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Endocardite infectieuse

Une endocardite infectieuse (EI) correspond à l'infection d'une ou de plusieurs valves cardiaques, plus rarement de l'endocarde pariétal, par un organisme, bactérien le plus souvent mais possiblement par un germe intracellulaire ou une levure.

Epidémiologie

L'épidémiologie de l'EI s'est modifiée avec le temps et atteint désormais majoritairement des patients âgés sans notion obligatoire de valvulopathie pré-existante (40 % des EI surviennent sans valvulopathie pré-existante). Les facteurs prédisposants à une EI depuis l'éradication du rhumatisme articulaire aigu sont essentiellement :

  • La toxicomanie IV ;
  • Les prothèses valvulaires ;
  • La réalisation d'actes invasifs à risque de bactériémie ;
  • L'implantation de dispositifs intra-cardiaques, responsables d'EI liées aux soins.

Ces nouveaux FDR de développer des EI ont donc pour conséquence la relative stabilité de l'incidence des EI (2000-2500 cas/an en France) et une modification du profil microbiologique des EI.

Le tableau suivant classe les cardiopathies prédisposants aux EI en 2 groupes où le groupe A justifie une antibioprophylaxie avant les actes invasifs à risque bactériémique :

Cardiopathies à risque d'EI
Groupe A : cardiopathies à haut risqueGroupe B : cardiopathies à risque moins élevé

A noter que seule la CIA est considérée comme n'étant pas à risque d'EI.

L'âge moyen de développement des EI est de 62 ans avec sex ratio H/F à 3/1. La mortalité hospitalière des EI est importante et de l'ordre 20 %.

Désormais, les germes les plus souvent responsables d'EI sont les staphylocoques (26 %), suivis des streptocoques oraux (21%), des streptocoques D (12 %) et des staphylocoques à coagulase négative (10 %).

Dans 5 % des cas, les hémocultures restent négatives. La 1ère cause d'EI à hémocultures négatives est une EI décapitée par une antibiothérapie préalable à la réalisation des hémocultures. En l'absence d'antibiothérapie préalable, les germes potentiellement responsables de ces types d'EI et devant être évoqués sont :

  • Les bactéries du groupe HACEK (Haemophilus parainfluenzae, H. aphrophilus, H. paraphrophilus, H. influenzae, Actinobacillus actinomycetemcomitans, Capnocytophaga canimorsus, Cardiobacterrium hominis, Eikenella corrodens, Kingella kingae). Ce sont des BGN dont la croissance lente nécessite des cultures prolongées (laboratoire à prévenir de la suspicion d'EI pour que les cultures soient réalisées sur une période plus longue que les hémocultures classiques) ;
  • EI à champignons filamenteux (Candida +++) et Coxiella burnetii ;
  • Brucella, Bartonella, mycobactéries, Legionella, Tropheryma whipplei : le diagnostic repose alors sur les sérologies, PCR ou encore la culture cellulaire.

Lorsque le germe est isolé sur les hémocultures, il est alors possible de s'orienter vers une porte d'entrée infectieuse selon la nature du germe, comme il l'est évoqué dans le tableau ci-dessous :

Agents infectieuxPorte d'entrée
Staphylococcus aureus, staphylocoques à coagulase négativeCutanée, matériel endovasculaire (cathéters veineux, pacemakers, cathéters d'hémodialyse ...), toxicomanie IV
Streptocoques oraux (streptococcus mitis, S. sanguis, S. salivarius, S. mutans)Bucco-dentaire
Streptococcus gallolyticus (streptocoques D)Digestive (polypes coliques, coloscopie à réaliser à la recherche d'un cancer colique)
EntérocoquesDigestive Urinaire
Bactéries du groupe HACCEKBucco-dentaire
Candida spMatériel endovasculaire Toxicomanie IV

Physiopathologie

A l'état physiologique, l'endocarde sain se défend contre la colonisation bactérienne. Dans ce contexte, 2 conditions peuvent expliquer la survenue d'une EI :

  • Présence d'une lésion préalable de l'endocarde ;
  • Germe virulent.

L'inflammation de l'endocarde est alors secondaire à des turbulences du flux sanguin au niveau valvulaire. Ces turbulences surviennent essentiellement en cas de valvulopathie congénitale (bicuspidie aortique +++), de valvulopathies acquises (post rhumatismale, RA ...), de dégénérescence valvulaire liée à l'âge ou en cas de matériel intracardiaque (prothèse valvulaire, défibrillateur implantable ou pacemaker, cathéter veineux laissé en place trop longtemps ou mal entretenu).

A l'occasion d'une bactériémie, les bactéries vont alors adhérer à l'endocarde lésé et s'y multiplier. Les valves les plus souvent atteintes sont par ordre de fréquence décroissante : valve aortique, mitrale, tricuspide, pulmonaire.

La greffe bactérienne au niveau de l'endocarde lésé va être à l'origine de lésions infectieuses comme :

  • Des végétations : lésions proliférantes constituées d'amas de fibrine, de plaquettes et d'agents infectieux, susceptibles d'emboliser dans la circulation sanguine et d'entraîner des foyers infectieux à distance ou des accidents ischémiques (AVC, infarctus rénal, splénique ...) mais également des réactions immunologiques par mise en circulation d'antigènes et de complexes immuns pouvant se déposer sur les parois vasculaires et entraîner des lésions de vascularite, glomérulonéphrite voire des anévrismes mycotiques ;
  • Des destructions valvulaires : abcès, perforations valvulaires pouvant être responsables d'une insuffisance cardiaque.

Plusieurs types d'EI peuvent être isolés en fonction de la valvulopathie sous-jacente :

  • EI sur valves lésées (plutôt sur le cœur gauche et plutôt les insuffisances valvulaires comparées aux rétrécissements), prolapsus valvulaire mitral ;
  • EI sur cardiopathies congénitales (tétralogie de Fallot, CIV, persistance du canal artériel). Seule la CIA n'est pas à risque d'EI ;
  • EI sur valves natives apparemment saines (permettant parfois de découvrir une authentique valvulopathie méconnue) ;
  • EI sur prothèse valvulaire : Les patients porteurs de prothèses valvulaires sont à risque majeur de présenter une EI. Lorsqu'elles surviennent dans les premiers mois suivants leur implantation, elles sont en général la conséquence d'une inoculation per-opératoire mais elles peuvent aussi survenir à distance de leur implantation et ce risque augmente avec le temps et est de l'ordre de > 5 % cinq ans après l'intervention.
  • Endocardites sur stimulateur cardiaque ou défibrillateur automatique implantable (DAI) : Elles peuvent survenir dans l'année suivant son implantation (contamination per-opératoire) ou à distance. Elles sont le plus souvent secondaire à la colonisation par un staphylocoque. Leur traitement passe par une antibiothérapie prolongée, une ablation et un remplacement du matériel infecté.

La porte d'entrée de ces EI n'est identifiée que dans la moitié des cas et peut être orientée par l'identification du germe responsable.

Ces dernières années, il est noté une augmentation de la fréquence des EI secondaires à des procédures médico-chirurgicales telles que des chirurgies sous CEC, des cathéters veineux, un cathétérisme cardiaque, une hémodialyse, une implantation de stimulateur cardiaque, une ponction articulaire, une chambre implantable ...

Clinique

EI = maladie systémique de présentation polymorphe

Les manifestations cliniques d'une EI sont très variées avec des présentations parfois trompeuses. L'apparition ou la majoration d'un souffle cardiaque dans un contexte fébrile est très évocatrice du diagnostic et il doit également être évoqué devant des complications à type d'AVC, purpura ou encore de lombalgies fébriles.

La triade classique de l'EI est la suivante :

  • Fièvre ;
  • Altération de l'état général ;
  • Apparition ou modification d'un souffle cardiaque.

On décrit :

  • Les formes subaiguës (endocardite subaiguë d'Osler) évoluant classiquement sur plusieurs semaines (fièvre > 8 jours, AEG) souvent associées à des signes de vascularites (purpura) ;
  • Les formes suraiguës notamment à staphylococcus aureus associant des signes d'insuffisance cardiaque brutale et des signes septiques.

Syndrome infectieux

Dans une EI, le symptôme le plus constant est la fièvre. Le syndrome infectieux peut également comporter une altération de l'état général et une splénomégalie dans 20 à 40 % des cas.

