- Hépato-Gastro-Entérologie
- UE 11
- Item 354
Important
Pancréatite aiguë
Définition et incidence
Il s’agit d’une inflammation aiguë du pancréas
Incidence de 30/100000 chez l’Homme en France.
- 2 FORMES : pancréatite aiguë bénigne = œdémateuse
- NÉCROSANTE --> potentiellement grave
Les deux causes principales sont la pancréatite aiguë biliaire et alcoolique.
Diagnostic positif
Clinique
- DOULEUR ABDOMINALE
- VOMISSEMENTS ALIMENTAIRES PUIS BILIEUX
- ILÉUS RÉFLEXE
- Épigastrique +++ ou HCD ou diffuse
- Transfixiante
- Début progressif puis aggravation rapide
- Prolongée, se termine lentement
- Irradiation dorsale avec inhibition respiratoire
- Position antalgique en chien de fusil (caractéristique)
- Intensité +++ volontiers résistante aux antalgiques de paliers 1 et 2
L’examen clinique est variable selon la sévérité, toujours penser à rechercher des signes de défaillance viscérale : polypnée, signes de déshydratation extracellulaire, hypotension, tachycardie, désorientation…
Biologie
La lipase doit toujours être dosée, abandonner le dosage d’amylase. L’élévation de la lipase est fugace et précoce.
Si douleur typique + lipase > 3N : diagnostic retenu.
Attention ! Si la lipase est dosée 48h après le début des douleurs, elle peut être < à 3N.
On peut également doser la lipase dans les épanchements pleuraux et péritonéaux, si l’élévation est importante, on peut suspecter une fistule pancréatique.
Imagerie
Aucun examen d’imagerie n’est nécessaire pour le diagnostic positif qui est fait sur la clinique et l’élévation de la lipase. En revanche :
- Si doute : scanner injecté si possible ou sans injection
- ÉCHOGRAPHIE ABDOMINALE à réaliser très rapidement et systématiquement pour évaluer l’origine biliaire de la pancréatite
- SCANNER INJECTÉ entre 48 et 72h
- Aucun intérêt de l’ASP
Diagnostic de gravité
Dans 70 à 80% des cas, la pancréatite est bénigne et le patient peut être hospitalisé en service de médecine.
Dans 20 à 30 % : pancréatite grave avec hospitalisation en soins continus voire soins intensifs.
Clinique
Formes graves immédiates
Si défaillance viscérale au stade initial de la poussée : forme grave d’emblée.
Il peut s’agir :
- D’UNE DÉTRESSE RESPIRATOIRE
- D’UN CHOC
- D’UNE OLIGO-ANURIE
Les défaillances viscérales sont dues à un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) intense.
Pour rappel, le SIRS est défini par au moins 2 des conditions suivantes :
- T° > 38 ou < 36 °C
- FC > 90 battements/min
- FR > 20 cycles/min ou PaCO2 > 32 mmHg
- Leucocytose > 12000 ou < 4000 ou présence de > 10% de formes immatures circulantes
Le SDRA est un œdème lésionnel +/- épanchement pleural réactionnel.
- RADIO : opacités alvéolaires diffuses avec poumons blancs au max
- HYPOXÉMIE souvent sans manifestation clinique
- TRAITEMENT : ventilation en pression expiratoire positive
Insuffisance rénale :75% fonctionnelle (hypovolémie) et 25% organique (NTA)C’est un facteur pronostique péjoratif
Complications infectieuses
Ces complications ne surviennent jamais au cours d’une PA œdémateuse.
Il s’agit de la surinfection de coulées de nécrose, par translocation microbienne.
Elle est responsable de 50 à 80% de décès.
À noter que les abcès surviennent jusqu’à 4 semaines après le début de la PA.
Elle est suspectée devant une aggravation clinique et des paramètres biologiques altérés.
Si présence de bulles d’air dans les coulées de nécrose : infection par germes anaérobies.
En général on réalise une ponction guidée par échographie ou scanner, avec mise en culture. Le diagnostic est tout de même souvent probabiliste.
Autres complications
Rares, mais potentiellement létales :
- PSEUDO-ANÉVRYSME PAR ÉROSION ARTÉRIELLE
- RUPTURE D’UN ORGANE CREUX
- ULCÈRE DE STRESS
- FISTULE INTERNE AVEC ÉPANCHEMENT PÉRITONÉAL
- CIVD
- MANIFESTATIONS NEURO-PSYCHIATRIQUES (encéphalopathie pancréatique) : désorientation temporo-spatiale, confusion… (À distinguer du sevrage alcoolique)
- MALADIE DE WEBER-CHRISTIAN : tuméfactions sous-cutanées diffuses, atteintes articulaires : cytostéatonécrose systémique.
Complications tardives
La complication essentielle est l’apparition de pseudo-kystes.
C’est une organisation et une liquéfaction des foyers de nécrose. Ils apparaissent en moyenne en 4 semaines (5j à 6 semaines).
Peuvent être asymptomatiques ou provoquer des douleurs.
Peuvent disparaître ou entraîner des complications :
- SURINFECTION
- RUPTURE
- HÉMORRAGIE
- COMPRESSION DES ORGANES DE VOISINAGE
Biologie et scores clinico-biologiques de gravité
De nombreux scores ont été utilisés pour classer les pancréatites aiguës.
