- Médecine interne
- UE 7
- Item 191
Important
Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des anti-phospholipides
Généralités
Le lupus systémique est une maladie auto-immune, non spécifique d’organe, d’une prévalence proche de 45/100000. Elle touche préférentiellement la femme (sex ratio de 9/1) en période d’activité génitale. On observe une expression plus grave chez les antillaises, les hommes et en cas de début pédiatrique. Plusieurs facteurs de risque et facteurs déclenchants sont suspectés :
- La génétique : concordance entre jumeaux monozygotes de 50% et prévalence augmentée de maladies auto-immunes au sein de certaines familles sont des arguments en faveur d’une prédisposition génétique. Plusieurs gènes en cause sont suspectés : codant le complément, le HLA, ou les récepteurs des immunoglobulines. La majorité des cas répondent à une hypothèse polygénique.
- L’environnement : les UV sont souvent mis en cause, de même que le virus EBV, les œstrogènes (sex ratio), la silice.
- Les médicaments : on citera la carbamazépine, l’inferféron, les anti-TFNa, certains bétabloquants, la minocycline pouvant induire un lupus induit
Les atteintes du lupus systémique
De nombreux organes et systèmes peuvent être atteints au cours du lupus, de façon différée en fonction des poussées. Cependant certains signes sont plus souvent présents au stade initial de la maladie comme les arthrites (69%), le rash malaire (40%), la fièvre (36%) et la photosensibilité (29%).
Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques, défini par l’ACR (American College of Rheumatology) et nécessitant la présence simultanée ou non de 4 signes parmi :
- Le rash malaire
- Le lupus discoïde
- La photosensibilité
- Les ulcérations oropharyngées
- Les arthrites non érosives sur au moins 2 articulations périphériques
- La pleurésie ou péricardite
- La protéinurie >0,5g/j ou la présence de cylindres dans les urines
- Les convulsions ou la psychose
- Une cytopénie persistante sur 2 dosages (anémie hémolytique, leucopénie <4G/L, lymphopénie <1500G/L, thrombopénie <100G/L)
- Un critère immunologique parmi : anti ADN natif, anti Sm, anticoagulant circulant lupique, anticardiolipine, ou sérologie syphilitique (VDRL positif) dissociée persistante 6 mois.
- Un titra anormale (>1/160) d’anti nucléaires sans traitement inducteur.
De nouveaux critères sont proposés (SLICC), intégrant l’alopécie, la multinévrite, la baisse du complément ou le test à l’antiglobuline positif. Ils nécessitent la présence de 4 critères, dont au moins un clinique ou rénal prouvé par biospie et un immunologique.
L’atteinte dermatologique
Les signes cutanés sont fréquents (80%), parmi lesquels
- Des lésions spécifiques du lupus : que l’atteinte soit aiguë, subaiguë ou chronique, l’histologie est identique. L’immunofluorescence révèle également en peau saine des dépôts d’immunoglobuline et de complément (C1q et C3) à la jonction dermoépidermique, ainsi qu’une atrophie des corps muqueux et des infiltrats lymphocytaires. Généralement, ces atteintes s’observent sur les zones photo exposées, du fait de la photosensibilité du lupus.
- Le lupus aigu correspond à une éruption érythémateuse, maculopapuleuse, en masque de loup sur le nez et les pommettes, dit en vespertilio. Elle peut s’étendre sur le décolleté et les doigts et prendre un aspect érosif au niveau des muqueuses. On ne retrouve ni prurit au cours de la poussée, ni séquelles après l’éruption.
- Le lupus subaigu est plus rare, caractérisé par une éruption polycyclique ou annulaire très photosensible, visible sur le tronc et les membres, épargnant le visage. Dans cette situation, les anti-SSA sont fréquemment présents.
- Le lupus chronique comprend plusieurs types de lésions, notamment des lésions de lupus discoïde, faits de plaques érythématosquameuses avec télangiectasies et atrophie séquellaire. Il peut atteindre le visage et les extrémités, et être responsable d’une alopécie définitive. On pourra aussi observer des engelures, une panniculite lupique ou un lupus tumidus.
- D’autres signes sont plus spécifiques d’évènements thrombotiques, liés à des lésions de vascularite ou à un syndrome des antiphospholipides, comme un purpura parfois nécrotique, des ulcères, ou un livedo
L’atteinte rhumatologique
Elle est très fréquente et souvent révélatrice. Il s’agit d’une polyarthrite symétrique bilatérale des petites articulations.
Elle est en règle non érosive, et ne provoque pas de destruction articulaire, contrairement à la polyarthrite rhumatoïde. Le caractère migrateur des douleurs au cours du lupus l’en distingue également. Les déformations observées (rhumatisme de Jaccoud) sont en rapport avec des subluxations articulaires réductibles.
On peut aussi observer des arthrites, des ténosynovites, ou certains effets indésirables de la corticothérapie (rupture tendineuse, ostéonécrose aseptique de hanche et atteinte musculaire)
L’atteinte rénale
C’est l’élément pronostic majeur, du fait de sa potentielle gravité. Elle se révèle généralement dans les premières années de la maladie et doit être régulièrement dépistée par bandelette urinaire. Dans les cas graves, l’évolution vers l’insuffisance terminale signe en général la fin de l’évolutivité de la maladie lupique, avec une accalmie symptomatique. Les récidives après transplantation sont rares.
La ponction biopsie rénale s’impose devant une protéinurie de > 0,5g/j et met en évidence des lésions glomérulaires, à l’origine de la classification en 6 stades :
- Le grade 1 correspond à une atteinte minime du mésangium avec aspect normal mais dépôts en immunofluorescence
- Le grade 2 correspond à une prolifération mésangiale
- Le grade 3 correspond à une glomérulonéphrite proliférative focale atteignant < 50% des glomérules
- Le grade 4 correspond à une glomérulonéphrite proliférative diffuse ( >50% des glomérules). On peut y observer une prolifération et des dépôts endocapillaires sous endothéliaux (wire loops), extracapillaires et parfois mésangiaux, des corps hématoxyliques de Gross (débris nucléaires pathognomoniques en zones de prolifération) et des thrombi intracapillaires avec nécrose fibrinoïde. Il s’agit de l’atteinte la plus sévère avec une survie rénale à 5 ans de 70% seulement.
