le SAD peut être réalisé par un médecin (obligatoire si 1er sondage chez l’homme) ou une infirmière. Le matériel doit comprendre :

  • Une sonde urinaire : coudée chez l’homme pour faciliter le passage prostatique, droite chez la femme. Elle doit être de taille suffisante, débuter par une Charrière 18-20. On privilégiera une sonde double courant en cas d’hématurie afin de mettre en place un lavage vésicale en continu qui sera associé à un décaillotage à la seringue.
  • Une poche : reliée à la sonde, elle sera positionnée en position déclive. Celle-ci ne devra pas être déconnecté de la sonde ni changée, la vidange se réalisant à l’aide d’un petit robinet positionnée en bas de la poche. Le but est d’être en système clos limitant ainsi le risque infectieux.
  • Eau stérile : une fois le sondage réalisé, le ballonnet sera gonflé via de l’eau stérile (10-20cc) et non du sérum salé car historiquement le sel peut cristalliser rendant par la suite le désondage impossible.
  • Gel anesthésiant local type Xylocaine®
  • Matériel d’asepsie et de stérilité (champ stérile, gants stériles, solution hydro-alcoolique, désinfection 4 temps)

En fin de procédure, le malade sera recalotté afin d’éviter tout paraphimosis iatrogène.

Cathétérisme sus-pubien

En termes d’indication, le cathétérisme sus-pubien (Cystocath®) est une technique de drainage moins utilisée et est mis en place en cas de contre-indication ou d’échec du SAD. Il s’agit néanmoins d’une technique de drainage excellente présentant de nombreux avantages : pas de risques de fausses route, épreuve de clampage possible pour juger d’une reprise mictionnelle (le risque infectieux n’est pas significativement différent du SAD).

En termes de contre-indication, il en existe des absolues et des relatives. Les contre-indications absolues sont l’absence de globe et le pontage fémoro-fémorale. Les contre-indications relatives sont les troubles de l’hémostase (congénitaux et/ou acquis type traitement anticoagulant), l’hématurie, la tumeur de vessie et les cicatrices de laparotomie.

En pratique, le cathétérisme sus-pubien est un acte médical devant être réalisé dans des conditions d’asepsie et de stérilité :

  • Repérage du point de ponction, situé deux doigts au-dessus de la symphyse pubienne sur la ligne médiane de l’abdomen.
  • Pose d’un champ stérile, désinfection 4 temps.
  • Anesthésie locale.
  • Moucheture cutanée à la lame.
  • Insertion du trocart perpendiculaire à la peau.
  • Retrait du mandrin.
  • Insertion de la sonde et retrait du trocart.
  • Connexion de la sonde à la poche.
  • Fixation de la sonde à la peau.
  • Pansement stérile.

Prise en charge post-drainage

Quelle que soit la technique de drainage employée, certains réflexes sont bons à prendre :

  • Noter le volume contenu au moment de la rétention (bon pronostic si <600cc)
  • Quantifier la diurèse horaire (prévention du syndrome de levée d’obstacle)
  • Clamper la sonde 15mn tous les 500cc drainés (prévention de l’hématurie à vacuo)
  • Réaliser une CBU sur les urines drainées
  • Piquer un bilan sanguin (urée, créatinémie, ionogramme sanguin) et réaliser une échographie de l’appareil urinaire afin de rechercher une insuffisance rénale aigue obstructive. La persistance d’une dilatation des cavités pyélo-calicielles post-drainage doit faire évoquer une rétention chronique.

Dans un second temps, devront être demandés certains examens à visée étiologique :

  • Echographie réno-vésico-prostatique avec mesure du résidu post-mictionnel (RPM).
  • Débimétrie en cas d’HBP, bilan urodynamique en cas de pathologie neurologique.
  • PSA : jamais à la phase aigüe (valeur faussement augmentée) mais à distance.
  • Cystoscopie souple : en cas d’hématurie et de suspicion de sténose urétrale.
  • Uro-TDM en cas d’hématurie.

Diagnostic de gravité

Sont abordés ici les complications liées à la rétention et le drainage.

Insuffisance rénale aiguë

La RAU peut retentir sur le haut appareil urinaire entrainant une insuffisance rénale aigue obstructive. Le retentissement peut se manifester par la dilatation bilatérale des voies excrétrices supérieures, par une augmentation de la créatininémie ou par l'association des deux. L'insuffisance rénale régresse très rapidement après drainage vésical. La dilatation des cavités pyélocalicielles peut persister pendant quelques semaines.

Suite au drainage, un syndrome de levée d’obstacle peut être responsable d’une insuffisance rénale aigue fonctionnelle liée aux pertes hydro-électrolytiques.

