- Dermatologie
- UE 4
- Item 114
Important
Prurit
Argumenter les PRINCIPALES HYPOTHÈSES DIAGNOSTIQUE et justifier les EXAMENS COMPLÉMENTAIRES PERTINENTS
Argumenter l’ATTITUDE THÉRAPEUTIQUE et planifier le SUIVI DU PATIENT
GéNéRALITéS
Définition
- SIGNE FONCTIONNEL défini comme «une sensation qui provoque le besoin de se gratter» / localisé ou généralisé / chronique si évolue depuis au moins 1 mois
- SIGNE SUBJECTIF / atteinte cutanée + certaines muqueuses ou semi-muqueuses
- PRURIT « PHYSIOLOGIQUE » : phénomène discret / + important le soir ou quand dévêtu
- Il est pathologique quand il induit des lésions de grattages (ou incite à consulter)
Physiopathologie
Mécanisme encore mal compris qui associe :
- MÉDIATEURS CHIMIQUES (dont histamine++)
- SYSTÈME NERVEUX PÉRIPHÉRIQUE ET CENTRAL (fibres C)
- ORIGINE LE + SOUVENT CUTANÉE / avec gate control à tous les niveaux
ORIENTATION DIAGNOSTIQUE
EXAMEN CLINIQUE
Interrogatoire
- TERRAIN : dermatose connue / hépatopathie / hémopathie / profession
- PRISES : médicamenteuse / éthylisme chronique (cholestase)
- ANAMNÈSE : horaire et circonstances de survenue / contage / voyage récent / éventuel caractère collectif du prurit
- SIGNES FONCTIONNELS
- Caractériser le prurit : topographie (diffus ou localisé) / facteurs déclenchant ou aggravant ou apaisant /sévérité (insomnie, troubles du comportement, qualité de vie…) / évolution (aiguë, paroxystique, chronique)
- Rechercher des signes associés : ictère / fièvre / altération de l’état général
Examen physique
- EXAMEN CORPS ENTIER / patient dénudé
- DIAGNOSTIC POSITIF = recherche de lésions de grattage ± compliquées
- ORIENTATION ÉTIOLOGIQUE CLINIQUE
- DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS : dysesthésies / paresthésies / douleur
- Excoriations et stries linéaires / voire ulcérations
- Prurigo: papulo-vésicules érythémateuses ou papules excoriées ou croûteuses, nodules
- Lichénification (aspect quadrillés et épaissi, grisâtre, recouverte de fines squames dessinant un quadrillage) / lésions « en coup d’ongle »
- Lésions de surinfection +++ : impétiginisation / pyodermite
- Recherche d’une lésion élémentaire d’une dermatose prurigineuse
- Si absence de dermatose: recherche d’une cause générale de prurit
- Urticaire = papules érythémato-œdémateuses / mobiles/ fugaces
- Eczéma=lésions érythémato-vésiculeuses/ contours émiettés/ suintante
- Gale = sillons scabieux / vésicules perlées / nodules scabieux
- Dermatophytie = lésions érythémato-squameuses / bordure active
- Psoriasis = plaques érythémato-squameuses / bien limitées
- Hémopathie : aires ganglionnaires (adénopathies) / altération de l’état général
- Cholestase : ictère / d’hépatomégalie
EXAMENS COMPLéMENTAIRES
Indication
PAS SYSTÉMATIQUE : seulement si pas de cause retrouvée à l’examen. Cliniquement, on recherche : dermatose / prise médicamenteuse
Bilan de 1ère intention
Phosphatases alcalines / GGT (recherche de cholestase)NFS / radiographie de thorax (Hodgkin)Créatinine (insuffisance rénale) / TSH (dysthyroïdie) Echographie abdominale (dilatation des voies biliaires)Sérologies VIH, VHB, VHC (après accord du patient)
Bilan de 2nde intention
Examen parasitologique des selles / ferritinémie Biopsie cutanée avec examen en immunofluorescence / anticorps anti-épiderme...