- Le grade 5 correspond à une glomérulonéphrite extramembraneuse
- Le grade 6 correspond à une sclérose diffuse de >90% des glomérules, sans activité fonctionnelle.
L’atteinte neurologique
On distingue les atteintes centrales et périphériques :
- Les atteintes centrales sont variées : accidents vasculaires ischémiques souvent associés à la présence d’antiphospholipides, atteintes des paires crâniennes, myélites et chorées. On peut aussi retrouver des troubles cognitifs souvent mineurs, des troubles psychotiques ou troubles de l’humeur, et des convulsions, parfois présentes plusieurs années avant le début de la maladie. A l’imagerie, on peut visualiser des lésions aspécifiques de la substance blanche, sous forme d’hypersignaux FLAIR. Le syndrome des antiphospholipides peut être responsable d’une vasculopathie cérébrale thrombotique avec manifestations ischémiques, crises convulsives et chorée devant être distinguées d’une vascularite lupique cérébrale très rare.
- Les atteintes périphériques sont à type de mononeuropathies multiples ou polyradiculonévrites. On peut aussi observer des syndromes myasthéniformes.
L’atteinte cardiovasculaire
Le lupus systémique peut se compliquer de péricardite ou de myocardite, responsable d’insuffisance cardiaque et de troubles du rythme ou de la conduction.
Une valvulopathie nommée endocardite de Libman-Sacks et mise en évidence par l’échographie systématique se caractérise par un épaississement valvulaire.
Elle est fortement associée à la présence d’antiphospholipides. Elle peut se compliquer d’emboles artérielles, de greffe bactérienne ou d’altération hémodynamique.
Le syndrome de Raynaud non compliqué se voit dans 30% des cas. L’hypertension artérielle relève de plusieurs mécanismes (glomérulonéphrite, corticothérapie…). Les évènements thrombotiques doivent faire rechercher des anticorps antiphospholipides.
L’atteinte respiratoire
On peut observer des pleurésies au cours du lupus, la ponction pleurale ramenant alors un liquide exsudatif et riche en lymphocytes. Devant une pleurésie dans ce contexte, il convient d’évoquer la possibilité d’une embolie pulmonaire. D’autres atteintes variées à l’origine d’une toux, de dyspnée voire d’hémoptysies sont possibles. Compte tenu des traitements parfois immunodéprimants, il convient toujours d’éliminer une infection. On peut rarement retrouver une hypoxémie aigue, une pneumopathie interstitielle diffuse ou une bronchiolite oblitérante. L’hypertension artérielle pulmonaire est rare.
Les autres atteintes
Les signes généraux sont fréquents au cours des poussées. Les douleurs abdominales relèvent de mécanismes variés (perforation, thrombose, insuffisance surrénalienne aiguë). On peut retrouver des adénopathies, une splénomégalie et une hépatomégalie devant faire éliminer une hépatite auto-immune. Un syndrome de Gougerot Sjögren est parfois associé.
Les anomalies biologiques au cours du lupus systémique
Au cours du lupus, on peut observer une élévation de la vitesse de sédimentation en partie due à l’hypergammaglobulinémie, sans élévation de la CRP. Si cette dernière s’élève, il faut rechercher une infection associée ou une sérite.
Des cytopénies sont possibles :
- L’anémie est majoritairement inflammatoire ou hémolytique auto-immune. Dans ce dernier cas, le test à l’antiglobuline est positif de type IgG et complément et
répond à la corticothérapie. D’autres causes plus rares sont possibles comme l’insuffisance rénale, l’érythroblastopénie, la carence martiale…
- La leucopénie porte sur les lymphocytes T et reste modérée. La neutropénie est plus rare.
- La thrombopénie d’origine périphérique peut être responsable de purpura ou d’hémorragie. Elle est fréquente et modérée au cours du syndrome des antiphospholipides.
L’hypocomplémentie est fréquente au cours du lupus et s’explique de deux façons :
- Par consommation du complément lors des poussées, caractérisée par une baisse du CH50 et du C4 et C3 et souvent associée aux atteintes rénales graves. Elle est expliquée par l’activation induite par les complexes immuns.
- Par déficit congénital, plus fréquent au cours du lupus, et faussant les dosages au cours du suivi de la maladie.
Parmi les anomalies spécifiques on recherche :
- Des anticorps antinucléaires : très sensibles, leur absence doit faire remettre le diagnostic en question. On retient comme titre-seuil significatif 1/160. Ils sont cependant peu spécifiques, car retrouvés dans de nombreuses autres maladies. L’immunofluorescence est le plus souvent d’aspect homogène, avec un renforcement périphérique plus spécifique, en rapport avec la présence d’anti ADN natif. La fluorescence mouchetée peut s’observer, mais est alors beaucoup moins spécifique car correspond à la présence d’anticorps dirigés contre les antigènes nucléaires solubles retrouvés dans de nombreuses maladies auto immunes.
- La spécificité de ces anticorps anti nucléaires est un meilleur élément d’orientation, et doit être systématiquement recherchée en cas de recherche d’antinucléaire positive. On retrouve :
- Des anti ADN natif dans 60% des cas, surtout lors des poussées. Ils sont beaucoup plus spécifiques du lupus et donc très intéressants en terme d’argument diagnostic. On les recherche par test ELISA très sensible, par test de Farr prédictif d’une atteinte rénale grave ou par immunofluorescence sur cellules Crithidia luciliae, moins sensible.
- Des anticorps anti antigènes nucléaires solubles parmi lesquels on retrouve :
- Les anti Sm, rares mais très spécifiques du lupus
- Les anti SSA/SSB, plus fréquents dans le lupus néonatal ou subaigu, mais également retrouvés dans le syndrome de Gougerot Sjögren.
- Les anti RNP (ribonucléoprotéines) systématiquement retrouvés dans la connectivite mixte et parfois dans le lupus.
