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Cirrhose et complications

Diagnostiquer une cirrhose

Définition

La définition de la cirrhose est histologique : il s'agit d'une désorganisation de l'architecture hépatique avec une fibrose annulaire délimitant des nodules de régénération (hépatocytes en amas). Toutes les maladies hépatiques d'évolution prolongée peuvent aboutir à la constitution d'une cirrhose, habituellement après 10 à 20 ans d'évolution.

Différents stades évolutifs et complications

La cirrhose est d'abord asymptomatique, les complications graves pouvant être :

  • DES HÉMORRAGIES DIGESTIVES
  • UNE ASCITE
  • DES INFECTIONS
  • UNE ENCÉPHALOPATHIE
  • UN SYNDROME HÉPATO RÉNAL
  • UN CARCINOME HÉPATO CELLULAIRE (1-5% par an)

Diagnostic

Le diagnostic historique de cirrhose reposait sur un examen histologique ; mais des tests non invasifs sont de nos jours recommandés pour évaluer la fibrose (Fibroscan, Fibromètre, Fibrotest…). Plusieurs signes cliniques et biologiques accompagnent la cirrhose, lorsque découverte à un stade décompensé.

Examen Clinique

Il peut être normal mais on observe fréquemment des signes d'insuffisance hépatocellulaire (angiomes stellaires, érythrose palmaire, leuconychie, ictère, foetor hepaticus, troubles de la conscience, asterixis, hypogonadisme) et des signes d'hypertension portale (ascite, circulation veineuse collatérale, splénomégalie). Le foie est dur avec un bord inférieur irrégulier.

Biologie

Le bilan hépatique peut être normal.

L'insuffisance hépatique est mise en évidence par :

  • UNE DIMINUTION DES FACTEURS DE LA COAGULATION (TP / fV)
  • UNE ÉLÉVATION DE L'INR
  • UNE DIMINUTION DE L'ALBUMINE
  • UNE ÉLÉVATION DE LA BILIRUBINE

L'HTP s'accompagne d'un hypersplénisme : thrombopénie +++, voire leucopénie et anémie.

On observe dans les cirrhoses alcooliques une macrocytose et un bloc beta gamma sur l'électrophorèse des protides.

Il peut exister une élévation de la ferritinémie sans forcément être témoin d'une hémochromatose.

Imagerie et endoscopie

L'échographie est l'examen systématique de première intention : on visualise une irrégularité des contours du foie, une atrophie fréquente du lobe droit, une hypertrophie fréquente du lobe gauche, une ascite, une splénomégalie ainsi qu'une circulation collatérale. Si l'hypertension portale est sévère, le flux sanguin portal peut devenir hépatofuge. L'échographie permet aussi de dépister le carcinome hépatocellulaire.

L'endoscopie oeso-gastroduodénale permet de mettre en évidence des varices œsophagiennes.

Examen histologique

Conditions de réalisation de la biopsie percutanée :

  • TP > 50 %
  • PLAQUETTES > 600 000 G/L
  • PAS D'ASCITE VOLUMINEUSE
  • PAS DE DILATATION DES VOIES BILIAIRES INTRA-HÉPATIQUES.

Si ces conditions ne sont pas remplies, on réalise la biopsie par voie transjugulaire.

La biopsie permet de mettre en évidence d'autres lésions spécifiques d'une cause (hépatite alcoolique) ou d’évaluer l'activité d'une hépatite virale. Elle n'est pas indispensable au diagnostic de cirrhose.

Alternatives à la biopsie

Il existe des tests biologiques sanguins (Fibrometre, Fibrotest, Hepascore) permettant d'évaluer le taux de fibrose. L'élastométrie impulsionnelle (FibroScan), basée sur l'analyse de la propagation d'une onde d'ultrasons, le permet également. Ces tests sont pour l'instant seulement recommandés dans la cirrhose induite par le VHC.

Diagnostic des causes de cirrhoses

Causes fréquentes :

  • CONSOMMATION EXCESSIVE D'ALCOOL
  • VHB
  • VHC
  • STÉATOPATHIE NON ALCOOLIQUE

Causes rares :

  • Hépatite chronique B - Delta
  • Cirrhose biliaire primitive
  • Cholangite sclérosante primitive
  • Cirrhose biliaire secondaire
  • Hépatite auto-immune
  • Hémochromatose génétique
  • Syndrome de Budd Chiari

Causes très rares :

  • Maladie de Wilson
  • Déficit en alpha 1 antitrypsine.

