- Psychiatrie
- UE 5
- Item 142
Important
Deuil normal et pathologique
DEUIL NORMAL
Correspond aux réactions EMOTIONNELLES, COGNITIVES, FONCTIONNELLES, COMPORTEMENTALES & SOCIOCULTURELLES face à la perte d’un proche (parent, épouse, ami)
- Le plus fréquent: épouse qui perd son compagnon vieux
- Dans 70% des cas en institution sanitaire
Pas simplement une douleur morale, PROCESSUS COMPLEXE : nécessité d’évolution vers l’apaisement et une réorganisation pour traverser la difficulté existentielle (=résilience)
- EVITER L’EVOLUTION VERS L’EPISODE DEPRESSIF CARACTERISE+++
ETAPES DU DEUIL
PHASE DE CHOC (« DETRESSE »)
- ETAT DE SIDÉRATION AFFECTIVE / ABATTEMENT
- Durée : QUELQUES HEURES À QUELQUES JOURS
Prise de conscience progressive du caractère permanent de la perte entraîne…
DECHARGE EMOTIONNELLE
- TRISTESSE, COLÈRE, DÉSESPOIR, CULPABILITÉ… / COMPORTE SOUVENT DES SYMPTÔMES DÉPRESSIFS
› Détermine l’évolution soit vers un état fonctionnel (phase 3) / soit vers un deuil pathologique (si stagnation)
- Durée : QUELQUES SEMAINES À 1 AN
Risque d’EDC+++ jusqu’à…
REORGANISATION ET ACCEPTATION
- ADAPTATION À VIE QUOTIDIENNE INVESTIE À NOUVEAU (mais différemment)
- Durée : à partir 6 MOIS - 1 AN
PROCESSUS CORRESPOND A UNE CERTAINE DYNAMIQUE, PEUT PARFOIS ETRE LONG ET PAR MOMENT RESSEMBLER A EDC
CONSEQUENCES SUR LA SPHERE BIO-PSYCHO-SOCIALE
BIOLOGIQUE
Fragilisation / DECOMPENSATION DE PATHOLOGIES PRE-EXISTANTES OU APPARITION DE NOUVEAUX TROUBLES
- Douleurs, troubles digestifs, fatigue, troubles du sommeil
- RISQUE+++ DE PATHOLOGIE ISCHÉMIQUE dans les suites d’un deuil (surtout chez les personnes âgées)
PSYCHOLOGIQUE
FORTE REACTIVITE EMOTIONNELLE
- ETAT DE CHOC ET DE SOUFFRANCE (envahissant et constant au début / puis vagues induites par souvenirs du défunt)
- Qui s’entremêle avec des PENSÉES POSITIVES (=vécues parfois avec culpabilité) / FAVORISENT+++ le processus
STRATEGIES D’ADAPTATION
- POSITIVES : acceptation perte / redéfinition de la perte dans un sens positif / rationalisation de la mort / humour › permet de se protéger
- NÉGATIVES : alcool / évitement / recherche d’isolement › accentue le sentiment de tristesse – désespoir
INTEGRATION DU CARACTERE EFFECTIF ET IRREVERSIBLE DE LA MORT
Manifestation psychiques possibles : rêves du défunt / sentiment de présence / impression d’entretenir une discussion avec le défunt
A MESURE DE L’ADAPTATION EN INTEGRANT LE DECES DU PROCHE : VECU EMOTIONNEL MOINS INTENSE
CHANGEMENT DE PERSPECTIVES POSSIBLES : + D’AUTONOMIE ET D’INDEPENDANCE / NOUVEAUX OBJECTIFS EXISTENTIELS
SOCIAL
- EXACERBATION DE CONFLITS / APAISEMENT DE BLESSURES ANCIENNES
- MODIFICATION DES RELATIONS FAMILIALES :
- FAMILLE ET AMIS = soutient important QUI FAVORISE LE PROCESSUS DE DEUIL / permettent d’exprimer sa souffrance et de la partager
- MILIEU SOCIO CULTUREL = influence le processus de deuil (rituels++) + changements dans les relations socio-affectives
- Enfants peuvent mimer l’attitude du parent décédé, en rassurant l’autre parent
- Evitements dans le couple à l’occasion de la perte d’un enfant
- Mais parfois évitent la personne endeuillée quelques temps car ils se sentent submerger par sa souffrance
- Tendance à l’isolement (plutôt dans les sociétés occidentales)