Diagnostic étiologique
Prurit diffus avec lésions dermatologiques spécifiques
Urticaire et dermographisme / mastocytose
- LÉSION : papules œdémateuses rosées, fugaces, migratrices, récidivantes
- DERMOGRAPHISME : strie urticarienne induite par le grattage / mis en évidence par le frottement de la peau avec une pointe mousse
- PRISE EN CHARGE : la même que pour l’urticaire
Eczéma
- LÉSION : placards érythémato-vésiculeux d’extension progressive
- Parfois secondaire à un contact avec un allergène ou constitutionnel (dermatite atopique)
Ectoparasitoses
- GALE : prurit à recrudescence nocturne épargnant le visage / topographie caractéristique / présence de sillons scabieux
- Pédiculose corporelle des vagabonds
Psoriasis
PRURIT CHEZ PLUS DE 50% DES PATIENTS / remaniées par grattage
Lichen plan
- LÉSION : papules de couleur brunâtre ou violine / recouvertes de petites stries blanchâtres en réseau / prédominent en face antérieure des poignets, avant-bras, coudes, genoux, région lombaire / symétrique
- BIOPSIE CUTANÉE : infiltrat cellulaire dermique superficiel caractéristique
- Association à des lésions muqueuses possible (buccales : plaques leucokératosiques réticulées endo-jugales) / non prurigineuses pour lésions muqueuses
Dermatoses bulleuses auto-immunes (pemphigoïde, dermatite herpétiforme)
PRURIT FRÉQUENT / souvent sévère / précède parfois les lésions cutanées pseudo-urticariennes et bulleuses (pemphigoïde), vésicules ou bulleuses (dermatite herpétiforme)
Mycosis fongoïde
- LYMPHOME CUTANÉ T ÉPIDERMOTROPE / chez le sujet âgé ++
- LÉSIONS en placards érythémateux et squameux, prurigineux
- EVOLUTION : infiltration de la peau avec des squames peu épaisses, un prurit important et insomniant
- SYNDROME DE SÉRAZY : forme érythrodermique et leucémique du mycosis fongoïde
Dermatites de contact (caustique, irritatives, allergiques) / dermatophytes
Prurit diffus sans lésions cutanées spécifiques = sine materia
+ rares que les prurits dermatologiques Recherche d’affection générale, puis recourir aux examens complémentaires d’orientation en l’absence d’orientation
Cholestase
- Intra-hépatiques ou extra-hépatiques / avec ou sans ictère / prurit souvent intense et insomniant dans les ictères obstructifs par cancer des voies biliaires ou cancer du pancréas
- Prurit souvent révélateur dans cirrhose biliaire primitive
Insuffisance rénale chronique
Rarement prurit révélateur / très fréquent chez les hémodialysés
Mais pas de prurit dans l’insuffisance rénale aiguë
Hémopathies
- LYMPHOMES : tout prurit nu et chronique chez un adulte jeune est une maladie de Hodgkin jusqu’à preuve du contraire.
› PRURIT FRÉQUENT, de pronostic défavorable, parallèle à l’évolution de la maladie
- MALADIE DE VAQUEZ : prurit après contact de l’eau surtout en bain chaud
- + RAREMENT : leucémie lymphoïde chronique / anémie ferriprive…
Endocrinopathies
- HYPERTHYROÏDIE (surtout si Basedow)
- HYPOTHYROÏDIE (prurit probablement dû à la sécheresse cutanée)
On ne retrouve pas de prurit dans l’hyperuricémie, la goutte ou le diabète (on peut avoir des paresthésies dans le diabète)
Médicaments
MÉCANISMES : direct (comme les opiacés) / par cholestase / allergique
Infections
- PARASITOSES INTESTINALES avec migration tissulaire et hyperéosinophilie : cysticercose, hydatidose, échinococcose, anguillulose, distomatose
- En France, on peut voir : ascaridiose, toxocarose, trichinose
- ± éruptions fugaces, non spécifiques (papules urticariennes, lésions eczématiformes..)
Paranéoplasique
Très exceptionnel (ne pas rechercher de cancer si prurit inexpliqué)
SIDA / carences vitaminiques ou martiale / grossesse
Prurit psychogène
- Diagnostic d’élimination / à différencier du prurit idiopathique
- Pathologie psychiatrique associée ou évènements stressants déclenchants
- Efficacité du traitement psychiatrique sur le prurit = argument fort en faveur d’une origine psychogène
- Dont le syndrome d’Eckbaum (délire d’infestation par les parasites)
Facteurs d’environnement
= plutôt des facteurs aggravants
- AGENTS IRRITANTS : agents végétaux / laine de verre / produits caustiques (antiseptique mal rincé…)
- PRURIT AQUAGÉNIQUE : survient immédiatement après contact avec de l’eau quelle que soit sa température, sans aucune autre manifestation cutanée que le prurit
- SÉCHERESSE DE LA PEAU (xérose) : facteur favorisant fréquent, chez le sujet âgé ++
- ENVIRONNEMENT NATUREL : variations de température, d’humidité…
- AUTRES CAUSES : maladies du système nerveux central (lésions cérébrales, médullaires...)
