- Neuro. et Neurochir.
- UE 5
- Item 132
Important
Bases neurophysiologiques, mécanismes physiopathologiques d'une douleur aiguë et d'une douleur chronique
La douleur : GÉNÉRALITÉS
Douleur
La douleur est définie comme une expérience désagréable, sensorielle et émotionnelle, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle.
Composantes de la douleur
Il y a 4 composantes de la douleur :
- La composante sensorielle via les mécanismes neurophysiologiques de la nociception.
- La composante émotionnelle par la connotation désagréable, pénible, liée à la perception douloureuse.
- La composante cognitive par le biais des processus mentaux pouvant moduler les autres dimensions de la douleur, et pouvant atténuer momentanément une douleur quand le patient est distrait.
- La composante comportementale qui réunit l’ensemble des manifestations observables, qu’elles soient physiologiques comme la sueur, l’hypertension, la tachycardie ou comportementales comme l’agitation, les plaintes, une position antalgique.
Définitions
L’allodynie est le fait de ressentir une douleur à une stimulation non douloureuse.
L’analgésie correspond à l’absence de douleur à un stimulus douloureux.
L’anesthésie signifie l’absence de sensation à un stimulus. L’hyperalgésie désigne une augmentation de l’intensité à un stimulus douloureux.
Types de douleurs
Il existe différents types de douleur.
- La douleur par excès de nociception est liée à une stimulation des récepteurs nociceptifs appelés nocicepteurs. Elle peut être provoquée par une lésion viscérale, traumatique, ou inflammatoire.
- La douleur neuropathique est liée à une lésion du système nerveux périphérique ou central. C’est une douleur le plus souvent à type de brûlures ou fulgurances.
- La douleur psychogène désigne une douleur dont l'origine est purement psychique comme par exemple les douleurs thoraciques de l’attaque de panique.
- La douleur idiopathique ou dysfonctionnelle correspond à un trouble somatoforme. Ce type de douleur est souvent associé à des comorbidités psychiatriques, et est caractéristique de pathologie comme la fibromyalgie, les céphalées de tension, la colopathie fonctionnelle.
- La douleur mixte ou associée est une douleur présentant plusieurs composantes.
La douleur : Les bases neurologiques
BASES NEUROPHYSIOLOGIQUES DE LA DOULEUR
VOIES DE LA DOULEUR
Physiopathologie de la douleur
Il existe 4 processus dans la physiopathologie de la douleur.
- La transduction correspond à la conversion de l'énergie du stimulus douloureux en énergie électrique.
- La transmission du signal vers la moelle épinière et le cerveau.
- La perception est l’appréciation des signaux arrivant aux structures de la douleur.
- La modulation qui s'effectue à de nombreux niveaux par les voies descendantes inhibitrices et facilitatrices venant du cerveau. On peut citer comme processus de modulation le phénomène cognitif d'attention ou encore le phénomène d'anticipation.
Transmission de la douleur
Il y a 3 neurones qui transmettent la douleur.
- Le 1er neurone, le protoneurone, est constitué de récepteurs périphériques, de fibres dendritiques, d’un ganglion spinal pour le relais et d’un axone. Son rôle est de conduire l’influx des nocicepteurs jusqu'à la corne postérieure de la moelle épinière.
- Le 2eme neurone appelé deuto-neurone permet la transmission spinothalamique par les voies ascendante médullaire.
- Le 3éme neurone permet la transmission thalamo-corticale.
Stimulus et message nociceptif
La stimulation douloureuse peut être mécanique, thermique, chimique ou électrique. Elle entraîne l’activation directe des récepteurs nociceptifs périphériques et la libération locale de molécules algogènes comme la bradykinine, la substance P, l’histamine, la sérotonine et les prostaglandines.
Voies nociceptives périphériques
Il existe 2 voies de la sensibilité consciente qui sont le système lemniscale et le système extra-lemniscale.
Le système extra-lemniscale est composé de fibres dendritiques A delta et C, c’est lui qui est responsable des sensations douloureuses.
Les fibres A delta sont peu myélinisées, leur conduction est rapide ou moyennement rapide et leurs terminaisons libres forment les nocicepteurs. Ces mécano-nocicepteurs qui sont parfois polymodaux, sont stimulés par une forte pression ou des stimuli thermiques. Ces fibres A delta sont responsables de la douleur épicritique qui est une douleur rapide, localisée et à type de piqûre.