- Regroupement de la communauté
Pendant phase tardive de deuil et d’intégration = nouvelles relations sociales (remariages fréquents dans les 2 ans après perte du conjoint / hommes++)
DEUIL CHEZ ENFANT/ADOLESCENT
- Réaction INITIALE MODÉRÉE / EFFETS COMPLETS PLUS TARDIFS
- SENTIMENTS : moins de tristesse / plus de colère, peur de l’abandon, troubles du comportement / hostilité contre le défunt ou le parent survivant (qui pourrait l’abandonner aussi) / régression dans les acquisitions
- CARACTERISTIQUES DEPENDENT : âge / personnalité / niveau de développement / relation avec le défunt / expériences passées de deuils
- Expriment leurs sentiments+++ dans des jeux liés à la mort
Risque complications psychiatriques++ : trouble anxieux / épisode dépressif caractérisé (Plus de risque de trouble psychiatrique, notamment dépressif, à l’âge adulte si endeuillé dans l’enfance)
ENVIRONNEMENT SOCIO-AFFECTIF CRUCIAL+++ : encourager l’enfant à exprimer ses sentiments et inquiétudes / réponses simples & claires
DEUIL CHEZ LA PERSONNE AGEE
Facteurs++ pouvant compliquer le deuil : vieillesse = fragilité médicale (non psy) cognitive et sociale / deuils de + en + fréquents avec la vieillesse
- Période de réorganisation plus longue (++ si isolement socio-affectif, comorbidités somatiques et psychiatriques)
La vieillesse n’est pas en soi un risque de deuil pathologique MAIS ils sont plus exposés au risque d’épisode dépressif caractérisé et au risque suicidaire (hommes / plus ils vieillissent++++)
S’ils sont bien entourés = pas plus de difficultés
SUJETS AGES PARTICULIEREMENT EXPOSES AU RISQUE :
- Risque épisode dépressif caractérisé
- Risque de suicide (++ si on avance en âge / être un homme)
› Le deuil normal dure environ 2 – 3 mois
Dans certains cas le deuil peut se compliquer :
- NON ÉVOLUTION PROCESSUS DE DEUIL vers PHASE DE RÉORGANISATION (altérations comportementales, émotionnelles, cognitifs avec limitation du fonctionnement social) = DEUIL PATHOLOGIQUE, COMPLIQUE, PROLONGE, OU COMPLEXE PERSISTANT
- TROUBLE PSYCHIATRIQUE = EPISODE DEPRESSIF CARACTERISE ASSOCIE A UN RISQUE SUICIDAIRE
DEUIL PATHOLOGIQUE
DEUIL COMPLIQUE PERSISTANT
Deuil pathologique (ou deuil compliqué persistant) : persistance de symptômes psychiques sévères et invalidants avec incapacité fonctionnelle importante
- >12 MOIS CHEZ L’ADULTE
- >6 MOIS CHEZ L’ENFANT
LE DEUIL SE COMPLIQUE DE : troubles du comportement / émotionnels / cognitifs / limite du fonctionnement social / épisode dépressif caractérisé pendant la période de deuil
SYMPTOMES : nostalgie / ruminations envahissantes associée à une détresse intense / perturbations dans les relations sociales et dans sa propre existence
Critères symptomatiques du deuil complexe persistant
Au moins 1 symptôme parmi les 4 suivants
- Fort DESIR/BESOIN PERSISTANT concernant le défunt
- PLAINTE INTENSE ET DOULEUR EMOTIONNELLE en réponse à la mort
- PREOCCUPATION à propos du DEFUNT
- Préoccupation à propos des CIRCONSTANCES DU DECES
Au moins 6 symptômes parmi les 12 suivants
- DIFFICULTE marquée à ACCEPTER LE DECES
- INCREDULITE OU TORPEUR EMOTIONNELLE à propos de la perte
- DIFFICULTES CAUSEES PAR le rappel de SOUVENIRS POSITIFS concernant le défunt