Signes cardiaques

Devant un syndrome infectieux sans point d'appel infectieux, le souffle cardiaque a une grande valeur diagnostique en faveur d'une EI, essentiellement en cas d'apparition d'un nouveau souffle ou de modification d'un souffle connu. Cependant, l'absence de souffle cardiaque ne doit pas exclure le diagnostic.

A noter que toute insuffisance cardiaque fébrile doit faire suspecter le diagnostic. Les autres symptômes peuvent correspondre à des complications d'une EI comme une péricardite, des troubles de la conduction à type de BAV pouvant faire évoquer un abcès septal.

Manifestations extracardiaques

Ces manifestations sont essentiellement liées aux complexes immuns circulants secondaires à l'EI et peuvent être :

  • Cutanées dans 5-15 % des cas :
  • Respiratoires : toux, dyspnée dans le cadre d'une insuffisance ventriculaire gauche. Lorsque ces symptômes surviennent dans un contexte fébrile, ils peuvent témoigner d'emboles septiques pulmonaires chez les patients toxicomanes et plus généralement dans les EI du cœur droit.
  • Ophtalmologiques :
  • Rhumatologiques :
  • Purpura pétéchial cutanéomuqueux ;
  • Nodosités ou faux panaris d'Osler, pathognomoniques de l'EI mais fugaces et rares (nodosités rouges ou violacées au niveau de la pulpe des doigts) ;
  • Placards érythémateux palmo-plantaires de Janeway, rares ;
  • Purpura conjonctival ;
  • Tâches de Roth au fond d'œil (hémorragies + exsudats blanchâtres).
  • Arthralgies des membres ;
  • Lombalgies fébriles devant faire rechercher une spondylodiscite +++ ;
  • Myalgies ;
  • Arthrites.
  • Neurologiques : pouvant être inaugurales avec des AVC ischémiques (d'origine embolique) ou hémorragiques, abcès cérébraux.
  • Rénales : atteintes spécifiques de l'EI par glomérulonéphrite d'origine immunologique responsable d'hématurie, de protéinurie voire d'insuffisance rénale. Les autres causes possibles d'atteintes rénales dans ce contexte sont la néphrotoxicité des antibiotiques utilisés dans l'EI et les complications à type d'emboles septiques.
  • Vasculaires : anévrismes mycotiques d'origine infectieuse pouvant se localiser à tout niveau sur l'arbre vasculaire et se rompre.

Malgré ce large panel de symptômes possibles, la présentation d'une EI peut également être plus trompeuse et se limiter à :

  • Une fièvre nue ;
  • Une splénomégalie ;
  • Des arthralgies, lombalgies ;
  • Des formes révélées par une complication inaugurale ;
  • Un AVC fébrile ;

TOUTE FIEVRE INEXPLIQUEE CHEZ UN PATIENT VALVULAIRE EST UNE EI JUSQU'A PREUVE DU CONTRAIRE.

Diagnostic

Les 2 examens incontournables pour le diagnostic d'une EI sont les hémocultures et l'échocardiographie.

Hémocultures

Elément majeur du diagnostic permettant d'isoler le micro-organisme responsable dans 90 % des cas. Les hémocultures sont à réaliser avant toute antibiothérapie (risque de décapiter le germe et de négativer les hémocultures) et dès la suspicion diagnostique.

3 prélèvements sur 24 heures, espacés d'au moins 1 heure pour cultures aéro-anaérobies (en cas de sepsis grave, on réalise alors 2-3 hémocultures en moins d'une heure avant de débuter l'antibiothérapie en urgence) à partir de points de ponction différents, à effectuer même en l'absence de fièvre ou de frissons (bactériémie permanente par infection endovasculaire).

Il faut également prévenir le laboratoire de la suspicion d'EI pour que les hémocultures soient analysées sur une période d'au moins 15 jours pour pouvoir mettre en évidence des germes à croissance lente.

Si elles sont négatives, il faut les répéter sur 2-3 jours, surtout si une antibiothérapie avant été débutée avant la réalisation des premières.

Si la présomption d'EI est forte mais que les hémocultures restent négatives, il faut alors envisager les étiologies des EI à hémocultures négatives et discuter avec les microbiologistes la recherche de micro-organismes à croissance difficile sur milieu usuel (Brucella, champignons) et des sérologies et PCR pour les bactéries intracellulaires (Coxiella burnetii, Bartonella, Chlamydia spp, Legionella spp ...).

Echocardiographie

ETT : examen de 1ère intention (rapide, non invasif, accessible) +/- ETO, fréquemment indiquée du fait d'une meilleure sensibilité pour détecter des végétations en particulier en cas d'EI sur prothèse.

En cas de négativité de la 1ère ETT et de forte présomption clinique, il faut la répéter 7-10 jours plus tard, les anomalies pouvant être détectées de façon retardée. Une échocardiographie normale n'élimine donc pas le diagnostic!

L'examen échographique vise à mettre en évidence les conséquences de l'EI sous forme de végétations, perforations valvulaires, abcès péri-valvulaires, abcès septal, désinsertion prothétique, rupture de cordage, anévrisme du sinus de Valsalva.

Une végétation est une masse mobile, vibratile, attenante aux valves et de taille variable.

L'abcès péri-annulaire, sur valve native ou sur prothèse, est présent dans 30 % des cas, visible le plus souvent sur l'ETO et sur l'anneau aortique plutôt que l'anneau mitral.

Le retentissement des dysfonctions valvulaires ou prothétiques est évalué à l'aide de l'étude de la dilatation ventriculaire et de la FEVG, des pressions droites et le risque embolique des végétations (taille et mobilité) doit être apprécié.

Le diagnostic d'EI est ainsi confirmé chez 90 % des patients mais des faux négatifs sont possibles. A noter que l'échographie ne permet pas de distinguer une végétation "active" d'une végétation séquellaire et stérilisée.

Autres examens

D'autres examens peuvent être réalisés pour tenter de renforcer la suspicion diagnostique :

  • NFS, plaquettes : à la recherche d'une anémie hémolytique ;
  • Bilan inflammatoire : CRP, électrophorèse des protéines sériques à la recherche d'un syndrome inflammatoire ;
  • Bilan immunitaire : recherche de complexes immuns circulants ;
  • Ionogramme sanguin, urée, créatinine avec recherche d'une hématurie et d'une protéinurie pour rechercher une atteinte rénale potentielle, ECBU à la recherche d'une porte d'entrée infectieuse ;
  • BNP à la recherche d'un retentissement ventriculaire gauche.

Recherche de la porte d'entrée

Primordiale car permettant le diagnostic étiologique :

  • Panoramique dentaire (orthopantomogramme) et avis stomatologique à la recherche d'une porte d'entrée bucco-dentaire ;
  • Endoscopie oeso-gastro-duodénale ou coloscopie en cas de germe d'origine digestive ;
  • Echographie ou scanner abdominopelvien en cas de germe d'origine urinaire ;
  • Scintigraphie rachidienne au gadolinium ou IRM ou scanner en cas de suspicion de spondylodiscite.

Selon le germe retrouvé, le tableau suivant permet de savoir quel bilan réaliser pour rechercher la porte d'entrée :

Porte d'entréeAgents infectieuxExamens cliniques / paracliniques
Lésions cutanéesStaphylococcus aureusExamen de l'ensemble du revêtement cutané
Matériel endovasculaireStaphylocoques à coagulase négative Staphylococcus aureusETO
Cathéters veineux centrauxStaphylocoques à coagulase négative Staphylococcus aureus CandidaAblation de la VVC et mise en culture du cathéter
Dents et cavité buccaleStreptocoques oraux Bactéries du groupe HACCEKOrthopantomogramme Consultation dentaire
Tube digestifStreptococcus gallolyticus EntérocoquesColoscopie totale Imagerie abdominale
Voies biliairesStreptococcus gallolyticus EntérocoquesImagerie des voies biliaires
Tractus urinaireEntérocoquesECBU Imagerie du tractus urinaire

Critères diagnostiques des EI : critères de Duke

Du fait du caractère varié et non spécifique des symptômes des EI, c'est un diagnostic différentiel de nombreuses affections avec manifestations systémiques. Il a donc été retenu l'utilisation des critères de Duke pour permettre une meilleure orientation diagnostique :

Critères majeursCritères mineurs
Hémocultures positives : OuPrédisposition : cardiopathie à risque ou toxicomanie IV
Phénomènes vasculaires : emboles septiques dans un gros tronc artériel, infarctus pulmonaires, anévrisme mycotique, hémorragie intracrânienne, hémorragies conjonctivales, tâches de Janeway
Démonstration de l'atteinte endocardique Lésions caractéristiques d'EI à l'échocardiographie : OuArguments microbiologiques : hémocultures positives mais n'entrant pas dans la définition d'un critère majeur ou démonstration sérologique d'une infection évolutive due à un micro-organisme susceptible de causer une EI
Fièvre > 38 °C

Ainsi, selon les critères retenus selon la Duke University, on peut estimer la probabilité d'EI de la manière suivante :

EI certaineOu
EI possible1 critère majeur et 2 mineurs Ou 3 critères mineurs
EI exclueOu Ou Ou

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel se fait avec les endocardites non infectieuses où il est possiblement visualiser des végétations valvulaires :

  • Cancer (endocardite marastique) ;
  • Lupus systémique avec syndrome des anticorps anti-phospholipides (endocardite de Libman-Sacks).