- D’autres anticorps que les anti nucléaires peuvent être détectés : le facteur rhumatoïde (20%) très peu spécifique, les anti hématies, anti plaquettes, anti leucocytes, antiphospholipides…
Les formes cliniques
Le lupus induit correspond à des symptômes de lupus le plus souvent articulaires, pulmonaires et péricardiques, déclenchés par la prise prolongée d’un médicament. Il est associé de manière assez spécifique à la présence d’anti-histones, et à l’absence d’anti ADN natif. On peut citer comme médicaments inducteurs les anti-convulsivants, la minocycline, l’isoniazide, les phénotiazines, la quinidine, certains bétabloquants, les anti-TNFa, l’interféron alpha. Il faut évoquer cette situation chez l’homme et le sujet âgé. La situation des convulsions traitées par anticomitiaux pose le problème du diagnostic différentiel entre lupus induit par anticomitiaux ou crises convulsives révélatrices du lupus. En général, les symptômes régressent après arrêt du traitement en cause.
Les formes associées à d’autres maladies auto immunes sont possibles, et en premier lieu l’association au syndrome de Gougerot Sjögren. Le lupus systémique peut également constituer l’évolution d’une connectivite mixte (syndrome de Sharp) associant syndrome de Raynaud, polyarthrite, doigts boudinés, myalgies et présence d’anti RNP.
La grossesse doit être rigoureusement encadrée et préparée. Des poussées sont observées lors du 3e trimestre et du post partum, et ce d’autant plus que la maladie est évolutive et non contrôlée. On recommande de débuter une grossesse lorsque la maladie est stable depuis 6 mois, sans poussées, et avec une fonction rénale relativement conservée. Plusieurs complications peuvent marquer la grossesse : les fausses couches précoces et tardives souvent liées à la présence d’antiphospholipides, la prématurité, le retard de croissance, la prééclampsie et la mortinatalité accrue. Le lupus néonatal, défini par un bloc auriculoventriculaire néonatal ainsi qu’une éruption cutanée transitoire, est associé à la présence d’anti SSA chez la mère. L’adaptation thérapeutique comprend la poursuite de l’hydroxychloroquine (Plaquénil) et l’association à une faible corticothérapie. En fonction de la présence ou non d’antiphospholipides et d’antécédents thrombotiques on discute soit une antiagrégation par aspirine, soit un traitement par HBPM.
Principes du traitement
Le lupus systémique est devenu une maladie chronique. Elle évolue par poussées, dont la fréquence se réduit après la ménopause ou lors de l’aboutissement de l’atteinte vers l’insuffisance rénale terminale. Elle nécessite une surveillance régulière avec
- NFS, ionogramme sanguin, créatininémie
- Dosage du complément (CH50, C3, C4)
- Anti DNA natif
- Bandelette urinaire
Le pronostic vital s’est amélioré ces dernières années, rejoignant celui de la population générale à 10 ans d’évolution.
Prise en charge à long terme
Il s’agit d’une affection de longue durée (ALD 30), nécessitant une éducation thérapeutique et une information du patient répétée et entretenue. La photoprotection est un élément important, de même que l’arrêt du tabac. La contraception doit être adaptée, évitant les grossesses non préparées. La vaccination anti-pneumocoque et anti-grippe est indispensable sous traitement altérant l’immunité.
Le traitement de fond indispensable au cours du lupus est l’hydroxychloroquine (Plaquénil). Il s’agit d’un antipaludéen de synthèse. La surveillance ophtalmologique est essentielle, du fait de la possibilité de complications rétiniennes après un usage prolongé. Elle repose sur un fond d’œil, un champ visuel et un électrorétinogramme régulier. On note comme autres effets indésirables des troubles digestifs, une photosensibilité, des éruptions cutanées, un aspect mélanodermique des muqueuses... Ce traitement n’est pas tératogène et peut être poursuivi durant la grossesse.
Prise en charge à court et moyen terme
On adapte la thérapeutique en fonction des atteintes
- L’atteinte cutanée et articulaire peut se traiter par hydroxychloroquine et AINS, parfois même par une corticothérapie à faible dose. Dans certaines formes résistantes, l’usage du méthotrexate à faible dose ou du bélimumab (biothérapie anti-BlyS) peut se discuter.
- L’atteinte viscérale nécessite généralement une corticothérapie aux doses de 0,5mg/kg/j à 1mg/kg/j en fonction de la gravité sur les premières semaines, puis progressivement réduites jusqu’à une dose d’entretien proche de 0,1mg/kg/j pour plusieurs années.
- En fonction de la gravité, on peut décider d’un traitement d’attaque par perfusion de bolus de méthylprednisolone (jusque 1g par bolus par jour) sur les trois premiers jours sous contrôle adapté (ionogramme, ECG), et relayé par voie orale à la dose de 1mg/kg/j.
- Les mesures adjuvantes à la corticothérapie comprennent un régime contrôlé en sel et glucides, avec surveillance tensionnelle et biologique, une éventuelle supplémentation potassique, une stratégie préventive de l’ostéoporose, une correction des carences en vitamine D et calcium et une prophylaxie d’une anguillulose maligne chez les sujets à risque.
- L’atteinte viscérale grave, avec atteinte rénale sévère ou neurologique, peut parfois nécessiter l’association à des immunosuppresseurs souvent pour une durée de 2 ans minimum. On peut citer le cyclophosphamide, utilisé en perfusion mensuelle ou tous les 15j, l’azathioprine per os ou le mycophénolate mofétil per os.
- La thrombopénie sévère résistante au traitement de 1e ligne peut être traitée par Ig polyvalentes, Rituximab ou splénectomie en dernier recours.
- La contraception doit être instaurée, du fait de la nécessité d’encadrer une éventuelle grossesse. La contraception oestroprogestative classiquement contre indiquée au cours du lupus a vu ses contre-indications un peu nuancées. Elle pourrait théoriquement être utilisée en l’absence de thrombopénie, d’antiphospholides circulants et d’antécédents thrombotiques. Cependant, on privilégie en général les progestatifs, l’acétate de cytprotérone ou des dispositifs intra-utérins.