Aujourd’hui, le score de Ranson doit être abandonné. On utilise :
- CRP : PA grave si > 150 à partir de J2
- SCORE SIRS (cf. supra) : si persistance au-delà de 48h, prédit une défaillance viscérale et la mortalité.
- SCORE APACHE II : utilisé seulement dans un contexte de réanimation
- OBÉSITÉ : facteur de risque de gravité
Imagerie
Sert au diagnostic positif mais aussi de gravité
Examen de référence : réalisé à 48-72h
Permet de visualiser :
- les coulées de nécrose extra-pancréatiques
- La nécrose de la glande elle-même
- Les complications
Il permet de calculer le score CTSI (= score de Balthazar simplifié) a connaître +++
SI SCORE > 4 : risque de complications +++
Scanner | |
Stade APancréas normal | 0 pt |
Stade BÉlargissement de la glande | 1 pt |
Stade CInfiltration de la graissePéripancréatique | 2 pts |
Stade DUne coulée de nécrose | 3 pts |
Stade EPlus d'une coulée de nécrose ou présence de bulles au sein du pancréas ou d'une coulée de nécrose | 4 pts |
Scanner avec injection | |
Pas de nécrose | 0 pt |
Nécrose < tiers de la glande | 2 pts |
Nécrose >1/3 et < 1/2 | 4 pts |
Nécrose >1/2 glande | 6 pts |
Total des 2 colonnes (maximum 10 pts)
Points 0 - 3 | 3% mortalité | 8% pancréatite sévère |
Points 4 - 6 | 7% mortalité | 35% pancréatite sévère |
Points 7 - 10 | 17% mortalité | 92% pancréatite sévère |
Diagnostic étiologique
Causes principales : biliaire et alcool.
En faveur de l’origine biliaire :
- Âge > 50 ans
- Sexe féminin
- Surcharge pondérale
- Multiparité
- ATCD familiaux de lithiase biliaire
Si présence d’un calcul vésiculaire au moment de la PA : forte présomption. Surtout si les calculs sont petits et nombreux, et si le canal cystique est large.
Meilleur signe biologique de migration lithiasique : pic d’hyper-transaminasémie très précoce et très transitoire (< 48h).
L’origine biliaire doit être mise en évidence rapidement, pour pouvoir réaliser une cholécystectomie au cours de la même hospitalisation, dans l’idéal avant la réalimentation.
Pour cela, faire une échographie en urgence. En cas de doute, réaliser une écho-endoscopie ou une bili-IRM.
La pancréatite aiguë alcoolique
Correspond dans la très grande majorité des cas à une poussée inaugurale de pancréatite chronique calcifiante.
Il faut souvent un alcoolisme prolongé (>10 ans) et important (>10 verres/j).
Autres causes plus rares
- TUMEUR (ADK comprimant le canal pancréatique, TIPMP)
- HYPERTRIGLYCÉRIDÉMIE
- HYPERCALCÉMIE
- MÉDICAMENTEUSE (furosémide, tétracyclines, chlorothiazide, 6-mercaptopurine…)
- INFECTIEUSE : oreillons, CMV, VIH, hépatite B, entérovirose. (Bactéries et parasites possibles mais rares)
- POST-OPÉRATOIRES (ou post-CPRE)
- POST-TRAUMATIQUES : classique choc sur guidon de vélo, traumatisme abdominal fermé
- AUTO-IMMUNE
- GÉNÉTIQUE
- PANCRÉAS DIVISUM
La recherche des causes autres que biliaire et alcoolique n’a aucun intérêt en urgence puisque il n’y a pas de traitement.
Diagnostic différentiel
- Ulcère perforé
- Infarctus du mésentère
- Péritonite biliaire
- IDM surtout inférieur
- Rupture d’anévrisme de l’aorte abdominale
Principe de traitement
Le traitement est symptomatique, pas de traitement spécifique. Le traitement est différent si la pancréatite est bénigne ou sévère.
Pancréatite aiguë bénigne
- Hospitalisation en unité simple
- Mise à jeun stricte
- Rééquilibration hydro-électrolytique
- Antalgiques de niveau adapté
- SNG si vomissements incoercibles (rare)
- Réalimentation orale classique après disparition des douleurs, des vomissements et reprise du transit (dans les 10 jours).
Pancréatite aiguë sévère
- Hospitalisation en soins continus si risque d’évolution sévère ou en réanimation si défaillance viscérale
- Mise à jeun stricte
- Antalgiques
- SNG en aspiration si vomissements
- Cathéter central pour rééquilibration hydro-électrolytique
- IPP si défaillance viscérale en prévention de l’ulcère de stress
- Nutrition artificielle le plus tôt possible, entérale +++ pour prévenir la translocation bactérienne
- Traitement des défaillances viscérales
- Surveillance renforcée
A noter qu’il n’y a pas d’indication à une antibiothérapie préventive.
Traitement de la cause
Doit être cherchée dès la prise en charge initiale.
- SI PANCRÉATITE ALCOOLIQUE : sevrage, prise en charge addictologique
- PANCRÉATITE BILIAIRE : cholécystectomie le plus rapidement possible, au cours de la même hospitalisation si possible. Si angiocholite associée, une sphinctérotomie endoscopique est indiquée.
- LES AUTRES CAUSES NÉCESSITENT DES TRAITEMENTS ADAPTÉS.