Les fibres dendritiques C ne sont pas myélinisées et donc de conduction lente. Leur terminaison libre forme les nocicepteurs qui sont polymodaux. Ils sont sensibles à des pressions fortes, la température, et les stimuli chimiques. Ces fibres C sont responsables de la douleur protopathique qui est une douleur lente, diffuse et à type de brûlure.
Les fibres dendritiques A alpha et A bêta font parties des voies lemniscales. Elles sont très myélinisées donc de conduction rapide et avec une terminaison libre. Ces fibres A alpha et A beta sont responsables des sensations tactile et proprioceptive. Elles ne véhiculent pas de nociception.
Leur trajet passe par les racines postérieures de la moelle, avec un premier relais dans les noyaux graciles et cunéiformes et un deuxième relai dans le noyau ventro postéro latéral du thalamus.
L’environnement inflammatoire nociceptif est composé entre autres de kinines, de cytokines pro ou anti-inflammatoires, de prostaglandines, de neuropeptides, d’histamine, ou encore d’amines biogènes pouvant activer et sensibiliser les nocicepteurs.
Le NGF entraîne une action directe de sensibilisation des fibres C ainsi que la synthèse de peptides comme la substance P et de récepteurs pour les peptides algogènes comme les récepteurs à la bradykinine ou les récepteurs vanilloïdes TRPV1. On développe actuellement des anticorps monoclonaux anti-NGF comme le tanézumab.
Parmi les neurotransmetteurs impliqués, la substance P entraîne une vasodilatation via la sécrétion d’histamine et de sérotonine. Elle sensibilise les nocicepteurs voisins et entraîne une hyperalgésie primaire par inflammation neurogène.
Voies nociceptives centrales
Au niveau médullaire, le 1e neurone des voies nociceptives, dont le corps cellulaire se trouve au niveau du ganglion rachidien, va vers la corne postérieure de la moelle dans les lames I et V.
Le 2nd neurone fait relais au niveau de la corne postérieure de la moelle puis décusse immédiatement. Il existe 2 types de neurone à ce niveau, les neurones dit à convergence qui sont non spécifiques et ont des afférences viscérales expliquant les douleurs projetées et des afférences descendantes expliquant le contrôle supra-médullaire, et les neurones nocicepteurs spécifiques qui ne répondent qu’à des stimuli nociceptifs à partir d’un certain seuil.
À partir de là on a différents faisceaux médullaires.
- Le faisceau néo-spino-thalamique circule au niveau du cordon antérolatéral et va vers le noyau ventro-postéro- latéral du thalamus. Il conduit la sensibilité thermique et douloureuse avec des fibres A delta.
- Le faisceau paléo-spino-thalamique ou spino-réticulo- thalamique va vers la substance réticulée puis les structures limbiques et le cortex frontal. Il conduit une douleur lente diffuse et intense avec des fibres C.
- Le faisceau spino-ponto-mésencephalique est situé dans le cordon antérolatéral de la moelle. Il se projette sur la substance grise périaqueducale et l’aire para-brachiale.
Les neurotransmetteurs impliqués dans la transmission des signaux entre afférences nociceptives et neurones spinaux sont entre autres la substance P, la somatostatine ou encore le glutamate.
Au niveau supra-médullaire, on retrouve le 3e neurone qui va du thalamus latéral ou substance réticulée vers, soit le cortex somesthésique pariétal qui permet l’intégration spatiale de la douleur pour les fibres A delta. Soit vers le système limbique qui permet l’intégration émotionnelle et comportementale au niveau de l’amygdale. Soit vers le tronc cérébral qui permet un contrôle descendant, une réponse au stress.
A ce niveau supra-medullaire, les neurotransmetteurs dépendent du nombre de récepteurs opioïdes. La sérotonine, la dopamine, et la noradrénaline sont impliquées via le contrôle inhibiteur descendant.
Le contrôle de la douleur
Sensibilisation de la nociception
Il existe différents mécanismes de sensibilisation à la nociception.
- L’hyperalgésie primaire qui est aussi dite hyperalgésie périphérique, est la sensibilisation des nocicepteurs par les molécules de la soupe inflammatoire. On peut citer comme exemple le réflexe d’axone qui correspond à une sécrétion antidromique de substance P par la stimulation des fibres C, induisant une diminution du seuil nociceptif, l’entretien et l’extension de la douleur.
- L’hyperalgésie secondaire, dite centrale, est la sensibilisation des neurones médullaires par stimulation répétée des fibres C.