Situations d'urgence

Hémorragie digestive par rupture de VO ou de VG

Plusieurs causes de saignement digestif existent chez le cirrhotique :

  • Rupture de varices œsophagiennes (RVO)
  • ulcères peptiques gastriques ou duodénaux
  • gastropathie d'hypertension portale
  • Rupture de varices gastriques ou ectopiques

Diagnostic et appréciation de la gravité

L'hémorragie digestive se manifeste par une hématémèse ou un méléna (toucher rectal systématique!) voire des rectorragies. On peut observer en fonction de l'abondance une pâleur, une tachycardie, une hypotension voire un choc, ces signes participent à l'appréciation de la gravité.

Une endoscopie oeso-gastroduodénale doit être pratiquée en urgence, dans les 12 heures, le patient étant conscient et stabilisé sur le plan hémodynamique.

Prise en charge d'une hémorragie digestive liée à l'hypertension portale

Ces patients doivent être transférés en USI ou en réanimation. La pose de 2 voies veineuses périphériques et la stabilisation de la pression artérielle moyenne aux environs de 65 mmHg grâce au remplissage vasculaire sont les premières mesures d'urgence, sans excès favorisant les récidives hémorragiques. La transfusion se justifie en dessous de 7g/ dL d'hémoglobine ou si l'hématocrite est inférieur à 25%.

La biologie de base est demandée : NFS, TP TCA, Groupe Rh RAI.

La sonde naso gastrique n'est pas mise en place de façon systématique et peut être remplacée par une perfusion d'érythromycine 30 à 60 minutes avant la gastroscopie (Contre-indiquée si QT long).

L'objectif principal est d'empêcher la récidive de l'hémorragie.

Traitement vaso actif :

Il doit être instauré en urgence : somatostatine ou analogues de la somatostatine (Octreotide), ou encore des dérivés de la vasopressine (terlipressine, contre indiquée si coronaropathie ou AOMI), pendant 2 à 5 jours.

Au-delà, on introduit des béta-bloquants au long cours.

Antibioprophylaxie : Compte tenu des complications infectieuses très fréquentes, une antibioprophylaxie par Norfloxacine ou C3G pour 7 jours doit être instaurée.

Endoscopie : A la fois diagnostique et thérapeutique (ligature des varices oesophagiennes).

Hémorragie active : 30-50% de mortalité en l'absence de traitement. L'hémostase peut être obtenue par geste endoscopique. En cas d'échec, on utilise une sonde de tamponnement oesophagien (Blackmore) ou un geste de TIPS (shunt porto cave intra hépatique).

Le TIPS précoce des patients Child B et C présentant une hémorragie active serait susceptible d'améliorer le contrôle du saignement et de diminuer la récidive hémorragique.

L'encéphalopathie

L'encéphalopathie hépatique résulte de l'insuffisance hépatique et de shunts veineux porto systémiques. Les facteurs déclenchants les plus fréquents sont les infections bactériennes, les hémorragies digestives, la prise de sédatifs, l'insuffisance rénale, l'hyponatrémie, la constipation.

Il s'agit en premier lieu de rechercher et corriger ces facteurs déclenchants éventuels. La prévention de l'inhalation par la mise en place d'une sonde gastrique et la position demi-assise est une priorité, l'intubation étant rarement nécessaire.

Le lactulose peut être utilisé en traitement curatif et en prévention secondaire. En cas d'échec, on prescrit un antibiotique non résorbable (rifaximine) en prévention secondaire des récidives.

Infection du liquide d'ascité

Les signes cliniques de l'infection du liquide d'ascite (ISLA) sont la fièvre, des douleurs abdominales, une diarrhée, une encéphalopathie, accompagnées d'une hyperleucocytose.

Elle peut aussi être asymptomatique, ce qui confère un caractère systématique à la ponction exploratrice pour tout patient présentant une poussée d'ascite, susceptible de se compliquer d'encéphalopathie, de sepsis grave, d'insuffisance rénale voire de décès.

Le diagnostic repose sur le taux de polynucléaires neutrophiles dans l'ascite supérieur à 250/mm3, les germes en cause étant souvent des entérobactéries. La bactériascitie est définie par une culture positive dans l'ascite et un taux de neutrophiles inférieur au seuil de 250 / mm3, la prise en charge étant la même que celle d'une ISLA.

Traitement :

  • ANTIBIOTHÉRAPIE PENDANT 5-7 JOURS par céfotaxime 1g x4 / j en intraveineux, ou AUGMENTIN 1 g x 3/j en intraveineux avec relai per os après 24h, ou Ofloxacine 200 mg x2 / j per os ou en intraveineux.
  • PERFUSION D'ALBUMINE 1.5 g/kg à J1 et 1g/kg à J3.