Prurit localisé
Mycoses
Candidoses / dermatophytoses très souvent accompagnées de prurit associé aux lésions
Parasitoses
- ECTOPARASITOSES : prurit localisé avec ou sans lésion élémentaire
- NUQUE OU CUIR CHEVELU : poux ++ (enfant, sans domicile fixe)
- PRURIT GÉNÉRALISÉ ± familial, augmentant le soir, avec prédominance de lésions non spécifiques (croûtes, excoriations, vésicules...) / sur les espaces interdigitaux, les poignets, les emmanchures antérieures, les mamelons ou les organes génitaux externes › évoquer la gale ++
- HELMINTHIASES TROPICALES : après séjour en pays d’endémie / ± hyperéosinophilie associée / en cause : loase, onchocercose, filariose lymphatique, bilharziose, syndrome de larva migrans cutanée (éruption mobile sur des zones cutanées en contact avec le sol : mains, pieds, fesses)
- PARASITOSES AUTOCHTONES : dermatite des nageurs › macules érythémateuses prurigineuses et disséminées dans les heures suivant un bain en étang (par parasite d’oiseaux : puces de canards..) ou en mer, disparaît en quelques jours
Piqûres d’insectes et par végétaux
Cause fréquente et banale / associé à lésions urticariennes, parfois centrées par un point purpurique ou nécrotique / par des orties, moustiques, puces, punaises…
Prurit du cuir chevelu
- Rechercher une PÉDICULOSE +++
- AUTRES CAUSES : Intolérance aux produits cosmétiques et capillaires / état pelliculaire simple / psoriasis et dermatite séborrhéique / névrodermite (lichénification de nuque)
Prurit sur terrains particuliers
Grossesse
- CHOLESTASE INTRAHÉPATIQUE DE LA GROSSESSE : prurit généralisé, sévère, nu
- Dermatoses bulleuses auto-immunes spécifiques de la grossesse (pemphigoïde de la grossesse, éruption polymorphe de la grossesse…)
Sujet âgé
- PRURIT « SÉNILE » FRÉQUENT : par modifications physiologiques liées au vieillissement de la peau et des terminaisons nerveuses / prurit particulier par son intensité et caractère parfois insomniant (contraste avec la discrétion des lésions cutanées)
- RETENTISSEMENT PSYCHIQUE parfois très important (dépression)
Infection à VIH
- Signe fréquent dans le SIDA / isolé ou accompagné d’une éruption papuleuse
- Parfois signe révélateur
TRAITEMENT
Prise en charge
En ambulatoire
éducation du patients / mesures hygiéno-diététiques +++
- Arrêt de tout médicament potentiellement prurigineux si possible
- EVITER LES FACTEURS IRRITANTS : pas de laine / porter des vêtements amples / pas de dermocorticoïdes, de savons parfumés ou acides
- Couper les ongles court / hygiène des mains (éviter surinfections)
Traitement symptomatique
- Bonne hygrométrie ambiante
- DERMOCORTICOÏDES : utiles pour les lésions de grattage / inutile si prurit isolé
- ANTIHISTAMINIQUES: antihistaminiques H1 (cétirizine / hydroxyzine / doxépine) / utile lorsque le prurit est médié par l’histamine (urticaire..) mais pas antiprurigineux / + action psychotrope (réduit le retentissement sur le sommeil)
- SI XÉROSE CUTANÉE : émollients (cérat de Galien, cold-cream) / savons surgras
- SI CHOLESTASE CHRONIQUE : cholestyramine (Questran®) / rifampicine
- A discuter SI PRURIT REBELLE : photothérapie / crénothérapie/ techniques de relaxation…
Traitement étiologique
Le traitement du prurit est celui de sa cause: traitement d’une dermatose…
Mesures associées
SI LÉSIONS DE GRATTAGE : rappel de vaccination antitétanique ± sérothérapie
Surveillance
CLINIQUE : évolution / retentissement socio-psychologique