Le syndrome des antiphospholipides
Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) se définit par l’association de signes cliniques (thrombotiques ou
obstétricaux) et de signes biologiques par la présence persistante d’anticorps antiphospholipides. On distingue le SAPL
primitif isolé, plus fréquent chez la femme (sex ratio 4/1) du SAPL secondaire, associé à d’autres maladies, dont le lupus systémique au cours duquel on relève jusqu’à 20% de SAPL simultané.
Diagnostic du SAPL
Les symptômes sont dominés par les évènements thrombotiques, pouvant concerner tous les types de vaisseaux, et les évènements obstétricaux.
- Les thromboses : elles peuvent concerner les veines, les artères et toutes les tailles de vaisseaux. La localisation est souvent atypique, et les évènements récidivants sans facteur déclenchant nécessairement retrouvé. On observe également des embolies pulmonaires.
- L’atteinte neurologique : elle concerne surtout le système nerveux central (AVC, démence vasculaire, thrombophlébites cérébrales, chorées, convulsions)
- L’atteinte cardiaque est dominée par l’endocardite de Libman Sacks, caractérisée par un épaississement valvulaire parfois responsable de complications emboliques, infectieuses ou d’insuffisance cardiaque tardive. On peut également observer des infarctus du myocarde sur atteinte coronaire ou une atteinte de la microcirculation cardiaque (myocardiopathie ischémique).
- L’atteinte cutanée comprend la présence de livedo racemosa a grandes mailles irrégulières ouvertes, des ulcères, des hémorragies sous unguéales (retrouvées également dans l’endocardite), des nécroses cutanées.
- L’atteinte rénale peut se voir à tous les niveaux : l’atteinte des artères glomérulaires est souvent asymptomatique, mais elle peut également toucher les artères rénales. Le SAPL peut être responsable d’une microangiopathie thrombotique grave, entrant parfois dans le cadre d’un syndrome catastrophique des antiphospholipides.
- L’atteinte pulmonaire comprend les embolies pulmonaires, les hémorragies intra-alvéolaires par atteinte des capillaires, et l’hypertension pulmonaire séquellaire de thromboses répétées.
- L’atteinte digestive va de l’atteinte hépatique avec par exemple le syndrome de Budd-Chiari -conséquence d’une thrombose des veines sus hépatiques- aux évènements ischémiques intestinaux.
- L’atteinte surrénalienne peut être due à une nécrose hémorragique bilatérale des surrénales, responsable d’une insuffisance surrénalienne aiguë
- L’atteinte oculaire peut correspondre à une thrombose de l’artère ophtalmique ou à une neuropathie optique ischémique antérieure aigue dans le cadre d’un SAPL, responsable de baisse de l’acuité visuelle parfois définitive.
Les signes biologiques comprennent :
- Une thrombopénie fréquente mais modérée
- Une anémie
- La présence d’anticorps antiphospholipides
- Une sérologie syphilitique dissociée persistante avec un VDRL positif et TPHA négatif est un argument évocateur bien que non retenu dans la définition du consensus international.
- Les anticoagulants circulants (ACC) : l’allongement du TCA est évocateur s’il n’est pas corrigé par le plasma témoin mais neutralisé par l’excès de phospholipides.
- Les anti béta 2 glycoprotéine 1 (b2Gp1)
- Les anti cardiolipines
Un consensus international définit des critères diagnostics : ainsi, pour parler de syndrome des anti-phospholipides, est nécessaire l’association d’un critère clinique confirmé par la biopsie ou l’imagerie et d’un biologique confirmé à 3 mois :
- Un critère clinique parmi
- Thrombose vasculaire artérielle, veineuse ou capillaire confirmée par l’imagerie ou l’anatomopathologie montrant une thrombose sans inflammation vasculaire associée
- Une mort fœtale inexpliquée après la 10e semaine d’aménorrhée, d’un fœtus morphologiquement normal (échographie ou macroscopie)
- Une naissance prématurée avant 34 semaines d’aménorrhée d’un fœtus de morphologie normale suite à une éclampsie, pré éclampsie sévère ou insuffisance placentaire prouvée
- Au moins trois fausses couches consécutives inexpliquées avant 10 semaines d’aménorrhée, sans anomalie anatomique ou hormonale maternelle ni chromosomique parentale.
- Un critère biologique mis en évidence sur 2 dosages à 12 semaines d’intervalle parmi
- Les anticoagulant circulant lupique (ACC)
- Les anti-cardiolipines
- Les anti-béta2glycoprotéine1 (b2gp1)
De nombreuses situations peuvent induire la présence d’anticorps anti phospholipides, il convient de les éliminer avant de conclure :
- Des médicaments : phénothiazines, phénytoïne, quinine, interféron alpha, béta bloquant, œstrogènes, anti TNFa…
- Des situations pathologiques : néoplasie, hémopathie, insuffisance rénale, sarcoïdose, artérite à cellules géantes, colite inflammatoire, hépatopathie, infection VIH, VHC.
Formes cliniques particulières
Le SAPL à expression purement obstétricale est souvent plus à risque de thrombose artérielle par la suite.
Le syndrome catastrophique des anticorps antiphospholipides doit être cité pour sa gravité. Il est défini par l’association d’une atteinte de trois systèmes ou organes (défaillance multiviscérale) en moins d’une semaine, avec confirmation histologique de la thrombose sans inflammation vasculaire mais présence d’antiphospholipides circulants. Ce syndrome atteint majoritairement la microcirculation et peut être inaugural de la maladie. On retrouve parfois un facteur déclenchant, comme un arrêt de l’anticoagulation ou une altération endothéliale : chirurgie, geste endovasculaire...
Traitement du SAPL
La prévention des récidives thrombotiques repose sur l’anticoagulation très prolongée, voire à vie si récidive. Elle repose sur la prescription d’anti vitamine K avec un objectif d’INR à 2,5, voire 3,5 en cas de récidives non contrôlées. On peut discuter l’ajout d’une antiagrégation en cas de récidive sous anticoagulant.
La grossesse fait discuter l’usage d’antiagrégant en présence d’anticorps isolé sans antécédents cliniques, ou d’HBPM en cas d’antécédent clinique. On peut également associer ces deux thérapeutiques en fonction des cas.