Une ponction de contrôle doit être réalisée à 48h, elle doit montrer une diminution de moitié du taux de PNN. En cas d'infection polymicrobienne, il faut penser à rechercher une perforation digestive.

A distance, on propose une antibioprophylaxie par norfloxacine 400 mg/j jusqu'au contrôle de l'ascite ou jusqu'à la transplantation.

Syndrome hépato rénal

Il correspond à une insuffisance rénale d'allure fonctionnelle non corrigée par le remplissage vasculaire et est observé chez les patients présentant une insuffisance hépatique sévère (TP <50%) et une ascite réfractaire. On retrouve une oligurie, une augmentation rapide de la créatininémie et de l'urée ainsi qu'une natriurèse effondrée.

Le pronostic est mauvais et l'espérance de vie de quelques semaines.

Traitements : terlipressine et noradrénaline, dont l'effet n'est que temporaire. La transplantation hépatique est le seul traitement durable.

Attitude thérapeutique et Suivi du Patient

Traitement de la cause

Cirrhose Alcoolique et hépatite alcoolique

La première prise en charge consiste à ARRETER l'alcool.

L'hépatite alcoolique aigue (HAA) est une complication fréquente chez le cirrhotique alcoolique. Elle se manifeste par un ictère, parfois accompagné de fièvre. On retrouve une bilirubine élevée <50 µmol/L, une chute du TP, et un syndrome inflammatoire biologique.

La gravité de l'HAA est évaluée par le score de Maddrey : supérieur à 32, il définit une hépatite alcoolique aiguë sévère qui doit être confirmée par une ponction-biospie hépatique. Cette dernière montrera des corps de Mallory, un infiltrat de neutrophiles, une nécrose hépatocytaire, une ballonisation des hépatocytes et un aspect de stéatose.

(Tps Quick Malade (s) - Tps Quick témoin (s)) x 4.6 + Bilirubine totale (µmol/L) / 17

Une HAA sévère prouvée histologiquement doit être traitée par une corticothérapie (40 mg/j pendant 4 semaines).

Cirrhose secondaire à une hépatite chronique B

Le traitement antiviral est systématique, même lorsque la virémie est basse.

Cirrhose secondaire à une hépatite chronique C

Depuis 2014, de nouveaux antiviraux directs sont disponibles sur le marché en ATU : sofosbuvir, daclatasvir, siméprévir. Ils sont très efficaces, bien tolérés et alloués en priorité aux patients les plus sévères.

Autres causes

  • NASH : contrôle de la surcharge pondérale, du diabète, de la dyslipidémie.
  • CBP : Acide ursodésoxycholique
  • CSP : Acide ursodésoxycholique, moins efficace que dans la CBP
  • HÉPATITE AUTO IMMUNE : CTC + Azathioprine
  • HÉMOCHROMATOSE : déplétion par saignées
  • SYNDROME DE BUDD CHIARI : traitement anticoagulant
  • MALADIE DE WILSON : chélateurs du cuivre (D pénicillamine)

Traitement de l'ascité et des oedèmes

Prise en charge de l'ascite tendue

L'ascite tendue est traitée par une ponction évacuatrice, complétée par une expansion volémique par albumine humaine : 20 g pour 3L évacués, au-delà du 2e litre, pour éviter une destruction de la fonction rénale.

Traitement des poussées d'ascite

Il repose sur un régime désodé (2-3 g de sel / j) et sur des diurétiques : d'abord de la spironolactone (75 mg/j et jusqu'à 400 mg/j) puis du furosémide (40 mg jusqu'à 160 mg /j) si la réponse est insuffisante. La restriction hydrique est proscrite.

Lorsque l'ascite est contrôlée, les doses de diurétiques peuvent être diminuées jusqu'à l'arrêt mais le régime doit être maintenu. L'efficacité du traitement est jugée par la diminution du périmètre abdominal, la perte de poids, la diminution de la gêne, la diurèse et la natriurèse. Le traitement par diurétique impose une surveillance régulière de l’ionogramme.

Traitement de l'ascite réfractaire (= persistant malgré traitement médical optimal)

Ponctions itératives évacuatrices suivies d'une expansion volémique, TIPS et transplantation hépatique sont les options thérapeutiques disponibles.

Hernie Ombilicale

C'est une complication fréquente de l'ascite réfractaire. Les risques évolutifs étant l'étranglement et la rupture, ils constituent une indication chirurgicale.

Encéphalopathie chronique

Il s'agit d'une complication rare, concernant les patients ayant reçu un TIPS, porteurs d’une volumineuse circulation collatérale, ou encore d’une insuffisance rénale chronique.