Evolution : complications, pronostic

Complications

L'insuffisance cardiaque est la 1ère cause de décès à la phase aiguë de l'EI, suivie des complications neurologiques :

  • Insuffisance cardiaque par délabrement valvulaire et fuite massive ou par fistulisation entre les cavités cardiaques. Rarement embolie coronaire d'une végétation ou myocardite infectieuse ;
  • Embolies septiques cérébrales, spléniques, rénales, coronaires pour les EI du cœur gauche, pulmonaires pour les EI du cœur droit. Ces embolies surviennent classiquement en début ou avant tout traitement pour des végétations > 15 mm, le plus souvent en position mitrale ;
  • Complications neurologiques avec embolies cérébrales, anévrisme mycotique pouvant donner des hémorragies par ruptures, méningite ou abcès ;
  • Infarctus spléniques ;
  • Arythmies ou troubles de la conduction.

On peut avoir alors recours à une ponction lombaire en cas de syndrome méningé, scanner ou IRM cérébrale en cas d'embolie cérébrale, échographie ou scanner abdominopelvien en cas d'embolie rénale, angioscanner ou scintigraphie de ventilation et de perfusion en cas d'EI du cœur droit.

Cependant, même en l'absence de points d'appels, une imagerie cérébrale (par scanner ou IRM) et un scanner abdominopelvien sont préconisés pour éliminer d'éventuelles embolies infracliniques.

Pronostic

Les EI aortiques se compliquent plus souvent d'insuffisance cardiaque ou d'abcès et nécessitent souvent le recours à la chirurgie.

Les EI à Staphylococcus aureus ou les EI sur prothèse sont associées au taux de mortalité le plus élevé : 50 % pour les EI à staphylocoques sur prothèse valvulaire alors qu'il n'est que de 10 % pour les EI sur valve native à streptocoques oraux.

Le pneumocoque et les BGN sont plus souvent responsables de destructions valvulaires graves. Les levures forment des végétations très volumineuses et sont moins accessibles au traitement anti-infectieux, nécessitant presque toujours un traitement chirurgical.

Le pronostic d'une EI est également fortement dépendant du terrain sur lequel apparaît l'EI : diabète, immunodépression, insuffisance cardiaque pré-existante.

Traitement

Antibiothérapie (les posologies ne sont pas à savoir mais données à titre indicatif)

L'antibiothérapie vise à obtenir l'éradication microbienne définitive au niveau du site de l'infection. Elle est difficile à obtenir du fait de la faible vascularisation de l'endocarde, de l'important inoculum bactérien sur le site de l'infection et de sa protection par l'amas de fibrine constituée, de la bactériémie permanente permettant une recolonisation régulière des végétations.

L'antibiothérapie utilisée se doit donc d'être bactéricide, prolongée (4-6 semaines du fait de la diffusion difficile de certains antibiotiques au sein des végétations) et à fortes doses, administrées par voie parentérale (voie permettant une biodisponibilité totale), en association pour obtenir des synergies.

Un avis infectiologique doit être pris lors de l'instauration du traitement antibiotique d'une EI. On débute par un traitement probabiliste juste après réalisation des hémocultures dans les cas de sepsis grave / choc septique ou de forte suspicion clinique d'EI ou d'indication de chirurgie valvulaire en urgence. Dans les situations moins urgentes, l'antibiothérapie est documentée et adaptée aux résultats de l'examen direct des hémocultures.

La durée du traitement antibiotique est la même qu'il y ait ou non la nécessité d'un recours à une chirurgie.

La disparition de la fièvre, le maintien de l'apyrexie, la négativation des hémocultures et la disparition du syndrome inflammatoire biologique sont les meilleurs garants de l'efficacité de l'antibiothérapie.

L'ETT et l'ETO doivent être répétées fréquemment surtout si le processus infectieux ne semble pas être maîtrisé ou en cas d'apparition d'insuffisance cardiaque.

La prescription simultanée d'héparine aggrave le risque d'hémorragie cérébrale et est de ce fait à proscrire.

Antibiothérapie des EI à streptocoques oraux et du groupe D

En cas de CMI à la pénicilline < 0.125 mg/L : on instaurera un traitement par pénicilline G 12-18 M UI/j ou amoxicilline 100-200 mg/kg/j ou ceftriaxone 2g/j IV ou IM +/- gentamicine 3 mg/kg/j.

En cas d'allergie à la pénicilline, on utilisera alors de la vancomycine 30 mg/kg/j +/- gentamicine 3 mg/kg/j. Ce traitement est à poursuivre pendant 4 semaines. Dans les EI non compliquées sur valve native, on peut ne traiter que pendant 2 semaines en cas de bithérapie comprenant de la gentamicine.

En cas de CMI à la pénicilline entre 0.125 et 2 mg/L : on instaurera alors de la pénicilline G à 24 M UI/L ou amoxicilline 200 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j.

En cas d'allergie à la pénicilline, on utilisera vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j. Ce traitement sera à poursuivre pendant 6 semaines dont 2 en bithérapie avec la gentamicine (4 semaines de traitement envisageables en cas d'EI non compliquées sur valve native).

Antibiothérapie des EI à entérocoques

Amoxicilline 200 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j.

En cas d'allergie à la pénicilline, on utilisera vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j. Ce traitement sera poursuivi pendant 4-6 semaines (6 semaines avec 2-4 semaines de gentamicine en cas d'EI sur prothèse ou si les symptômes évoluent depuis plus de 3 mois).

En cas d'EI à E. faecalis sensible aux β-lactamines et de haut niveau de résistance à la gentamicine, on utilisera l'association amoxicilline 2 x 2 g/j + ceftriaxone 200 mg/kg/j ou de la vancomycine en monothérapie en d'allergie à la pénicilline pendant au moins 6 semaines.

Antibiothérapie des EI à staphylocoques

Il faut distinguer les EI à staphylocoques sur valves natives et prothétiques et également le caractère sensible ou résistant à la méticilline des staphylocoques isolés sur les hémocultures.

SAMS :

Une EI à SAMS sur valve native se traite par oxacilline 200 mg/kg/j +/- gentamicine 3 mg/kg/j. En cas d'allergie à la pénicilline, on utilisera vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j. Ce traitement doit être poursuivi pendant 4-6 semaines avec 3-5 jours de gentamicine. D'après l'ESC 2016, un traitement par oxacilline seule est envisageable avec comme alternative cotrimoxazole + clindamycine en cas de souches sensibles.

En cas d'EI à SAMS sur valve prothétique : on utilise alors une trithérapie comprenant oxacilline 150 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j + rifampicine 20-30 mg/kg/j à introduire après 3-5 jours d'antibiothérapie ayant permis de stériliser les hémocultures.

En cas d'allergie à la pénicilline, on utilisera une trithérapie comprenant vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j + rifampicine 20-30 mg/kg/j selon le même schéma que précédemment.

Le traitement d'une EI à SAMS sur valve prothétique doit se faire sur au moins 6 semaines avec 2 semaines de gentamicine.

SARM :

Une EI à SARM sur valve native se traite par vancomycine 30 mg/kg/j +/- gentamicine 3 mg/kg/j et de la même manière en cas d'allergie à la pénicilline (la vancomycine faisant partie de la famille des glycopeptides et étant active sur les bactéries à Gram +) pendant 6 semaines avec 3-5 jours de gentamicine. Selon l'ESC 2016, on peut utiliser en alternative à la vancomycine, la daptomycine et l'association cotrimoxazole + clindamycine en cas de souches sensibles.