Généralités
Le lupus systémique est une maladie auto-immune, non spécifique d’organe, d’une prévalence proche de 45/100000. Elle touche préférentiellement la femme (sex ratio de 9/1) en période d’activité génitale. On observe une expression plus grave chez les antillaises, les hommes et en cas de début pédiatrique. Plusieurs facteurs de risque et facteurs déclenchants sont suspectés :
- La génétique : concordance entre jumeaux monozygotes de 50% et prévalence augmentée de maladies auto-immunes au sein de certaines familles sont des arguments en faveur d’une prédisposition génétique. Plusieurs gènes en cause sont suspectés : codant le complément, le HLA, ou les récepteurs des immunoglobulines. La majorité des cas répondent à une hypothèse polygénique.
- L’environnement : les UV sont souvent mis en cause, de même que le virus EBV, les œstrogènes (sex ratio), la silice.
- Les médicaments : on citera la carbamazépine, l’inferféron, les anti-TFNa, certains bétabloquants, la minocycline pouvant induire un lupus induit
Les atteintes du lupus systémique
De nombreux organes et systèmes peuvent être atteints au cours du lupus, de façon différée en fonction des poussées. Cependant certains signes sont plus souvent présents au stade initial de la maladie comme les arthrites (69%), le rash malaire (40%), la fièvre (36%) et la photosensibilité (29%).
Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques, défini par l’ACR (American College of Rheumatology) et nécessitant la présence simultanée ou non de 4 signes parmi :
- Le rash malaire
- Le lupus discoïde
- La photosensibilité
- Les ulcérations oropharyngées
- Les arthrites non érosives sur au moins 2 articulations périphériques
- La pleurésie ou péricardite
- La protéinurie >0,5g/j ou la présence de cylindres dans les urines
- Les convulsions ou la psychose
- Une cytopénie persistante sur 2 dosages (anémie hémolytique, leucopénie <4G/L, lymphopénie <1500G/L, thrombopénie <100G/L)
- Un critère immunologique parmi : anti ADN natif, anti Sm, anticoagulant circulant lupique, anticardiolipine, ou sérologie syphilitique (VDRL positif) dissociée persistante 6 mois.
- Un titra anormale (>1/160) d’anti nucléaires sans traitement inducteur.
De nouveaux critères sont proposés (SLICC), intégrant l’alopécie, la multinévrite, la baisse du complément ou le test à l’antiglobuline positif. Ils nécessitent la présence de 4 critères, dont au moins un clinique ou rénal prouvé par biospie et un immunologique.
L’atteinte dermatologique
Les signes cutanés sont fréquents (80%), parmi lesquels
- Des lésions spécifiques du lupus : que l’atteinte soit aiguë, subaiguë ou chronique, l’histologie est identique. L’immunofluorescence révèle également en peau saine des dépôts d’immunoglobuline et de complément (C1q et C3) à la jonction dermoépidermique, ainsi qu’une atrophie des corps muqueux et des infiltrats lymphocytaires. Généralement, ces atteintes s’observent sur les zones photo exposées, du fait de la photosensibilité du lupus.
- Le lupus aigu correspond à une éruption érythémateuse, maculopapuleuse, en masque de loup sur le nez et les pommettes, dit en vespertilio. Elle peut s’étendre sur le décolleté et les doigts et prendre un aspect érosif au niveau des muqueuses. On ne retrouve ni prurit au cours de la poussée, ni séquelles après l’éruption.
- Le lupus subaigu est plus rare, caractérisé par une éruption polycyclique ou annulaire très photosensible, visible sur le tronc et les membres, épargnant le visage. Dans cette situation, les anti-SSA sont fréquemment présents.
- Le lupus chronique comprend plusieurs types de lésions, notamment des lésions de lupus discoïde, faits de plaques érythématosquameuses avec télangiectasies et atrophie séquellaire. Il peut atteindre le visage et les extrémités, et être responsable d’une alopécie définitive. On pourra aussi observer des engelures, une panniculite lupique ou un lupus tumidus.
- D’autres signes sont plus spécifiques d’évènements thrombotiques, liés à des lésions de vascularite ou à un syndrome des antiphospholipides, comme un purpura parfois nécrotique, des ulcères, ou un livedo
L’atteinte rhumatologique
Elle est très fréquente et souvent révélatrice. Il s’agit d’une polyarthrite symétrique bilatérale des petites articulations.
Elle est en règle non érosive, et ne provoque pas de destruction articulaire, contrairement à la polyarthrite rhumatoïde. Le caractère migrateur des douleurs au cours du lupus l’en distingue également. Les déformations observées (rhumatisme de Jaccoud) sont en rapport avec des subluxations articulaires réductibles.
On peut aussi observer des arthrites, des ténosynovites, ou certains effets indésirables de la corticothérapie (rupture tendineuse, ostéonécrose aseptique de hanche et atteinte musculaire)
L’atteinte rénale
C’est l’élément pronostic majeur, du fait de sa potentielle gravité. Elle se révèle généralement dans les premières années de la maladie et doit être régulièrement dépistée par bandelette urinaire. Dans les cas graves, l’évolution vers l’insuffisance terminale signe en général la fin de l’évolutivité de la maladie lupique, avec une accalmie symptomatique. Les récidives après transplantation sont rares.
La ponction biopsie rénale s’impose devant une protéinurie de > 0,5g/j et met en évidence des lésions glomérulaires, à l’origine de la classification en 6 stades :
- Le grade 1 correspond à une atteinte minime du mésangium avec aspect normal mais dépôts en immunofluorescence
- Le grade 2 correspond à une prolifération mésangiale
- Le grade 3 correspond à une glomérulonéphrite proliférative focale atteignant < 50% des glomérules
- Le grade 4 correspond à une glomérulonéphrite proliférative diffuse ( >50% des glomérules). On peut y observer une prolifération et des dépôts endocapillaires sous endothéliaux (wire loops), extracapillaires et parfois mésangiaux, des corps hématoxyliques de Gross (débris nucléaires pathognomoniques en zones de prolifération) et des thrombi intracapillaires avec nécrose fibrinoïde. Il s’agit de l’atteinte la plus sévère avec une survie rénale à 5 ans de 70% seulement.