Le seul traitement est la transplantation hépatique mais les laxatifs osmotiques ou la rifaximine peuvent contribuer à une amélioration.

Comorbidités

Il est recommandé de faire un bilan ORL, stomatologique et oesophagien chez les patients tabagiques à la recherche de cancers ; ainsi qu'un bilan cardio vasculaire.

Transplantation

La transplantation hépatique est le seul traitement durable et radical en cas de cirrhose décompensée. Elle doit être envisagée en cas d'insuffisance hépatique sévère (TP<50%), d'ascite réfractaire, d'ISLA, d'épisodes répétés d'encéphalopathie, d'encéphalopathie chronique, d'hémorragies digestives répétées ou de carcinome hépatocellulaire.

  • Dans la cirrhose alcoolique, la transplantation n'est envisagée qu'après plusieurs mois de sevrage complet, en l'absence d'amélioration spontanée.
  • Dans la cirrhose post VHB, un traitement antiviral préalable est requis.

Contre-indications à la transplantation :

  • ANTÉCÉDENTS PSYCHIATRIQUES
  • AGE AVANCÉ SUPÉRIEUR À 65-70 ANS
  • AFFECTION EXTRAHÉPATIQUE GRAVE
  • ANTÉCÉDENTS DE CANCER HORS CARCINOME HÉPATOCELLULAIRE

Prise en charge au long cours

Hypertension portale : prévention des hémorragies digestives

PRIMAIRE

Une endoscopie oeso-gasrtoduodénale doit être réalisée à la découverte de la cirrhose pour rechercher des facteurs prédictifs d'hémorragie digestive (présence de signes rouges, taille des varices). En l’absence de découverte de varices, une deuxième endoscopie est réalisée 3 ans après. Pour des varices oesophagiennes de stade I, on propose une surveillance de l'endoscopie à un an. Si l'on retrouve des varices oesophagiennes de stade II ou III, les béta-bloquants non cardio sélectifs sont indiqués : propranolol 80 à 160 mg/j ou nadolol 80 mg/j, avec comme objectif une diminution de 25% de la fréquence cardiaque ou un abaissement en dessous de 55 battements/min.

En seconde intention, on propose des séances itératives de ligature des varices œsophagiennes en cas de mauvaise observance ou de signes rouges.

SECONDAIRE

Les béta-bloquants sont introduits chez tous les malades en l'absence de contre-indications, en association avec les ligatures de varices oesophagiennes itératives. Après éradication, on poursuit les contrôles endoscopiques tous les 6 mois pendant un an.

Un TIPS peut être proposé dans les 72h chez les patients les plus sévères ou chez les patients traités présentant une récidive d'hémorragie digestive.

Contrôle de l'ascite

Il repose sur un régime désodé et la dose minimale efficace de diurétiques (ou l'absence de prescription de diurétique si absence de récidive à leur arrêt).

Si le taux de protides dans l'ascite est inférieur à 10g/L, une prophylaxie de l'ISLA par norfloxacine 400 mg/j est discutée.

Prévention de l'encéphalopathie

Elle repose principalement sur la contre-indication des anxiolytiques et hypnotiques (plus généralement, des sédatifs).

Dépistage du carcinome hépatocellulaire

L'incidence du carcinome hépatocellulaire chez le cirrhotique est de 1-5% / an.

Le dépistage repose sur une échographie hépatique tous les 6 mois, pouvant mettre en évidence un nodule suspect, des plages hypo ou hyper échogènes. En cas de doute, elle est complétée par un TDM ou une IRM avec produit de contraste. Il se révèle alors hypervasculaire au temps artériel et hypovasculaire au temps portal.

La biopsie peut être requise pour le diagnostic si l'imagerie n'est pas typique.

L'alpha foeto protéine supérieure à 500 ng/mL est presque spécifique du carcinome hépatocellulaire chez le cirrhotique.

Scores pronostiques

Deux scores sont couramment utilisés : le CHILD et le MELD.

Score de Child - Pugh :

Il correspond à la somme des points pour les 5 items suivants, aboutissant à la constitution de trois catégories :

  • CHILD A = 5 - 6
  • CHILD B = 7-9
  • CHILD C = 10-15
123
EncéphalopathieAbsenteConfusionComa
AsciteAbsenteDiscrèteAbondante
Bilirubine (µmol/L)<3535-50>50
Albumine (g/L)>3528-35<28
TP>5040-50<40

Score de MELD : Les trois variables prises en compte sont l'INR, la bilirubine et la créatininémie, dont il résulte un score compris entre 6 et 40. Le bénéfice de la transplantation hépatique n'est démontré que pour un score de MELD supérieur à 15, sauf en cas de carcinome hépatocellulaire.