Syndrome de levée d’obstacle (SLO)

La physiopathologie du SLO est double : il procède d'une tubulopathie fonctionnelle rendant le rein incapable transitoirement de concentrer l'urine, phénomène auquel se surajoute le rôle osmotique de l'urée.

Le dépistage du SLO repose de façon simple sur la surveillance horaire de reprise de la diurèse après la levée de l'obstacle. Le diagnostic se doit d'être précoce car la polyurie osmotique qui apparaît est parfois majeure avec un volume supérieur à un litre par heure, engageant le pronostic vital du patient.

La prise en charge consiste en une réhydratation intraveineuse en compensant les entrées aux sorties.

Hématurie a vacuo

En cas de vidange vésicale trop rapide, il peut survenir une hématurie macroscopique, appelée hématurie a vacuo. Cette hématurie est favorisée en cas de troubles de l'hémostase ou de traitements anticoagulants.

Il est conseillé de réaliser une vidange vésicale progressive et de clamper la sonde 15 minutes tous les 500 mL.

L’hématurie à vacuo mérite d’être explorée (cystoscopie souple + Uro-TDM).

Vessie claquée

La distension détrusorienne aboutit à un claquage musculaire, la vessie perd ses capacités contractiles. C'est la raison pour laquelle il peut être nécessaire d'attendre quelques jours à quelques semaines avant de tenter d'enlever une sonde à demeure.

L’altération de la paroi vésicale pouvant aboutir au développement de diverticules vésicaux.

Diagnostiquer une rétention aigue d’urine

Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge

Physiologie de la miction

La miction a pour but d’assurer la vidange vésicale. Elle nécessite l’intégrité de trois structures : la vessie, la filière sous-vésicale et l’innervation mixte.

Concernant la vessie, c’est un réservoir doté d’un tissu musculaire clé, le détrusor. En phase de remplissage, elle doit être capable de se distendre à pression faible et constante (=compliance vésicale) et c’est lorsque le remplissage atteint un certain volume (± 300-350 cc) que les pressions augmentent et que le besoin d’uriner apparait (besoin B2). En phase mictionnelle, le détrusor se contracte, une miction normale doit être facile, indolore, volontaire, diurne, de durée inférieure à 1 minute, de volume 300-350cc avec un débit maximal > 25cc/s.

Concernant la filière sous-vésicale, elle regroupe le col vésical, le sphincter lisse, le sphincter strié, la prostate et l’urètre. Le sphincter strié est d’innervation somatique, l’enfant acquérant son contrôle vers l’âge de 18 mois. Le sphincter lisse doit fermer la filière en phase de remplissage et l’ouvrir en phase mictionnelle.

Concernant l’innervation, elle est mixte à savoir somatique et autonome.

  • Le système nerveux somatique contrôle le sphincter strié comme vu précédemment.
  • Le système autonome sympathique (centre dorso-lombaire) est impliqué dans la phase de remplissage en inhibant la contraction détrusorienne (via des récepteurs béta situés sur les fibres musculaires) et en fermant la filière sous-vésicale via le sphincter lisse (récepteurs alpha).
  • Le système autonome parasympathique (moelle sacrée) est impliqué dans la phase mictionnelle en contractant le détrusor et en ouvrant la filière sous-vésicale via la relaxation du sphincter lisse. On en déduit qu’une miction normale nécessite une parfaite synergie vésico-sphinctérienne.

Ainsi, une rétention aigue d’urine peut résulter d’un dysfonctionnement et/ou lésion d’une de ces trois structures :

  • Vessie : défaut de contraction.
  • Filière sous-vésical : obstacle à l’écoulement des urines (cause la plus fréquente).
  • Innervation : altération de la commande neurologique.

Diagnostic positif

Le diagnostic d’une rétention aigue d’urine est exclusivement clinique, ainsi à partir d’un examen bref et sans aucune paraclinique le diagnostic doit être rapidement posé, l’urgence étant de dériver les urines.

Le contexte est classiquement celui d’un homme (pathologie essentiellement masculine) se présentant avec un besoin important d’uriner, besoin qui est douloureux, source d’agitation et d’anxiété mais la miction lui est impossible.

L’interrogatoire recherche des arguments en faveur d’une étiologie (ex : SBAU de l’HBP) et recherchera également des potentielles contre-indications aux différentes techniques de dérivation des urines (ex : la prise d’AVK contre indique le cathétérisme sus-pubien).