Sur une prothèse valvulaire, l'antibiothérapie doit comporter vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j + rifampicine 20-30 mg/kg/j à débuter en décalé par rapport aux autres antibiotiques. Cette antibiothérapie est à poursuivre pendant au moins 6 semaines avec 2 semaines de gentamicine.

Antibiothérapie des EI sans documentation microbiologique

En cas d'EI sur une valve native ou sur une prothèse valvulaire implantée depuis plus d'un an, le traitement antibiotique probabiliste se base sur l'association amoxicilline - acide clavulanique (Augmentin®) 12 g/j + gentamicine 3 mg/kg/j. En cas d'allergie à la pénicilline, on utilisera l'association vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j + ciprofloxacine 800 mg/j IV ou 1000 mg/j x 2 PO. Ce traitement est à poursuivre durant 4-6 semaines avec 2 semaines de gentamicine.

Selon l'ESC 2016, on peut utiliser un traitement de 1ère intention en probabiliste par amoxicilline + oxacilline + gentamicine permettant de couvrir les germes les plus souvent responsables des EI dans ce contexte. Ces schémas permettent de couvrir les streptocoques qui sont très fréquents dans ce contexte mais également les staphylocoques qui restent possiblement responsables d'EI dans ces délais.

En cas d'EI sur valve prothétique implantée il y a moins d'un an ou une EI rentrant dans le cadre d'une infection liée aux soins, on utilisera une association antibiotique comprenant vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j + rifampicine 20-30 mg/kg/j à instaurer en décalé par rapport aux autres traitement. Ce traitement est à poursuivre au moins 6 semaines avec 2 semaines de gentamicine. Ces schémas permettent ainsi de cibler les staphylocoques à coagulase négative résistants à l'oxacilline.

Antibiothérapie des EI à germes atypiques

EI à Brucella :

Doxycycline 200 mg/j + cotrimoxazole + rifampicine 20-30 mg/kg/j durant au minimum 3 mois, per os.

EI à Coxiella burnetii :

Doxycycline 200 mg/j + hydroxychloroquine 200-600 mg/j ou ofloxacine 400 mg/j pendant au moins 18 mois.

EI à Bartonella spp. :

Ceftriaxone 2 g/j ou amoxicilline 12 g/j + gentamicine 3 mg/kg/j ou doxycycline en monothérapie en cas d'allergie à la pénicilline pendant 6 semaines dont 2 semaines de gentamicine.

EI à Legionella spp. :

Erythromycine 3 g/j + rifampicine 20-30 mg/kg/j ou ciprofloxacine 1.5 g/j pendant 4 semaines dont 2 semaines par voie IV et 6 semaines de traitement per os par rifampicine ou ciprofloxacine.

Traitement chirurgical

Il permet d'améliorer la survie des patients présentant une destruction valvulaire d'origine infectieuse par rapport au traitement médical seul. Deux temps sont nécessaires dans cette chirurgie : débridement des tissus infectés ou nécrosés puis reconstruction des dégâts anatomiques.

En cas d'EI simple limitée aux sigmoïdes ou aux valves, on réalisera une réparation ou un remplacement valvulaire. Il est possible de réaliser un remplacement valvulaire en présence d'une infection active, sans contamination de la nouvelle prothèse.

Autant que possible, il sera pratiqué une chirurgie avec préservation et réparation de la valve atteinte.

Les 3 indications à la chirurgie dans le cadre d'une EI sont l'insuffisance cardiaque, le non-contrôle de l'infection par l'antibiothérapie et les événements emboliques.

Indications chirurgicales sur valve native

On retient comme indication dans ce cadre :

  • Insuffisance cardiaque persistante sous traitement médical, en rapport avec une fuite valvulaire ou l'apparition d'une communication anormale ;
  • Persistance d'un syndrome infectieux non contrôlé par l'antibiothérapie ;
  • Endocardite fungique.

Cette chirurgie est aussi acceptable dans les situations suivantes :

  • Lésions para-annulaires sévères ou évolutives (abcès) de végétations volumineuses (> 15 mm) après un épisodes embolique ;
  • Insuffisance cardiaque régressive sous traitement médical avec fuite valvulaire sévère.

Indications chirurgicales sur prothèses valvulaires

On retient comme indications chirurgicales dans ce contexte :

  • Insuffisance cardiaque liée à une dysfonction prothétique ;
  • Persistance d'un syndrome infectieux malgré une antibiothérapie adaptée
  • Dysfonction prothétique sévère sans insuffisance cardiaque, abcès périprothétique sévère ou fistule, végétation volumineuse après un épisode embolique ;
  • Endocardite à Staphylococcus aureus ou fungique.

Indications chirurgicales sur stimulateur cardiaque ou DAI

Extraction complète du matériel (boitier + sondes) par voie percutanée ou chirurgicale puis discussion d'une réimplantation de matériel neuf si possible à distance (en privilégiant l'utilisation de sondes épicardiques).

Au final, il y a 3 grands groupes d'indication à la chirurgie dans une EI :

Hémodynamiques +++ :

  • Apparition et/ou aggravation d'une insuffisance cardiaque ne répondant pas au traitement médical ;
  • Obstruction valvulaire par la végétation, suppuration intracardiaque par abcès périvalvulaire ou septal, désinsertion de prothèse.

Infectieuses :

  • Fièvre persistante avec hémocultures positives sans cause retrouvée malgré un traitement adapté ;
  • Indications microbiologiques (germes n'étant pas contrôlés par l'antibiothérapie seule) :
  • Pseudomonas, Coxiella, Brucella, EI fungiques ;
  • EI à S. aureus sur prothèse ;
  • Multi-résistance avec absence d'effet bactéricide possible (Pseudomonas) ;
  • EI à hémocultures négatives d'évolution défavorables sous traitement probabiliste.

Emboliques :

  • Végétation persistante et embolie systémique clinique ou infraclinique en particulier si la végétation est mobile ;
  • Embols répétés ;
  • À discuter systématiquement devant une grosse végétation > 10 mm en particulier si insuffisance cardiaque, abcès en particulier si c'est la valve mitrale qui est atteinte ;
  • À discuter si très grosse végétation > 15 mm même isolée.

A noter qu'il n'y a pas de contre indication absolue à la chirurgie en cas d'infarctus cérébral.

Prévention des EI

Elle a pour objectif d'empêcher la greffe bactérienne à l'endocarde des patients à risque de développer des EI. Elle passe par un dépistage et un traitement précoce des portes d'entrées infectieuses potentielles. Les patients à risque doivent alors être informés de la nécessité absolue de consulter rapidement en cas de fièvre et de l'importance de réalisation des hémocultures avant toute antibiothérapie dans le but d'identification du germe.

Dans cet objectif de limiter les portes d'entrées potentielles, il est conseillé aux patients à risque le maintien d'une hygiène bucco-dentaire rigoureuse avec brossage correct et régulier des dents et visite semestrielle chez un chirurgien-dentiste avec détartrages réguliers, éradication des foyers infectieux potentiels ou avérés.

Dans le but de prévenir les portes d'entrées infectieuses cutanées chez ces patients, les cathéters veineux doivent être utilisés dans des indications clairement établies et pendant la durée la plus courte possible.

L'antibioprohylaxie dans les gestes à risque bactériémique est réservée aux seuls patients à risque très élevé d'EI (groupe A) dans un souci d'augmentation de la résistance des bactéries aux antibiotiques. Les patients concernés par cette antibioprophylaxie sont les patients :

  • Porteurs de prothèse valvulaire ;
  • Ayant un antécédent d'EI ;
  • Porteurs d'une cardiopathie congénitale cyanogène non opérée ou corrigée incomplètement ou pendant les 6 mois après correction (sauf CIA) ;

ET qui doivent avoir les soins suivants :

  • Geste nécessitant une manipulation de la gencive ou de la région péri-apicale ou une effraction muqueuse.

Dans toutes les autres situations de cardiopathies ou de procédures invasives, l'antibioprophylaxie n'est plus recommandée.

Cette antibioprohylaxie se fait par la prise unique par voie orale une heure avant le geste (ou en IV si la voie orale est impossible) de 2 g d'amoxicilline ou d'ampicilline, 50 mg/kg chez l'enfant ou, en cas d'allergie à la pénicilline de clindamycine 600 mg, 20 mg/kg chez l'enfant.