- Le grade 5 correspond à une glomérulonéphrite extramembraneuse
- Le grade 6 correspond à une sclérose diffuse de >90% des glomérules, sans activité fonctionnelle.
L’atteinte neurologique
On distingue les atteintes centrales et périphériques :
- Les atteintes centrales sont variées : accidents vasculaires ischémiques souvent associés à la présence d’antiphospholipides, atteintes des paires crâniennes, myélites et chorées. On peut aussi retrouver des troubles cognitifs souvent mineurs, des troubles psychotiques ou troubles de l’humeur, et des convulsions, parfois présentes plusieurs années avant le début de la maladie. A l’imagerie, on peut visualiser des lésions aspécifiques de la substance blanche, sous forme d’hypersignaux FLAIR. Le syndrome des antiphospholipides peut être responsable d’une vasculopathie cérébrale thrombotique avec manifestations ischémiques, crises convulsives et chorée devant être distinguées d’une vascularite lupique cérébrale très rare.
- Les atteintes périphériques sont à type de mononeuropathies multiples ou polyradiculonévrites. On peut aussi observer des syndromes myasthéniformes.
L’atteinte cardiovasculaire
Le lupus systémique peut se compliquer de péricardite ou de myocardite, responsable d’insuffisance cardiaque et de troubles du rythme ou de la conduction.
Une valvulopathie nommée endocardite de Libman-Sacks et mise en évidence par l’échographie systématique se caractérise par un épaississement valvulaire.
Elle est fortement associée à la présence d’antiphospholipides. Elle peut se compliquer d’emboles artérielles, de greffe bactérienne ou d’altération hémodynamique.
Le syndrome de Raynaud non compliqué se voit dans 30% des cas. L’hypertension artérielle relève de plusieurs mécanismes (glomérulonéphrite, corticothérapie…). Les évènements thrombotiques doivent faire rechercher des anticorps antiphospholipides.
L’atteinte respiratoire
On peut observer des pleurésies au cours du lupus, la ponction pleurale ramenant alors un liquide exsudatif et riche en lymphocytes. Devant une pleurésie dans ce contexte, il convient d’évoquer la possibilité d’une embolie pulmonaire. D’autres atteintes variées à l’origine d’une toux, de dyspnée voire d’hémoptysies sont possibles. Compte tenu des traitements parfois immunodéprimants, il convient toujours d’éliminer une infection. On peut rarement retrouver une hypoxémie aigue, une pneumopathie interstitielle diffuse ou une bronchiolite oblitérante. L’hypertension artérielle pulmonaire est rare.
Les autres atteintes
Les signes généraux sont fréquents au cours des poussées. Les douleurs abdominales relèvent de mécanismes variés (perforation, thrombose, insuffisance surrénalienne aiguë). On peut retrouver des adénopathies, une splénomégalie et une hépatomégalie devant faire éliminer une hépatite auto-immune. Un syndrome de Gougerot Sjögren est parfois associé.
Les anomalies biologiques au cours du lupus systémique
Au cours du lupus, on peut observer une élévation de la vitesse de sédimentation en partie due à l’hypergammaglobulinémie, sans élévation de la CRP. Si cette dernière s’élève, il faut rechercher une infection associée ou une sérite.
Des cytopénies sont possibles :
- L’anémie est majoritairement inflammatoire ou hémolytique auto-immune. Dans ce dernier cas, le test à l’antiglobuline est positif de type IgG et complément et
répond à la corticothérapie. D’autres causes plus rares sont possibles comme l’insuffisance rénale, l’érythroblastopénie, la carence martiale…
- La leucopénie porte sur les lymphocytes T et reste modérée. La neutropénie est plus rare.
- La thrombopénie d’origine périphérique peut être responsable de purpura ou d’hémorragie. Elle est fréquente et modérée au cours du syndrome des antiphospholipides.
L’hypocomplémentie est fréquente au cours du lupus et s’explique de deux façons :
- Par consommation du complément lors des poussées, caractérisée par une baisse du CH50 et du C4 et C3 et souvent associée aux atteintes rénales graves. Elle est expliquée par l’activation induite par les complexes immuns.
- Par déficit congénital, plus fréquent au cours du lupus, et faussant les dosages au cours du suivi de la maladie.
Parmi les anomalies spécifiques on recherche :
- Des anticorps antinucléaires : très sensibles, leur absence doit faire remettre le diagnostic en question. On retient comme titre-seuil significatif 1/160. Ils sont cependant peu spécifiques, car retrouvés dans de nombreuses autres maladies. L’immunofluorescence est le plus souvent d’aspect homogène, avec un renforcement périphérique plus spécifique, en rapport avec la présence d’anti ADN natif. La fluorescence mouchetée peut s’observer, mais est alors beaucoup moins spécifique car correspond à la présence d’anticorps dirigés contre les antigènes nucléaires solubles retrouvés dans de nombreuses maladies auto immunes.
- La spécificité de ces anticorps anti nucléaires est un meilleur élément d’orientation, et doit être systématiquement recherchée en cas de recherche d’antinucléaire positive. On retrouve :
- D’autres anticorps que les anti nucléaires peuvent être détectés : le facteur rhumatoïde (20%) très peu spécifique, les anti hématies, anti plaquettes, anti leucocytes, antiphospholipides…
- Des anti ADN natif dans 60% des cas, surtout lors des poussées. Ils sont beaucoup plus spécifiques du lupus et donc très intéressants en terme d’argument diagnostic. On les recherche par test ELISA très sensible, par test de Farr prédictif d’une atteinte rénale grave ou par immunofluorescence sur cellules Crithidia luciliae, moins sensible.
- Des anticorps anti antigènes nucléaires solubles parmi lesquels on retrouve :
- Les anti Sm, rares mais très spécifiques du lupus
- Les anti SSA/SSB, plus fréquents dans le lupus néonatal ou subaigu, mais également retrouvés dans le syndrome de Gougerot Sjögren.