L’examen clinique objectivera un globe vésicale : masse immédiatement sus-pubienne, voussure à convexité supérieure, matité à la percussion sus-pubienne, douloureuse dans la plupart des cas (palpation augmente l'envie d'uriner).

Puis les touchers pelviens seront systématiquement réalisés :

  • chez l'homme : toucher rectal (TR) :
  • chez la femme : toucher vaginal et toucher rectal :
  • chez l'homme et la femme :
  • Estimation du volume prostatique (volume normal = 20g).
  • Pathologie urologique : prostatite (douleur élective, toucher rectal quasi-impossible du faite de la douleur), HBP (augmentation symétrique de volume de la prostate, ferme sans être franchement indurée et disparition du sillon médian), cancer de la prostate (augmentation de volume asymétrique et « pierreuse » non douloureuse).
  • Recherche d'une tumeur gynécologique.
  • Estimation de la trophicité des tissus vaginaux.
  • Recherche d'un fécalome (cause isolée possible de rétention par distension de l'ampoule rectale).
  • Recherche systématique de pathologie associée de l'ampoule rectale (hémorroïdes, tumeur du rectum).

L’examen des organes génitaux externes recherchera un phimosis serré, une sténose du méat urétral et une orchi-épididymite éventuellement associée à une prostatite.

Concernant la paraclinique, elle est habituellement inutile au diagnostic positif cependant deux examens peuvent parfois être discutés avant le drainage des urines :

  • Echographie vésicale : elle sera réalisée, avant drainage, uniquement s’il existe un doute au diagnostic. Ce doute est volontiers rencontré chez les patients neurologiques (ex : neuropathie diabétique avec rétention indolore), les patients obèses (globe difficilement palpable) et enfin les sujets âgés (la présentation qui prime est généralement le syndrome confusionnel : devant toute confusion chez la personne âgée, vous devez en priorité rechercher un globe vésical, un fécalome et analyser les prescriptions avant de vous lancer dans des examens plus poussés).
  • Bilan de coagulation : parfois indiqué avant la mise en place d’un cathétérisme sus-pubien mais n’est pas systématique, en effet il doit être prescrit uniquement si le patient présente des arguments en faveur d’une pathologie hémorragique.

Un diagnostic différentiel classique est l’anurie mais ici la présentation est complétement différente, il s’agit d’un trouble rénal et non urologique, l’urine n’étant pas produite il n’y a aucune miction et l’examen ne retrouvera aucun globe ou impossibilité douloureuse d’uriner puisque la vessie est vide.

Diagnostic étiologique

Comme vu précédemment il existe trois étiologies à une rétention aigue d’urines :

  • un défaut de contraction vésicale,
  • un obstacle de la filière sous-vésicale
  • et une altération de la commande neurologique.

Le plus souvent on retrouve un obstacle de la filière sous-vésicale dont la nature est variable :

Prostate

  • Hypertrophie de prostate : cause la plus fréquente de RAU, les arguments en faveur sont le sexe masculin, l’âge, les SBAU, le TR. La RAU survient volontiers à l’occasion d’un facteur intercurrent (ex : après une anesthésie générale). En pratique, le patient sera sondé et sera initié un traitement par alpha-bloquant (ex : Alfuzosine Xatral LP 10 mg) et au terme de 48 heures d’imprégnation (délai d’efficacité de l’alpha-bloquant) sera tenté un désondage.
  • Cancer de prostate : la RAU ne survient qu’à un stade avancé (T3-T4) avec envahissement du trigone vésical. Le TR en fait facilement le diagnostic.
  • Prostatite : c’est le diagnostic à évoquer devant une RAU fébrile. Le patient devra en plus d’être sondé, être traité par antibiotiques et alpha-bloquant (l’HBP est un facteur favorisant sous-jacent classique). Le dogme ne pas sonder un patient présentant une prostatite n’est plus.

Col de la vessie 

Hématurie : un caillotage vésical peut obstruer le col et est une cause classique de RAU. La démarche diagnostic étiologique est celle d’une hématurie urologique. Concernant la dérivation des urines le cathétérisme est ici contre-indiqué car si tumeur de vessie, risque de dissémination le long du trajet de ponction. Le sondage se fera à l’aide d’une sonde double courant associée à un lavage vésical et un décaillotage à la seringue. Si échec et persistance des caillots, le décaillotage se fera sous endoscopie au bloc.