Elle est induite par stimulation des récepteurs NMDA par le glutamate, ainsi le monoxyde d’azote entraîne l’hyperactivation des neurones. La kétamine est utilisée en antalgie pour ses propriétés d’antagoniste NMDA.
Inhibition de la nociception
L’inhibition de la nociception peut se faire de plusieurs manières.
D’abord, par contrôle inhibiteurs diffus induite par la nociception. C’est une inhibition des neurones à convergence par les fibres C et A delta hors de leur zone, et ça explique le fait qu’on ne perçoive que la plus forte de 2 douleurs.
- Au niveau médullaire, c’est-à-dire segmentaire, on a la théorie du gate control. C’est une inhibition des neurones nociceptifs à convergence par les fibres sensitives A alpha et A beta. Cette théorie explique entre autres le rôle antalgique des massages et de la neurostimulation.
- Au niveau supra-médullaire, on a une inhibition descendante cérébro-spinale. Les neurones convergents ont un rôle d'inhibition via le tronc cérébral en particulier mais aussi via l’hypothalamus, le thalamus ou le cortex. Cette inhibition se fait par 2 faisceaux. Le faisceau bulbo-spinal à médiation sérotoninergique qui permet une inhibition chimique de la transmission du message douloureux au niveau de la substance gélatineuse de la corne postérieure. Et le faisceau descendant à médiation noradrénergique.
Il existe aussi une stimulation descendante via le tronc cérébral qui permet un équilibre entre ascendant et descendant.
Concernant le système opioïde, les récepteurs aux opiacés inhibent la transmission de la douleur via 3 récepteurs morphiniques : mu, delta, et k.
La douleur nociceptive est bien différente de la douleur neuropathique, de par son mécanisme, son caractère, sa mise en place, et ces 2 types de douleur nécessitent des traitements différents.
- La douleur nociceptive est du à un excès de stimulation somatique ou viscéral, par lésion tissulaire sans lésion nerveuse, alors que le mécanisme de la douleur somatique est un dysfonctionnement du système nerveux, par lésion périphérique ou centrale.La douleur nociceptive débute dès l'agression et peut se manifester de manière très varié, par des douleurs continues ou intermittentes, éventuellement lancinantes. Sa topographie n’est pas neurologique, la sensibilité est normale et il y a souvent de l’inflammation. Il existe toujours un facteur déclenchant, qui peut être mécanique ou inflammatoire.
L’examen neurologique est normal, et l’évolution peut être aiguë ou chronique. Le traitement repose sur des antalgiques.
- La douleur neuropathique a, au contraire, un début souvent retardé. Elle a un caractère assez stéréotypé, avec un fond douloureux permanent et des paroxysmes, avec éventuellement une sensation de brûlures. Il existe un déficit sensitif dans un territoire d'examen neurologique particulier, avec très souvent une allodynie, une hyperpathie ou des dysesthésies. Le rythme est variable, avec une apparition spontanée ou déclenchée de la douleur. L’examen neurologique met en évidence des troubles sensitifs, une hypo-hyperalgésie. L’évolution se fait sur un mode chronique.Le traitement repose sur des antiépileptiques, des antidépresseurs et une prise en charge biopsychosociale.
La lésion du cortex cingulaire est un cas particulier. Elle entraîne une perte de la symbolique de la douleur avec perte de la signification destructrice, et des réactions de retrait. Mais la sensorialité reste normale.
L’évaluation la douleur aiguë et chronique
éVALUATION CLINIQUE DE LA DOULEUR
Passons maintenant à l’évaluation clinique de la douleur.
Caractériser la douleur
Il faut tout d’abord caractériser la douleur, notamment par l’interrogatoire qui est primordiale.
L’anamnèse recherche l’ancienneté de la douleur, les circonstances de survenue. On parle de douleur chronique si elle est présente depuis plus de 3 mois.
On recherche une pathologie associée, des antécédents personnels et familiaux, les traitements en cours et antérieurs.
On fait préciser la topographie, le siège, l’irradiation et éventuellement une systématisation neurologique.
Comme vu précédemment, on distingue le type de la douleur : neuropathique à type de brûlure, décharges électriques, ou nociceptif.
L’intensité est mesurée selon l’échelle adaptée comme l’échelle visuelle analogique, l’échelle de qualité de vie, l’échelles numérique, comportementale.
On recherche aussi des facteurs modifiants la douleur comme une position antalgique, l’efficacité de traitements, et des signes associés comme de la fièvre, une inflammation locale, une altération de l’état général, de l’agitation.