- Les anti RNP (ribonucléoprotéines) systématiquement retrouvés dans la connectivite mixte et parfois dans le lupus.
Les formes cliniques
Le lupus induit correspond à des symptômes de lupus le plus souvent articulaires, pulmonaires et péricardiques, déclenchés par la prise prolongée d’un médicament. Il est associé de manière assez spécifique à la présence d’anti-histones, et à l’absence d’anti ADN natif. On peut citer comme médicaments inducteurs les anti-convulsivants, la minocycline, l’isoniazide, les phénotiazines, la quinidine, certains bétabloquants, les anti-TNFa, l’interféron alpha. Il faut évoquer cette situation chez l’homme et le sujet âgé. La situation des convulsions traitées par anticomitiaux pose le problème du diagnostic différentiel entre lupus induit par anticomitiaux ou crises convulsives révélatrices du lupus. En général, les symptômes régressent après arrêt du traitement en cause.
Les formes associées à d’autres maladies auto immunes sont possibles, et en premier lieu l’association au syndrome de Gougerot Sjögren. Le lupus systémique peut également constituer l’évolution d’une connectivite mixte (syndrome de Sharp) associant syndrome de Raynaud, polyarthrite, doigts boudinés, myalgies et présence d’anti RNP.
La grossesse doit être rigoureusement encadrée et préparée. Des poussées sont observées lors du 3e trimestre et du post partum, et ce d’autant plus que la maladie est évolutive et non contrôlée. On recommande de débuter une grossesse lorsque la maladie est stable depuis 6 mois, sans poussées, et avec une fonction rénale relativement conservée. Plusieurs complications peuvent marquer la grossesse : les fausses couches précoces et tardives souvent liées à la présence d’antiphospholipides, la prématurité, le retard de croissance, la prééclampsie et la mortinatalité accrue. Le lupus néonatal, défini par un bloc auriculoventriculaire néonatal ainsi qu’une éruption cutanée transitoire, est associé à la présence d’anti SSA chez la mère. L’adaptation thérapeutique comprend la poursuite de l’hydroxychloroquine (Plaquénil) et l’association à une faible corticothérapie. En fonction de la présence ou non d’antiphospholipides et d’antécédents thrombotiques on discute soit une antiagrégation par aspirine, soit un traitement par HBPM.
Principes du traitement
Le lupus systémique est devenu une maladie chronique. Elle évolue par poussées, dont la fréquence se réduit après la ménopause ou lors de l’aboutissement de l’atteinte vers l’insuffisance rénale terminale. Elle nécessite une surveillance régulière avec
- NFS, ionogramme sanguin, créatininémie
- Dosage du complément (CH50, C3, C4)
- Anti DNA natif
- Bandelette urinaire
Le pronostic vital s’est amélioré ces dernières années, rejoignant celui de la population générale à 10 ans d’évolution.
Prise en charge à long terme
Il s’agit d’une affection de longue durée (ALD 30), nécessitant une éducation thérapeutique et une information du patient répétée et entretenue. La photoprotection est un élément important, de même que l’arrêt du tabac. La contraception doit être adaptée, évitant les grossesses non préparées. La vaccination anti-pneumocoque et anti-grippe est indispensable sous traitement altérant l’immunité.
Le traitement de fond indispensable au cours du lupus est l’hydroxychloroquine (Plaquénil). Il s’agit d’un antipaludéen de synthèse. La surveillance ophtalmologique est essentielle, du fait de la possibilité de complications rétiniennes après un usage prolongé. Elle repose sur un fond d’œil, un champ visuel et un électrorétinogramme régulier. On note comme autres effets indésirables des troubles digestifs, une photosensibilité, des éruptions cutanées, un aspect mélanodermique des muqueuses... Ce traitement n’est pas tératogène et peut être poursuivi durant la grossesse.
Prise en charge à court et moyen terme
On adapte la thérapeutique en fonction des atteintes
- L’atteinte cutanée et articulaire peut se traiter par hydroxychloroquine et AINS, parfois même par une corticothérapie à faible dose. Dans certaines formes résistantes, l’usage du méthotrexate à faible dose ou du bélimumab (biothérapie anti-BlyS) peut se discuter.
- L’atteinte viscérale nécessite généralement une corticothérapie aux doses de 0,5mg/kg/j à 1mg/kg/j en fonction de la gravité sur les premières semaines, puis progressivement réduites jusqu’à une dose d’entretien proche de 0,1mg/kg/j pour plusieurs années.
- En fonction de la gravité, on peut décider d’un traitement d’attaque par perfusion de bolus de méthylprednisolone (jusque 1g par bolus par jour) sur les trois premiers jours sous contrôle adapté (ionogramme, ECG), et relayé par voie orale à la dose de 1mg/kg/j.
- Les mesures adjuvantes à la corticothérapie comprennent un régime contrôlé en sel et glucides, avec surveillance tensionnelle et biologique, une éventuelle supplémentation potassique, une stratégie préventive de l’ostéoporose, une correction des carences en vitamine D et calcium et une prophylaxie d’une anguillulose maligne chez les sujets à risque.
- L’atteinte viscérale grave, avec atteinte rénale sévère ou neurologique, peut parfois nécessiter l’association à des immunosuppresseurs souvent pour une durée de 2 ans minimum. On peut citer le cyclophosphamide, utilisé en perfusion mensuelle ou tous les 15j, l’azathioprine per os ou le mycophénolate mofétil per os.
- La thrombopénie sévère résistante au traitement de 1e ligne peut être traitée par Ig polyvalentes, Rituximab ou splénectomie en dernier recours.
- La contraception doit être instaurée, du fait de la nécessité d’encadrer une éventuelle grossesse. La contraception oestroprogestative classiquement contre indiquée au cours du lupus a vu ses contre-indications un peu nuancées. Elle pourrait théoriquement être utilisée en l’absence de thrombopénie, d’antiphospholides circulants et d’antécédents thrombotiques. Cependant, on privilégie en général les progestatifs, l’acétate de cytprotérone ou des dispositifs intra-utérins.