Une endocardite infectieuse (EI) correspond à l'infection d'une ou de plusieurs valves cardiaques, plus rarement de l'endocarde pariétal, par un organisme, bactérien le plus souvent mais possiblement par un germe intracellulaire ou une levure.

Epidémiologie

L'épidémiologie de l'EI s'est modifiée avec le temps et atteint désormais majoritairement des patients âgés sans notion obligatoire de valvulopathie pré-existante (40 % des EI surviennent sans valvulopathie pré-existante). Les facteurs prédisposants à une EI depuis l'éradication du rhumatisme articulaire aigu sont essentiellement :

  • La toxicomanie IV ;
  • Les prothèses valvulaires ;
  • La réalisation d'actes invasifs à risque de bactériémie ;
  • L'implantation de dispositifs intra-cardiaques, responsables d'EI liées aux soins.

Ces nouveaux FDR de développer des EI ont donc pour conséquence la relative stabilité de l'incidence des EI (2000-2500 cas/an en France) et une modification du profil microbiologique des EI.

Le tableau suivant classe les cardiopathies prédisposants aux EI en 2 groupes où le groupe A justifie une antibioprophylaxie avant les actes invasifs à risque bactériémique :

Cardiopathies à risque d'EI
Groupe A : cardiopathies à haut risqueGroupe B : cardiopathies à risque moins élevé

A noter que seule la CIA est considérée comme n'étant pas à risque d'EI.

L'âge moyen de développement des EI est de 62 ans avec sex ratio H/F à 3/1. La mortalité hospitalière des EI est importante et de l'ordre 20 %.

Désormais, les germes les plus souvent responsables d'EI sont les staphylocoques (26 %), suivis des streptocoques oraux (21%), des streptocoques D (12 %) et des staphylocoques à coagulase négative (10 %).

Dans 5 % des cas, les hémocultures restent négatives. La 1ère cause d'EI à hémocultures négatives est une EI décapitée par une antibiothérapie préalable à la réalisation des hémocultures. En l'absence d'antibiothérapie préalable, les germes potentiellement responsables de ces types d'EI et devant être évoqués sont :

  • Les bactéries du groupe HACEK (Haemophilus parainfluenzae, H. aphrophilus, H. paraphrophilus, H. influenzae, Actinobacillus actinomycetemcomitans, Capnocytophaga canimorsus, Cardiobacterrium hominis, Eikenella corrodens, Kingella kingae). Ce sont des BGN dont la croissance lente nécessite des cultures prolongées (laboratoire à prévenir de la suspicion d'EI pour que les cultures soient réalisées sur une période plus longue que les hémocultures classiques) ;
  • EI à champignons filamenteux (Candida +++) et Coxiella burnetii ;
  • Brucella, Bartonella, mycobactéries, Legionella, Tropheryma whipplei : le diagnostic repose alors sur les sérologies, PCR ou encore la culture cellulaire.

Lorsque le germe est isolé sur les hémocultures, il est alors possible de s'orienter vers une porte d'entrée infectieuse selon la nature du germe, comme il l'est évoqué dans le tableau ci-dessous :

Agents infectieuxPorte d'entrée
Staphylococcus aureus, staphylocoques à coagulase négativeCutanée, matériel endovasculaire (cathéters veineux, pacemakers, cathéters d'hémodialyse ...), toxicomanie IV
Streptocoques oraux (streptococcus mitis, S. sanguis, S. salivarius, S. mutans)Bucco-dentaire
Streptococcus gallolyticus (streptocoques D)Digestive (polypes coliques, coloscopie à réaliser à la recherche d'un cancer colique)
EntérocoquesDigestive Urinaire
Bactéries du groupe HACCEKBucco-dentaire
Candida spMatériel endovasculaire Toxicomanie IV

Physiopathologie

A l'état physiologique, l'endocarde sain se défend contre la colonisation bactérienne. Dans ce contexte, 2 conditions peuvent expliquer la survenue d'une EI :

  • Présence d'une lésion préalable de l'endocarde ;
  • Germe virulent.

L'inflammation de l'endocarde est alors secondaire à des turbulences du flux sanguin au niveau valvulaire. Ces turbulences surviennent essentiellement en cas de valvulopathie congénitale (bicuspidie aortique +++), de valvulopathies acquises (post rhumatismale, RA ...), de dégénérescence valvulaire liée à l'âge ou en cas de matériel intracardiaque (prothèse valvulaire, défibrillateur implantable ou pacemaker, cathéter veineux laissé en place trop longtemps ou mal entretenu).

A l'occasion d'une bactériémie, les bactéries vont alors adhérer à l'endocarde lésé et s'y multiplier. Les valves les plus souvent atteintes sont par ordre de fréquence décroissante : valve aortique, mitrale, tricuspide, pulmonaire.

La greffe bactérienne au niveau de l'endocarde lésé va être à l'origine de lésions infectieuses comme :

  • Des végétations : lésions proliférantes constituées d'amas de fibrine, de plaquettes et d'agents infectieux, susceptibles d'emboliser dans la circulation sanguine et d'entraîner des foyers infectieux à distance ou des accidents ischémiques (AVC, infarctus rénal, splénique ...) mais également des réactions immunologiques par mise en circulation d'antigènes et de complexes immuns pouvant se déposer sur les parois vasculaires et entraîner des lésions de vascularite, glomérulonéphrite voire des anévrismes mycotiques ;
  • Des destructions valvulaires : abcès, perforations valvulaires pouvant être responsables d'une insuffisance cardiaque.

Plusieurs types d'EI peuvent être isolés en fonction de la valvulopathie sous-jacente :

  • EI sur valves lésées (plutôt sur le cœur gauche et plutôt les insuffisances valvulaires comparées aux rétrécissements), prolapsus valvulaire mitral ;
  • EI sur cardiopathies congénitales (tétralogie de Fallot, CIV, persistance du canal artériel). Seule la CIA n'est pas à risque d'EI ;
  • EI sur valves natives apparemment saines (permettant parfois de découvrir une authentique valvulopathie méconnue) ;
  • EI sur prothèse valvulaire : Les patients porteurs de prothèses valvulaires sont à risque majeur de présenter une EI. Lorsqu'elles surviennent dans les premiers mois suivants leur implantation, elles sont en général la conséquence d'une inoculation per-opératoire mais elles peuvent aussi survenir à distance de leur implantation et ce risque augmente avec le temps et est de l'ordre de > 5 % cinq ans après l'intervention.
  • Endocardites sur stimulateur cardiaque ou défibrillateur automatique implantable (DAI) : Elles peuvent survenir dans l'année suivant son implantation (contamination per-opératoire) ou à distance. Elles sont le plus souvent secondaire à la colonisation par un staphylocoque. Leur traitement passe par une antibiothérapie prolongée, une ablation et un remplacement du matériel infecté.

La porte d'entrée de ces EI n'est identifiée que dans la moitié des cas et peut être orientée par l'identification du germe responsable.

Ces dernières années, il est noté une augmentation de la fréquence des EI secondaires à des procédures médico-chirurgicales telles que des chirurgies sous CEC, des cathéters veineux, un cathétérisme cardiaque, une hémodialyse, une implantation de stimulateur cardiaque, une ponction articulaire, une chambre implantable ...

Clinique

EI = maladie systémique de présentation polymorphe

Les manifestations cliniques d'une EI sont très variées avec des présentations parfois trompeuses. L'apparition ou la majoration d'un souffle cardiaque dans un contexte fébrile est très évocatrice du diagnostic et il doit également être évoqué devant des complications à type d'AVC, purpura ou encore de lombalgies fébriles.

La triade classique de l'EI est la suivante :

  • Fièvre ;
  • Altération de l'état général ;
  • Apparition ou modification d'un souffle cardiaque.

On décrit :

  • Les formes subaiguës (endocardite subaiguë d'Osler) évoluant classiquement sur plusieurs semaines (fièvre > 8 jours, AEG) souvent associées à des signes de vascularites (purpura) ;
  • Les formes suraiguës notamment à staphylococcus aureus associant des signes d'insuffisance cardiaque brutale et des signes septiques.

Syndrome infectieux

Dans une EI, le symptôme le plus constant est la fièvre. Le syndrome infectieux peut également comporter une altération de l'état général et une splénomégalie dans 20 à 40 % des cas.