Urètre :

  • Sténose de l’urètre : secondaire à un traumatisme du bassin, une urétrite ou un sondage traumatique. Il s’agit de la seule et vraie contre-indication au sondage, le cathétérisme est ici de mise.
  • Phimosis serré
  • Prolapsus génital de la femme
  • Fécalome

Plus rarement une RAU est secondaire à un défaut de contraction vésicale, on évoquera ici les causes iatrogènes :

  • Anticholinergiques, en inhibant la contraction détrusorienne parasympathique
  • Morphiniques, employés au cours d’une anesthésie générale ou locorégionale et plus rarement lors d’une administration classique (per os, sous-cutanée, intra-veineuse)
  • collyre mydriatique : atropine (Atropine®), cyclopentolate (Skiacol®), topicamide (Mydriaticum®)
  • anticholinergiques utilisés en urologie pour traiter l'instabilité vésicale : oxybutinine (Ditropan®, Driptane®), toltérodine (Détrusitol®), trospium (Céris®).
  • neuroleptiques en particulier les phénothiazines : Haldol®, Clopixol®, Largactil®.
  • antidépresseurs tricycliques imipraminiques (première génération).
  • certains antiparkinsoniens : bipéridène (Akineton®), trihexyphénidyle (Artane®), tropatépine (Lepticur®).
  • antalgiques d'usage courant : néfopam (Acupan®), tiémonium (Viscéralgine®).
  • bronchodilatateurs bêtamimétiques à action secondaire anticholinergique (Atrovent®, Tergistat®) ou associé à un anticholinergique (Bronchodual®, Combivent®).
  • antihistaminiques utilisés comme antitussifs (Hexpneumine®, Toplexil®, Rhinathiol®…), comme sédatifs (hydroxyzine : Atarax®, Théralène®), comme antiallergiques (Polaramine®, Allergefon®) ou encore dans la prévention du mal des transports (Dramamine®, Mercalm®, Nautamine®, Scopoderm®).
  • Autres traitements bien plus rare :
  • Les sympathomimétiques : phénylpropanolamine, pseudo-éphédrine, phenyléphrine, éphédrine (vasoconstricteurs nasaux).
  • Les bêta 2-mimétiques : salbutamol, terbutaline.
  • Les inhibiteurs calciques.

Enfin une RAU peut être liée à un défaut de la commande neurologique :

  • Centrale : pathologie médullaire (compression/lésion/congénitale), AVC, maladie de Parkinson, sclérose en plaques.
  • Périphérique : neuropathie diabétique.

Conduite à tenir en pratique

Une fois le diagnostic de RAU posé par la seule clinique, sans avoir recours à aucune paraclinique, il est indiqué de dériver en urgence les urines. Deux techniques seront discutées : le sondage urinaire à demeure (SAD) et le cathétérisme sus-pubien.

Sondage urinaire à demeure (SAD)

En termes d’indication, le sondage est la technique de dérivation des urines la plus pratiquée : elle doit toujours être privilégiée en première intention.

En termes de contre-indication, la seule contre-indication absolue est la sténose de l’urètre. La prostatite est une contre-indication relative, en pratique une prostatite peut tout à fait être sondée.

Concernant les risques, il existe avant tout un risque infectieux (infection urinaire nosocomiale = 2ème infection nosocomiale derrière le poumon) et un risque de fausse route.

En pratique, le SAD peut être réalisé par un médecin (obligatoire si 1er sondage chez l’homme) ou une infirmière. Le matériel doit comprendre :

  • Une sonde urinaire : coudée chez l’homme pour faciliter le passage prostatique, droite chez la femme. Elle doit être de taille suffisante, débuter par une Charrière 18-20. On privilégiera une sonde double courant en cas d’hématurie afin de mettre en place un lavage vésicale en continu qui sera associé à un décaillotage à la seringue.
  • Une poche : reliée à la sonde, elle sera positionnée en position déclive. Celle-ci ne devra pas être déconnecté de la sonde ni changée, la vidange se réalisant à l’aide d’un petit robinet positionnée en bas de la poche. Le but est d’être en système clos limitant ainsi le risque infectieux.
  • Eau stérile : une fois le sondage réalisé, le ballonnet sera gonflé via de l’eau stérile (10-20cc) et non du sérum salé car historiquement le sel peut cristalliser rendant par la suite le désondage impossible.
  • Gel anesthésiant local type Xylocaine®
  • Matériel d’asepsie et de stérilité (champ stérile, gants stériles, solution hydro-alcoolique, désinfection 4 temps)

En fin de procédure, le malade sera recalotté afin d’éviter tout paraphimosis iatrogène.

Cathétérisme sus-pubien

En termes d’indication, le cathétérisme sus-pubien (Cystocath®) est une technique de drainage moins utilisée et est mis en place en cas de contre-indication ou d’échec du SAD. Il s’agit néanmoins d’une technique de drainage excellente présentant de nombreux avantages : pas de risques de fausses route, épreuve de clampage possible pour juger d’une reprise mictionnelle (le risque infectieux n’est pas significativement différent du SAD).