- AMERTUME OU COLERE en lien avec la perte
- EVALUATION INADAPTEE DE SOI–MEME par rapport au défunt ou à son décès (auto accusation)
- EVITEMENT EXCESSIF DE ce qui rappelle la perte
- DESIR DE MOURIR afin d’être avec le défunt
- DIFFICULTES A FAIRE CONFIANCE à d’autres individus depuis le décès
- Sentiment de SOLITUDE ou d’être DETACHE DES AUTRES depuis le décès
- Sentiment que la VIE N’A PLUS DE SENS OU est VIDE de sens sans le défunt, ou la croyance que l’on ne peut pas fonctionner sans le défunt
- CONFUSION AU SUJET DE SON ROLE DANS LA VIE, ou sentiment de perte d’une partie de son identité
- DIFFICULTE OU RETICENCE A MAINTENIR DES INTERETS depuis la perte ou à se projeter dans le futur
EPISODE DEPRESSIF CARACTERISE
- LE DEUIL EST L’UN DES FACTEURS DE STRESS LE PLUS À RISQUE D’ÉPISODE DÉPRESSIF CARACTÉRISÉ +++
- ANTÉCÉDENTS FAMILIAUX ET PERSONNELS DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES, DE L’HUMEUR++
- EPISODE DÉPRESSIF CARACTÉRISÉ AU COURS DU DEUIL EST SIMILAIRE À UN ÉPISODE DÉPRESSIF CARACTÉRISÉ HORS DEUIL : au niveau clinique / pronostic (durée, comorbidité, réponse aux traitement)
Deuil normal | EDC |
Affect prédominant : SENTIMENT DE VIDE ET DE PERTE | Affect prédominant : HUMEUR DEPRESSIVE PERSISTANTE ET INCAPACITE A ANTICIPER DES MOMENTS DE PLAISIR ET DE JOIE |
Réactions émotionnelles vives DECLENCHEES PAR DES SOUVENIRS DU DEFUNT / diminuent en intensité avec le temps | Humeur DEPRESSIVE QUASI-CONSTANTE, non déclenchée uniquement par les souvenirs du défunt |
Périodes D’AFFECTS POSITIFS PRESENTS | TRISTESSE ET EMOTIONS NEGATIVES PERSISTANTES |
Tendance à la RUMINATION DES SOUVENIRS DU DEFUNT | Tendance aux pensées PESSIMISTE ET A L’AUTODEPRECIATION |
ESTIME DE SOI PRESERVEE | FAIBLE ESTIME DE SOI, avec sentiment de dégout de soi et d’inutilité |
Idée de suicide : pour « REJOINDRE » LE DEFUNT | Idée de suicide : associée à un SENTIMENT D’INUTILITE, DE NE PAS MERITER DE VIVRE, INCAPACITE DE FAIRE FACE A LA SOUFFRANCE |
Commun aux deux : tristesse de l’humeur & repli social
Différences : deuil on a encore des pensées positives / plus fluctuant
Sujets veufs
- EDC à 1 mois : 30%
- EDC à 7 mois : 25%
- EDC entre 1 et 2 ans : 15%
90% des personnes endeuillées ressentent une « souffrance intense » dans les 2 mois › 20% ont un réel EDC
RISQUE SUICIDE
- Fortement augmenté, dans LES QUELQUES JOURS SUIVANT LE DÉCÈS+++ (« aller rejoindre le défunt »)
- Lors de la 1ère semaine du deuil : X50 CHEZ L’HOMME // X10 CHEZ LA FEMME
AUTRES TABLEAUX PSYCHIATRIQUES DU DEUIL COMPLIQUE
- TROUBLE DE STRESS POST TRAUMATIQUE surtout si conditions aiguës du décès
- DECOMPENSATION DE TOUT TROUBLE PSYCHIATRIQUE PRE REXISTANT (comorbidités addictives)
- SYMPTOMES ANXIEUX (trouble anxieux généralisé++)
ACCOMPAGNEMENT DE LA PERSONNE EN DEUIL
PLAINTES ADRESSEES AU MEDECIN
- INSOMNIE / SOMMEIL DE MAUVAISE QUALITÉ
- ANOREXIE (perte du plaisir, perte du désir)
- EPUISEMENT PHYSIQUE (efforts extrêmes et contradictoires de se remémorer la vie d’avant)
- RALENTISSEMENT DE LA PENSÉE / DIMINUTION DE L’ATTENTION ET DE LA CONCENTRATION
- DOULEUR MORALE PLUS QUE TRISTESSE / humeur sombre de l’endeuillé
MEDICALISATION DU DEUIL ?