Signes cardiaques

Devant un syndrome infectieux sans point d'appel infectieux, le souffle cardiaque a une grande valeur diagnostique en faveur d'une EI, essentiellement en cas d'apparition d'un nouveau souffle ou de modification d'un souffle connu. Cependant, l'absence de souffle cardiaque ne doit pas exclure le diagnostic.

A noter que toute insuffisance cardiaque fébrile doit faire suspecter le diagnostic. Les autres symptômes peuvent correspondre à des complications d'une EI comme une péricardite, des troubles de la conduction à type de BAV pouvant faire évoquer un abcès septal.

Manifestations extracardiaques

Ces manifestations sont essentiellement liées aux complexes immuns circulants secondaires à l'EI et peuvent être :

  • Cutanées dans 5-15 % des cas :
  • Respiratoires : toux, dyspnée dans le cadre d'une insuffisance ventriculaire gauche. Lorsque ces symptômes surviennent dans un contexte fébrile, ils peuvent témoigner d'emboles septiques pulmonaires chez les patients toxicomanes et plus généralement dans les EI du cœur droit.
  • Ophtalmologiques :
  • Rhumatologiques :
  • Neurologiques : pouvant être inaugurales avec des AVC ischémiques (d'origine embolique) ou hémorragiques, abcès cérébraux.
  • Rénales : atteintes spécifiques de l'EI par glomérulonéphrite d'origine immunologique responsable d'hématurie, de protéinurie voire d'insuffisance rénale. Les autres causes possibles d'atteintes rénales dans ce contexte sont la néphrotoxicité des antibiotiques utilisés dans l'EI et les complications à type d'emboles septiques.
  • Vasculaires : anévrismes mycotiques d'origine infectieuse pouvant se localiser à tout niveau sur l'arbre vasculaire et se rompre.
  • Purpura pétéchial cutanéomuqueux ;
  • Nodosités ou faux panaris d'Osler, pathognomoniques de l'EI mais fugaces et rares (nodosités rouges ou violacées au niveau de la pulpe des doigts) ;
  • Placards érythémateux palmo-plantaires de Janeway, rares ;
  • Purpura conjonctival ;
  • Tâches de Roth au fond d'œil (hémorragies + exsudats blanchâtres).
  • Arthralgies des membres ;
  • Lombalgies fébriles devant faire rechercher une spondylodiscite +++ ;
  • Myalgies ;
  • Arthrites.

Malgré ce large panel de symptômes possibles, la présentation d'une EI peut également être plus trompeuse et se limiter à :

  • Une fièvre nue ;
  • Une splénomégalie ;
  • Des arthralgies, lombalgies ;
  • Des formes révélées par une complication inaugurale ;
  • Un AVC fébrile ;

TOUTE FIEVRE INEXPLIQUEE CHEZ UN PATIENT VALVULAIRE EST UNE EI JUSQU'A PREUVE DU CONTRAIRE.

Diagnostic

Les 2 examens incontournables pour le diagnostic d'une EI sont les hémocultures et l'échocardiographie.

Hémocultures

Elément majeur du diagnostic permettant d'isoler le micro-organisme responsable dans 90 % des cas. Les hémocultures sont à réaliser avant toute antibiothérapie (risque de décapiter le germe et de négativer les hémocultures) et dès la suspicion diagnostique.

3 prélèvements sur 24 heures, espacés d'au moins 1 heure pour cultures aéro-anaérobies (en cas de sepsis grave, on réalise alors 2-3 hémocultures en moins d'une heure avant de débuter l'antibiothérapie en urgence) à partir de points de ponction différents, à effectuer même en l'absence de fièvre ou de frissons (bactériémie permanente par infection endovasculaire).

Il faut également prévenir le laboratoire de la suspicion d'EI pour que les hémocultures soient analysées sur une période d'au moins 15 jours pour pouvoir mettre en évidence des germes à croissance lente.

Si elles sont négatives, il faut les répéter sur 2-3 jours, surtout si une antibiothérapie avant été débutée avant la réalisation des premières.

Si la présomption d'EI est forte mais que les hémocultures restent négatives, il faut alors envisager les étiologies des EI à hémocultures négatives et discuter avec les microbiologistes la recherche de micro-organismes à croissance difficile sur milieu usuel (Brucella, champignons) et des sérologies et PCR pour les bactéries intracellulaires (Coxiella burnetii, Bartonella, Chlamydia spp, Legionella spp ...).

Echocardiographie

ETT : examen de 1ère intention (rapide, non invasif, accessible) +/- ETO, fréquemment indiquée du fait d'une meilleure sensibilité pour détecter des végétations en particulier en cas d'EI sur prothèse.

En cas de négativité de la 1ère ETT et de forte présomption clinique, il faut la répéter 7-10 jours plus tard, les anomalies pouvant être détectées de façon retardée. Une échocardiographie normale n'élimine donc pas le diagnostic!

L'examen échographique vise à mettre en évidence les conséquences de l'EI sous forme de végétations, perforations valvulaires, abcès péri-valvulaires, abcès septal, désinsertion prothétique, rupture de cordage, anévrisme du sinus de Valsalva.

Une végétation est une masse mobile, vibratile, attenante aux valves et de taille variable.

L'abcès péri-annulaire, sur valve native ou sur prothèse, est présent dans 30 % des cas, visible le plus souvent sur l'ETO et sur l'anneau aortique plutôt que l'anneau mitral.

Le retentissement des dysfonctions valvulaires ou prothétiques est évalué à l'aide de l'étude de la dilatation ventriculaire et de la FEVG, des pressions droites et le risque embolique des végétations (taille et mobilité) doit être apprécié.

Le diagnostic d'EI est ainsi confirmé chez 90 % des patients mais des faux négatifs sont possibles. A noter que l'échographie ne permet pas de distinguer une végétation "active" d'une végétation séquellaire et stérilisée.

Autres examens

D'autres examens peuvent être réalisés pour tenter de renforcer la suspicion diagnostique :

  • NFS, plaquettes : à la recherche d'une anémie hémolytique ;
  • Bilan inflammatoire : CRP, électrophorèse des protéines sériques à la recherche d'un syndrome inflammatoire ;
  • Bilan immunitaire : recherche de complexes immuns circulants ;
  • Ionogramme sanguin, urée, créatinine avec recherche d'une hématurie et d'une protéinurie pour rechercher une atteinte rénale potentielle, ECBU à la recherche d'une porte d'entrée infectieuse ;
  • BNP à la recherche d'un retentissement ventriculaire gauche.

Recherche de la porte d'entrée

Primordiale car permettant le diagnostic étiologique :

  • Panoramique dentaire (orthopantomogramme) et avis stomatologique à la recherche d'une porte d'entrée bucco-dentaire ;
  • Endoscopie oeso-gastro-duodénale ou coloscopie en cas de germe d'origine digestive ;
  • Echographie ou scanner abdominopelvien en cas de germe d'origine urinaire ;
  • Scintigraphie rachidienne au gadolinium ou IRM ou scanner en cas de suspicion de spondylodiscite.

Selon le germe retrouvé, le tableau suivant permet de savoir quel bilan réaliser pour rechercher la porte d'entrée :

Porte d'entréeAgents infectieuxExamens cliniques / paracliniques
Lésions cutanéesStaphylococcus aureusExamen de l'ensemble du revêtement cutané
Matériel endovasculaireStaphylocoques à coagulase négative Staphylococcus aureusETO
Cathéters veineux centrauxStaphylocoques à coagulase négative Staphylococcus aureus CandidaAblation de la VVC et mise en culture du cathéter
Dents et cavité buccaleStreptocoques oraux Bactéries du groupe HACCEKOrthopantomogramme Consultation dentaire
Tube digestifStreptococcus gallolyticus EntérocoquesColoscopie totale Imagerie abdominale
Voies biliairesStreptococcus gallolyticus EntérocoquesImagerie des voies biliaires
Tractus urinaireEntérocoquesECBU Imagerie du tractus urinaire

Critères diagnostiques des EI : critères de Duke

Du fait du caractère varié et non spécifique des symptômes des EI, c'est un diagnostic différentiel de nombreuses affections avec manifestations systémiques. Il a donc été retenu l'utilisation des critères de Duke pour permettre une meilleure orientation diagnostique :

Critères majeursCritères mineurs
Hémocultures positives : OuPrédisposition : cardiopathie à risque ou toxicomanie IV
Phénomènes vasculaires : emboles septiques dans un gros tronc artériel, infarctus pulmonaires, anévrisme mycotique, hémorragie intracrânienne, hémorragies conjonctivales, tâches de Janeway
Démonstration de l'atteinte endocardique Lésions caractéristiques d'EI à l'échocardiographie : OuArguments microbiologiques : hémocultures positives mais n'entrant pas dans la définition d'un critère majeur ou démonstration sérologique d'une infection évolutive due à un micro-organisme susceptible de causer une EI
Fièvre > 38 °C

Ainsi, selon les critères retenus selon la Duke University, on peut estimer la probabilité d'EI de la manière suivante :

EI certaineOu
EI possible1 critère majeur et 2 mineurs Ou 3 critères mineurs
EI exclueOu Ou Ou

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel se fait avec les endocardites non infectieuses où il est possiblement visualiser des végétations valvulaires :

  • Cancer (endocardite marastique) ;
  • Lupus systémique avec syndrome des anticorps anti-phospholipides (endocardite de Libman-Sacks).