Le syndrome des antiphospholipides
Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) se définit par l’association de signes cliniques (thrombotiques ou
obstétricaux) et de signes biologiques par la présence persistante d’anticorps antiphospholipides. On distingue le SAPL
primitif isolé, plus fréquent chez la femme (sex ratio 4/1) du SAPL secondaire, associé à d’autres maladies, dont le lupus systémique au cours duquel on relève jusqu’à 20% de SAPL simultané.
Diagnostic du SAPL
Les symptômes sont dominés par les évènements thrombotiques, pouvant concerner tous les types de vaisseaux, et les évènements obstétricaux.
- Les thromboses : elles peuvent concerner les veines, les artères et toutes les tailles de vaisseaux. La localisation est souvent atypique, et les évènements récidivants sans facteur déclenchant nécessairement retrouvé. On observe également des embolies pulmonaires.
- L’atteinte neurologique : elle concerne surtout le système nerveux central (AVC, démence vasculaire, thrombophlébites cérébrales, chorées, convulsions)
- L’atteinte cardiaque est dominée par l’endocardite de Libman Sacks, caractérisée par un épaississement valvulaire parfois responsable de complications emboliques, infectieuses ou d’insuffisance cardiaque tardive. On peut également observer des infarctus du myocarde sur atteinte coronaire ou une atteinte de la microcirculation cardiaque (myocardiopathie ischémique).
- L’atteinte cutanée comprend la présence de livedo racemosa a grandes mailles irrégulières ouvertes, des ulcères, des hémorragies sous unguéales (retrouvées également dans l’endocardite), des nécroses cutanées.
- L’atteinte rénale peut se voir à tous les niveaux : l’atteinte des artères glomérulaires est souvent asymptomatique, mais elle peut également toucher les artères rénales. Le SAPL peut être responsable d’une microangiopathie thrombotique grave, entrant parfois dans le cadre d’un syndrome catastrophique des antiphospholipides.
- L’atteinte pulmonaire comprend les embolies pulmonaires, les hémorragies intra-alvéolaires par atteinte des capillaires, et l’hypertension pulmonaire séquellaire de thromboses répétées.
- L’atteinte digestive va de l’atteinte hépatique avec par exemple le syndrome de Budd-Chiari -conséquence d’une thrombose des veines sus hépatiques- aux évènements ischémiques intestinaux.
- L’atteinte surrénalienne peut être due à une nécrose hémorragique bilatérale des surrénales, responsable d’une insuffisance surrénalienne aiguë
- L’atteinte oculaire peut correspondre à une thrombose de l’artère ophtalmique ou à une neuropathie optique ischémique antérieure aigue dans le cadre d’un SAPL, responsable de baisse de l’acuité visuelle parfois définitive.
Les signes biologiques comprennent :
- Une thrombopénie fréquente mais modérée
- Une anémie
- La présence d’anticorps antiphospholipides
- Une sérologie syphilitique dissociée persistante avec un VDRL positif et TPHA négatif est un argument évocateur bien que non retenu dans la définition du consensus international.
- Les anticoagulants circulants (ACC) : l’allongement du TCA est évocateur s’il n’est pas corrigé par le plasma témoin mais neutralisé par l’excès de phospholipides.
- Les anti béta 2 glycoprotéine 1 (b2Gp1)
- Les anti cardiolipines
Un consensus international définit des critères diagnostics : ainsi, pour parler de syndrome des anti-phospholipides, est nécessaire l’association d’un critère clinique confirmé par la biopsie ou l’imagerie et d’un biologique confirmé à 3 mois :
- Un critère clinique parmi
- Thrombose vasculaire artérielle, veineuse ou capillaire confirmée par l’imagerie ou l’anatomopathologie montrant une thrombose sans inflammation vasculaire associée
- Une mort fœtale inexpliquée après la 10e semaine d’aménorrhée, d’un fœtus morphologiquement normal (échographie ou macroscopie)
- Une naissance prématurée avant 34 semaines d’aménorrhée d’un fœtus de morphologie normale suite à une éclampsie, pré éclampsie sévère ou insuffisance placentaire prouvée
- Au moins trois fausses couches consécutives inexpliquées avant 10 semaines d’aménorrhée, sans anomalie anatomique ou hormonale maternelle ni chromosomique parentale.
- Un critère biologique mis en évidence sur 2 dosages à 12 semaines d’intervalle parmi
- Les anticoagulant circulant lupique (ACC)
- Les anti-cardiolipines
- Les anti-béta2glycoprotéine1 (b2gp1)
De nombreuses situations peuvent induire la présence d’anticorps anti phospholipides, il convient de les éliminer avant de conclure :
- Des médicaments : phénothiazines, phénytoïne, quinine, interféron alpha, béta bloquant, œstrogènes, anti TNFa…
- Des situations pathologiques : néoplasie, hémopathie, insuffisance rénale, sarcoïdose, artérite à cellules géantes, colite inflammatoire, hépatopathie, infection VIH, VHC.
Formes cliniques particulières
Le SAPL à expression purement obstétricale est souvent plus à risque de thrombose artérielle par la suite.
Le syndrome catastrophique des anticorps antiphospholipides doit être cité pour sa gravité. Il est défini par l’association d’une atteinte de trois systèmes ou organes (défaillance multiviscérale) en moins d’une semaine, avec confirmation histologique de la thrombose sans inflammation vasculaire mais présence d’antiphospholipides circulants. Ce syndrome atteint majoritairement la microcirculation et peut être inaugural de la maladie. On retrouve parfois un facteur déclenchant, comme un arrêt de l’anticoagulation ou une altération endothéliale : chirurgie, geste endovasculaire...
Traitement du SAPL
La prévention des récidives thrombotiques repose sur l’anticoagulation très prolongée, voire à vie si récidive. Elle repose sur la prescription d’anti vitamine K avec un objectif d’INR à 2,5, voire 3,5 en cas de récidives non contrôlées. On peut discuter l’ajout d’une antiagrégation en cas de récidive sous anticoagulant.
La grossesse fait discuter l’usage d’antiagrégant en présence d’anticorps isolé sans antécédents cliniques, ou d’HBPM en cas d’antécédent clinique. On peut également associer ces deux thérapeutiques en fonction des cas.