Le deuil n’est pas pathologique en soi
- RISQUE DU SUR-MEDICALISATION DU DEUIL : prescription excessive de psychotropes (anti-dépresseurs) / bien faire la différence entre deuil et ses complications possibles
Mais toute personne endeuillé doit/peut bénéficier des évaluations et prises en charge
CONSULTATION MEDICALE DE LA PERSONNE ENDEUILLEE
- Accompagnement par ECOUTE EMPATHIQUE
- Identifier et expliquer les ETAPES DU PROCESSUS NORMAL DU DEUIL
- Expliquer L’IMPACT DU DEUIL BIOPSYCHOSOCIAL (évolution vers réorganisation)
- Identifier un éventuel DEUIL PATHOLOGIQUE : recherche facteurs de risque / attitudes favorisantes
- Identifier un éventuel EPISODE DEPRESSIF CARACTERISE (ou autre pathologie psychiatrique – Trouble anxieux généralisé++) : cherche facteurs de risque / attitudes favorisantes (antécédents++)
- Rechercher et évaluer un risque de PASSAGE A L’ACTE SUICIDAIRE
- REALISER UN EXAMEN SOMATIQUE : CARDIOVASCULAIRE++
- Insister sur l’importance de PARTAGER SA SOUFFRANCE AVEC AMIS/FAMILLE
- Décès : mort soudaine, inattendue, violente ou par suicide, génération plus jeune…
- Endeuillé : femme, âge jeune, antécédent psychiatrique, répétition de deuil, relation d’attachement avec défunt
SI DEUIL PATHOLOGIQUE : suivi régulier / orientation vers prise en charge spécialisée si nécessaire
SI EPISODE DEPRESSIF CARACTERISE MAJEUR : bien s’assurer que les symptômes se distinguent d’un deuil normal / évaluation / prise en charge identique à épisode dépressif caractérisé (prendre en charge le risque suicidaire++)
SURVEILLANCE DU DEUIL NORMAL
- RISQUE DE DÉCOMPENSATION/APPARITION DE PATHOLOGIES MÉDICALES PSYCHIATRIQUES ET NON-PSYCHIATRIQUES
- Identification PHASE DU DEUIL ou en est le patient (lui rappeler que ça va passer)
La plupart des deuils : pas de prise en charge médicale (++ si épisode dépressif caractérisé / deuil pathologique)
ACCOMPAGNEMENT DANS LES SITUATIONS A RISQUE
LE MEDECIN DOIT POUVOIR
- Identifier et surveiller un processus de deuil normal
- Identifier un deuil complexe persistant
- Evaluer le risque suicidaire
SITUATIONS A RISQUE D’EVOLUTION VERS DEUIL PATHOLOGIQUE
Difficulté persistante à accepter la mort
- Interprétations négatives de la mort
- Hyper-investissement des activités en lien avec le défunt (ranger ses affaires)
- Comportements d’évitement persistants
FDR
- Nature de la relation avec le défunt
- Antécédents de troubles de l’humeur et troubles anxieux
- Certains types de personnalité (dépendantes++)
- Certaines circonstances de la mort (soudaine / inattendue / violente)
- Absence du patient au moment du décès / corps non retrouvé
IL FAUT
- ASSURER UN SUIVI REGULIER
- IDENTIFIER LES ATTITUDES DELETERES
- SUGGERER DES STRATEGIES D’ADAPTATION (ne pas rester seul / partager sa souffrance)
- PROPOSER PRISE EN CHARGE PSYCHIATRIQUE SI LES SYMPTOMES PERSISTENT
PEC DES COMPLICATIONS DU DEUIL
DEUIL COMPLIQUE PERSISTANT
- Antidépresseurs inefficaces ++++
- PSYCHOTHERAPIES CIBLEES SUR LE DEUIL PATHOLOGIQUE++ : THERAPIE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE +++
EPISODE DEPRESSIF CARACTERISE & COMPLICATIONS PSYCHIATRIQUES DU DEUIL
- NE PAS SOUS-ESTIMER LES SYMPTÔMES EN FAVEUR D’UN ÉPISODE DÉPRESSIF CARACTÉRISÉ sous prétexte qu’ils apparaissent au cours d’une période stressante
- PRISE EN CHARGE IDENTIQUE des troubles psychiatrique au cours et en dehors du deuil
RECHERCHE CRITERES DE GRAVITE ET RISQUE SUICIDAIRE++++
EPISODE DEPRESSIF CARACTERISE LEGER : information du patient / soutien psychologique / surveillance rapprochée
EPISODE DEPRESSIF CARACTERISE MODEREE OU SEVERE : psychothérapie ciblée et/ou traitement AD discutés
- ANTIDÉPRESSEURS++ SI : Antécédent d’épisode dépressif caractérisé / idées suicidaires / ralentissement psychomoteur / sentiment de culpabilité marqué / retentissement fonctionnel sévère
- ILS N’ENTRAVENT PAS LE PROCESSUS DE DEUIL++
DEUIL ET MORTALITE
- Mortalité cardio-vasculaire x 2 dans la première année de veuvage
- Si perte d’un enfant : mortalité x2 pour les pères / x4 pour les mères (perdure jusqu’à 30 ans après perte)
- Alcool, tabac, prise de risque