Evolution : complications, pronostic

Complications

L'insuffisance cardiaque est la 1ère cause de décès à la phase aiguë de l'EI, suivie des complications neurologiques :

  • Insuffisance cardiaque par délabrement valvulaire et fuite massive ou par fistulisation entre les cavités cardiaques. Rarement embolie coronaire d'une végétation ou myocardite infectieuse ;
  • Embolies septiques cérébrales, spléniques, rénales, coronaires pour les EI du cœur gauche, pulmonaires pour les EI du cœur droit. Ces embolies surviennent classiquement en début ou avant tout traitement pour des végétations > 15 mm, le plus souvent en position mitrale ;
  • Complications neurologiques avec embolies cérébrales, anévrisme mycotique pouvant donner des hémorragies par ruptures, méningite ou abcès ;
  • Infarctus spléniques ;
  • Arythmies ou troubles de la conduction.

On peut avoir alors recours à une ponction lombaire en cas de syndrome méningé, scanner ou IRM cérébrale en cas d'embolie cérébrale, échographie ou scanner abdominopelvien en cas d'embolie rénale, angioscanner ou scintigraphie de ventilation et de perfusion en cas d'EI du cœur droit.

Cependant, même en l'absence de points d'appels, une imagerie cérébrale (par scanner ou IRM) et un scanner abdominopelvien sont préconisés pour éliminer d'éventuelles embolies infracliniques.

Pronostic

Les EI aortiques se compliquent plus souvent d'insuffisance cardiaque ou d'abcès et nécessitent souvent le recours à la chirurgie.

Les EI à Staphylococcus aureus ou les EI sur prothèse sont associées au taux de mortalité le plus élevé : 50 % pour les EI à staphylocoques sur prothèse valvulaire alors qu'il n'est que de 10 % pour les EI sur valve native à streptocoques oraux.

Le pneumocoque et les BGN sont plus souvent responsables de destructions valvulaires graves. Les levures forment des végétations très volumineuses et sont moins accessibles au traitement anti-infectieux, nécessitant presque toujours un traitement chirurgical.

Le pronostic d'une EI est également fortement dépendant du terrain sur lequel apparaît l'EI : diabète, immunodépression, insuffisance cardiaque pré-existante.

Traitement

Antibiothérapie (les posologies ne sont pas à savoir mais données à titre indicatif)

L'antibiothérapie vise à obtenir l'éradication microbienne définitive au niveau du site de l'infection. Elle est difficile à obtenir du fait de la faible vascularisation de l'endocarde, de l'important inoculum bactérien sur le site de l'infection et de sa protection par l'amas de fibrine constituée, de la bactériémie permanente permettant une recolonisation régulière des végétations.

L'antibiothérapie utilisée se doit donc d'être bactéricide, prolongée (4-6 semaines du fait de la diffusion difficile de certains antibiotiques au sein des végétations) et à fortes doses, administrées par voie parentérale (voie permettant une biodisponibilité totale), en association pour obtenir des synergies.

Un avis infectiologique doit être pris lors de l'instauration du traitement antibiotique d'une EI. On débute par un traitement probabiliste juste après réalisation des hémocultures dans les cas de sepsis grave / choc septique ou de forte suspicion clinique d'EI ou d'indication de chirurgie valvulaire en urgence. Dans les situations moins urgentes, l'antibiothérapie est documentée et adaptée aux résultats de l'examen direct des hémocultures.

La durée du traitement antibiotique est la même qu'il y ait ou non la nécessité d'un recours à une chirurgie.

La disparition de la fièvre, le maintien de l'apyrexie, la négativation des hémocultures et la disparition du syndrome inflammatoire biologique sont les meilleurs garants de l'efficacité de l'antibiothérapie.

L'ETT et l'ETO doivent être répétées fréquemment surtout si le processus infectieux ne semble pas être maîtrisé ou en cas d'apparition d'insuffisance cardiaque.

La prescription simultanée d'héparine aggrave le risque d'hémorragie cérébrale et est de ce fait à proscrire.

Antibiothérapie des EI à streptocoques oraux et du groupe D

En cas de CMI à la pénicilline < 0.125 mg/L : on instaurera un traitement par pénicilline G 12-18 M UI/j ou amoxicilline 100-200 mg/kg/j ou ceftriaxone 2g/j IV ou IM +/- gentamicine 3 mg/kg/j.

En cas d'allergie à la pénicilline, on utilisera alors de la vancomycine 30 mg/kg/j +/- gentamicine 3 mg/kg/j. Ce traitement est à poursuivre pendant 4 semaines. Dans les EI non compliquées sur valve native, on peut ne traiter que pendant 2 semaines en cas de bithérapie comprenant de la gentamicine.

En cas de CMI à la pénicilline entre 0.125 et 2 mg/L : on instaurera alors de la pénicilline G à 24 M UI/L ou amoxicilline 200 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j.

En cas d'allergie à la pénicilline, on utilisera vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j. Ce traitement sera à poursuivre pendant 6 semaines dont 2 en bithérapie avec la gentamicine (4 semaines de traitement envisageables en cas d'EI non compliquées sur valve native).

Antibiothérapie des EI à entérocoques

Amoxicilline 200 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j.

En cas d'allergie à la pénicilline, on utilisera vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j. Ce traitement sera poursuivi pendant 4-6 semaines (6 semaines avec 2-4 semaines de gentamicine en cas d'EI sur prothèse ou si les symptômes évoluent depuis plus de 3 mois).

En cas d'EI à E. faecalis sensible aux β-lactamines et de haut niveau de résistance à la gentamicine, on utilisera l'association amoxicilline 2 x 2 g/j + ceftriaxone 200 mg/kg/j ou de la vancomycine en monothérapie en d'allergie à la pénicilline pendant au moins 6 semaines.

Antibiothérapie des EI à staphylocoques

Il faut distinguer les EI à staphylocoques sur valves natives et prothétiques et également le caractère sensible ou résistant à la méticilline des staphylocoques isolés sur les hémocultures.

SAMS :

Une EI à SAMS sur valve native se traite par oxacilline 200 mg/kg/j +/- gentamicine 3 mg/kg/j. En cas d'allergie à la pénicilline, on utilisera vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j. Ce traitement doit être poursuivi pendant 4-6 semaines avec 3-5 jours de gentamicine. D'après l'ESC 2016, un traitement par oxacilline seule est envisageable avec comme alternative cotrimoxazole + clindamycine en cas de souches sensibles.

En cas d'EI à SAMS sur valve prothétique : on utilise alors une trithérapie comprenant oxacilline 150 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j + rifampicine 20-30 mg/kg/j à introduire après 3-5 jours d'antibiothérapie ayant permis de stériliser les hémocultures.

En cas d'allergie à la pénicilline, on utilisera une trithérapie comprenant vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j + rifampicine 20-30 mg/kg/j selon le même schéma que précédemment.

Le traitement d'une EI à SAMS sur valve prothétique doit se faire sur au moins 6 semaines avec 2 semaines de gentamicine.

SARM :

Une EI à SARM sur valve native se traite par vancomycine 30 mg/kg/j +/- gentamicine 3 mg/kg/j et de la même manière en cas d'allergie à la pénicilline (la vancomycine faisant partie de la famille des glycopeptides et étant active sur les bactéries à Gram +) pendant 6 semaines avec 3-5 jours de gentamicine. Selon l'ESC 2016, on peut utiliser en alternative à la vancomycine, la daptomycine et l'association cotrimoxazole + clindamycine en cas de souches sensibles.