En termes de contre-indication, il en existe des absolues et des relatives. Les contre-indications absolues sont l’absence de globe et le pontage fémoro-fémorale. Les contre-indications relatives sont les troubles de l’hémostase (congénitaux et/ou acquis type traitement anticoagulant), l’hématurie, la tumeur de vessie et les cicatrices de laparotomie.

En pratique, le cathétérisme sus-pubien est un acte médical devant être réalisé dans des conditions d’asepsie et de stérilité :

  • Repérage du point de ponction, situé deux doigts au-dessus de la symphyse pubienne sur la ligne médiane de l’abdomen.
  • Pose d’un champ stérile, désinfection 4 temps.
  • Anesthésie locale.
  • Moucheture cutanée à la lame.
  • Insertion du trocart perpendiculaire à la peau.
  • Retrait du mandrin.
  • Insertion de la sonde et retrait du trocart.
  • Connexion de la sonde à la poche.
  • Fixation de la sonde à la peau.
  • Pansement stérile.

Prise en charge post-drainage

Quelle que soit la technique de drainage employée, certains réflexes sont bons à prendre :

  • Noter le volume contenu au moment de la rétention (bon pronostic si <600cc)
  • Quantifier la diurèse horaire (prévention du syndrome de levée d’obstacle)
  • Clamper la sonde 15mn tous les 500cc drainés (prévention de l’hématurie à vacuo)
  • Réaliser une CBU sur les urines drainées
  • Piquer un bilan sanguin (urée, créatinémie, ionogramme sanguin) et réaliser une échographie de l’appareil urinaire afin de rechercher une insuffisance rénale aigue obstructive. La persistance d’une dilatation des cavités pyélo-calicielles post-drainage doit faire évoquer une rétention chronique.

Dans un second temps, devront être demandés certains examens à visée étiologique :

  • Echographie réno-vésico-prostatique avec mesure du résidu post-mictionnel (RPM).
  • Débimétrie en cas d’HBP, bilan urodynamique en cas de pathologie neurologique.
  • PSA : jamais à la phase aigüe (valeur faussement augmentée) mais à distance.
  • Cystoscopie souple : en cas d’hématurie et de suspicion de sténose urétrale.
  • Uro-TDM en cas d’hématurie.

Diagnostic de gravité

Sont abordés ici les complications liées à la rétention et le drainage.

Insuffisance rénale aiguë

La RAU peut retentir sur le haut appareil urinaire entrainant une insuffisance rénale aigue obstructive. Le retentissement peut se manifester par la dilatation bilatérale des voies excrétrices supérieures, par une augmentation de la créatininémie ou par l'association des deux. L'insuffisance rénale régresse très rapidement après drainage vésical. La dilatation des cavités pyélocalicielles peut persister pendant quelques semaines.

Suite au drainage, un syndrome de levée d’obstacle peut être responsable d’une insuffisance rénale aigue fonctionnelle liée aux pertes hydro-électrolytiques.

Syndrome de levée d’obstacle (SLO)

La physiopathologie du SLO est double : il procède d'une tubulopathie fonctionnelle rendant le rein incapable transitoirement de concentrer l'urine, phénomène auquel se surajoute le rôle osmotique de l'urée.

Le dépistage du SLO repose de façon simple sur la surveillance horaire de reprise de la diurèse après la levée de l'obstacle. Le diagnostic se doit d'être précoce car la polyurie osmotique qui apparaît est parfois majeure avec un volume supérieur à un litre par heure, engageant le pronostic vital du patient.

La prise en charge consiste en une réhydratation intraveineuse en compensant les entrées aux sorties.

Hématurie a vacuo

En cas de vidange vésicale trop rapide, il peut survenir une hématurie macroscopique, appelée hématurie a vacuo. Cette hématurie est favorisée en cas de troubles de l'hémostase ou de traitements anticoagulants.

Il est conseillé de réaliser une vidange vésicale progressive et de clamper la sonde 15 minutes tous les 500 mL.

L’hématurie à vacuo mérite d’être explorée (cystoscopie souple + Uro-TDM).

Vessie claquée

La distension détrusorienne aboutit à un claquage musculaire, la vessie perd ses capacités contractiles. C'est la raison pour laquelle il peut être nécessaire d'attendre quelques jours à quelques semaines avant de tenter d'enlever une sonde à demeure.

L’altération de la paroi vésicale pouvant aboutir au développement de diverticules vésicaux.