Sur une prothèse valvulaire, l'antibiothérapie doit comporter vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j + rifampicine 20-30 mg/kg/j à débuter en décalé par rapport aux autres antibiotiques. Cette antibiothérapie est à poursuivre pendant au moins 6 semaines avec 2 semaines de gentamicine.

Antibiothérapie des EI sans documentation microbiologique

En cas d'EI sur une valve native ou sur une prothèse valvulaire implantée depuis plus d'un an, le traitement antibiotique probabiliste se base sur l'association amoxicilline - acide clavulanique (Augmentin®) 12 g/j + gentamicine 3 mg/kg/j. En cas d'allergie à la pénicilline, on utilisera l'association vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j + ciprofloxacine 800 mg/j IV ou 1000 mg/j x 2 PO. Ce traitement est à poursuivre durant 4-6 semaines avec 2 semaines de gentamicine.

Selon l'ESC 2016, on peut utiliser un traitement de 1ère intention en probabiliste par amoxicilline + oxacilline + gentamicine permettant de couvrir les germes les plus souvent responsables des EI dans ce contexte. Ces schémas permettent de couvrir les streptocoques qui sont très fréquents dans ce contexte mais également les staphylocoques qui restent possiblement responsables d'EI dans ces délais.

En cas d'EI sur valve prothétique implantée il y a moins d'un an ou une EI rentrant dans le cadre d'une infection liée aux soins, on utilisera une association antibiotique comprenant vancomycine 30 mg/kg/j + gentamicine 3 mg/kg/j + rifampicine 20-30 mg/kg/j à instaurer en décalé par rapport aux autres traitement. Ce traitement est à poursuivre au moins 6 semaines avec 2 semaines de gentamicine. Ces schémas permettent ainsi de cibler les staphylocoques à coagulase négative résistants à l'oxacilline.

Antibiothérapie des EI à germes atypiques

EI à Brucella :

Doxycycline 200 mg/j + cotrimoxazole + rifampicine 20-30 mg/kg/j durant au minimum 3 mois, per os.

EI à Coxiella burnetii :

Doxycycline 200 mg/j + hydroxychloroquine 200-600 mg/j ou ofloxacine 400 mg/j pendant au moins 18 mois.

EI à Bartonella spp. :

Ceftriaxone 2 g/j ou amoxicilline 12 g/j + gentamicine 3 mg/kg/j ou doxycycline en monothérapie en cas d'allergie à la pénicilline pendant 6 semaines dont 2 semaines de gentamicine.

EI à Legionella spp. :

Erythromycine 3 g/j + rifampicine 20-30 mg/kg/j ou ciprofloxacine 1.5 g/j pendant 4 semaines dont 2 semaines par voie IV et 6 semaines de traitement per os par rifampicine ou ciprofloxacine.

Traitement chirurgical

Il permet d'améliorer la survie des patients présentant une destruction valvulaire d'origine infectieuse par rapport au traitement médical seul. Deux temps sont nécessaires dans cette chirurgie : débridement des tissus infectés ou nécrosés puis reconstruction des dégâts anatomiques.

En cas d'EI simple limitée aux sigmoïdes ou aux valves, on réalisera une réparation ou un remplacement valvulaire. Il est possible de réaliser un remplacement valvulaire en présence d'une infection active, sans contamination de la nouvelle prothèse.

Autant que possible, il sera pratiqué une chirurgie avec préservation et réparation de la valve atteinte.

Les 3 indications à la chirurgie dans le cadre d'une EI sont l'insuffisance cardiaque, le non-contrôle de l'infection par l'antibiothérapie et les événements emboliques.

Indications chirurgicales sur valve native

On retient comme indication dans ce cadre :

  • Insuffisance cardiaque persistante sous traitement médical, en rapport avec une fuite valvulaire ou l'apparition d'une communication anormale ;
  • Persistance d'un syndrome infectieux non contrôlé par l'antibiothérapie ;
  • Endocardite fungique.

Cette chirurgie est aussi acceptable dans les situations suivantes :

  • Lésions para-annulaires sévères ou évolutives (abcès) de végétations volumineuses (> 15 mm) après un épisodes embolique ;
  • Insuffisance cardiaque régressive sous traitement médical avec fuite valvulaire sévère.

Indications chirurgicales sur prothèses valvulaires

On retient comme indications chirurgicales dans ce contexte :

  • Insuffisance cardiaque liée à une dysfonction prothétique ;
  • Persistance d'un syndrome infectieux malgré une antibiothérapie adaptée
  • Dysfonction prothétique sévère sans insuffisance cardiaque, abcès périprothétique sévère ou fistule, végétation volumineuse après un épisode embolique ;
  • Endocardite à Staphylococcus aureus ou fungique.

Indications chirurgicales sur stimulateur cardiaque ou DAI

Extraction complète du matériel (boitier + sondes) par voie percutanée ou chirurgicale puis discussion d'une réimplantation de matériel neuf si possible à distance (en privilégiant l'utilisation de sondes épicardiques).

Au final, il y a 3 grands groupes d'indication à la chirurgie dans une EI :

Hémodynamiques +++ :

  • Apparition et/ou aggravation d'une insuffisance cardiaque ne répondant pas au traitement médical ;
  • Obstruction valvulaire par la végétation, suppuration intracardiaque par abcès périvalvulaire ou septal, désinsertion de prothèse.

Infectieuses :

  • Fièvre persistante avec hémocultures positives sans cause retrouvée malgré un traitement adapté ;
  • Indications microbiologiques (germes n'étant pas contrôlés par l'antibiothérapie seule) :
  • Pseudomonas, Coxiella, Brucella, EI fungiques ;
  • EI à S. aureus sur prothèse ;
  • Multi-résistance avec absence d'effet bactéricide possible (Pseudomonas) ;
  • EI à hémocultures négatives d'évolution défavorables sous traitement probabiliste.

Emboliques :

  • Végétation persistante et embolie systémique clinique ou infraclinique en particulier si la végétation est mobile ;
  • Embols répétés ;
  • À discuter systématiquement devant une grosse végétation > 10 mm en particulier si insuffisance cardiaque, abcès en particulier si c'est la valve mitrale qui est atteinte ;
  • À discuter si très grosse végétation > 15 mm même isolée.

A noter qu'il n'y a pas de contre indication absolue à la chirurgie en cas d'infarctus cérébral.

Prévention des EI

Elle a pour objectif d'empêcher la greffe bactérienne à l'endocarde des patients à risque de développer des EI. Elle passe par un dépistage et un traitement précoce des portes d'entrées infectieuses potentielles. Les patients à risque doivent alors être informés de la nécessité absolue de consulter rapidement en cas de fièvre et de l'importance de réalisation des hémocultures avant toute antibiothérapie dans le but d'identification du germe.

Dans cet objectif de limiter les portes d'entrées potentielles, il est conseillé aux patients à risque le maintien d'une hygiène bucco-dentaire rigoureuse avec brossage correct et régulier des dents et visite semestrielle chez un chirurgien-dentiste avec détartrages réguliers, éradication des foyers infectieux potentiels ou avérés.

Dans le but de prévenir les portes d'entrées infectieuses cutanées chez ces patients, les cathéters veineux doivent être utilisés dans des indications clairement établies et pendant la durée la plus courte possible.

L'antibioprohylaxie dans les gestes à risque bactériémique est réservée aux seuls patients à risque très élevé d'EI (groupe A) dans un souci d'augmentation de la résistance des bactéries aux antibiotiques. Les patients concernés par cette antibioprophylaxie sont les patients :

  • Porteurs de prothèse valvulaire ;
  • Ayant un antécédent d'EI ;
  • Porteurs d'une cardiopathie congénitale cyanogène non opérée ou corrigée incomplètement ou pendant les 6 mois après correction (sauf CIA) ;

ET qui doivent avoir les soins suivants :

  • Geste nécessitant une manipulation de la gencive ou de la région péri-apicale ou une effraction muqueuse.

Dans toutes les autres situations de cardiopathies ou de procédures invasives, l'antibioprophylaxie n'est plus recommandée.

Cette antibioprohylaxie se fait par la prise unique par voie orale une heure avant le geste (ou en IV si la voie orale est impossible) de 2 g d'amoxicilline ou d'ampicilline, 50 mg/kg chez l'enfant ou, en cas d'allergie à la pénicilline de clindamycine 600 mg, 20 mg/kg chez l'enfant.