On évalue le retentissement sur le sommeil, la qualité de vie et au niveau socioprofessionnel.
On interroge aussi sur le contexte psychologique, professionnel, familial, ou encore des évènements de vie.
Douleur aigüe et douleur chronique sont différentes sur de nombreux points.
La douleur aiguë est un symptôme. Elle a une finalité biologique utile, protectrice. C’est un signal d'alarme. Le mécanisme générateur est en général unifactoriel et souvent nociceptif. Des réactions somato-végétatives sont associées ainsi que de l’anxiété, avec un comportement réactionnel à la douleur.
L’approche thérapeutique est classique avec un objectif curatif selon un modèle médical.
La douleur chronique est un syndrome. Sa finalité biologique est inutile, destructrice. C’est une maladie à part entière, et elle dure depuis 3 mois ou plus. Son mécanisme est plurifactoriel. Il y a une habituation ou entretien de cette douleur, avec une dépression associée et un comportement appris, conditionné, renforcé. L’approche thérapeutique doit être pluridimensionnel, c’est-à-dire somato-psycho-social.
L’objectif thérapeutique est une réadaptation bio-psycho- social avec gestion du handicap, de qualité de vie.
L’examen physique du patient douloureux comprend la recherche d’attitudes antalgiques, d’impotences fonctionnelles, d’anomalies neurologiques comme une modification de la sensibilité cutanée, ou un déficit sensitivomoteur. L’examen général recherche une lésion éventuelle sur le trajet douloureux, des signes associés.
échelles d’évaluation
On peut utiliser des échelles d’auto-évaluation uni- dimensionnelles, multidimensionnelles ou des échelles hétéro évaluation.
Les échelles d’auto évaluation uni-dimensionnelles sont des échelles reproductibles, mais ne sont pas comparables entre 2 patients.
On peut citer comme exemple l’échelle verbale simple où on demande au patient de qualifier sa douleur par un adjectif comme douleur
- absente : 0,
- faible : 1,
- moyenne : 2
- intense : 3
- et extrême : 4.
On a aussi l’échelle numérique où le patient cote sa douleur de 0 à 10 ou de 0 à 100, avec 0 : pas de douleur, et 10 : douleur extrême.
L’échelle visuelle analogique est une autre échelle d’auto- évaluation très importante pour laquelle on utilise une réglette dont la face médecin est graduée et la face patient continue. Elle permet de savoir quel antalgique utiliser selon l’intensité de la douleur.
Une douleur de 0 à 30 sur l’échelle est qualifiée de légère et nécessite un antalgique de palier I. Une douleur de 30 à 60 est dite modérée et requière un antalgique de palier II.
Une douleur de 60 à 100 est intense et nécessite un antalgique de palier III.
Enfin dans les échelles d’auto évaluation on a l’échelle qualitative qui permet de rechercher une composante neuropathique avec le questionnaire DN4. Il est considéré comme positif s’il y a au moins 4 critères en faveur sur 10.
Les échelles d’auto-évaluation multidimensionnelles évaluent l’intensité, les caractéristiques et le retentissement de la douleur. Ce sont par exemple le questionnaire douleur de Saint-Antoine qui évalue les dimensions sensorielles et affectives, et est recommandée par la HAS, le Mc Gill Pain, le questionnaire HADS qui évalue la composante anxieuse et/ou dépressive de la douleur chronique, et l’échelle de qualité de vie.
Les échelles d’hétéro-évaluation comportementales sont indiquées chez les patients non communicants comme les enfants ou les sujets âgés.
Par exemple chez les personnes âgées, on peut utiliser les échelles DOLOPLUS 2, ECPA, ou ALGOPLUS.
- DOLOPLUS 2 est utilisé dans la douleur chronique du sujet âgé en cas de troubles de la communication verbale.
- ALOGPLUS est utilisé dans la douleur aiguë du sujet âgé avec troubles de communication.
- L’échelle ECPA est utilisée chez le sujet âgé en cas de douleur chronique, pour évaluer la composante de repos de la douleur et celle liée aux soins.
Toutes ces échelles sont utilisées rapidement et systématiquement en cas de douleur aiguë, et permettent d’aider à la qualité des soins.
Cependant, elles ne doivent pas remplacer l'écoute du patient en cas de douleur chronique. Ce sont des outils secondaires de standardisation et de communication entre soignants.
Il faut toujours évaluer le retentissement fonctionnel, psychique et professionnel de la douleur, et prendre en compte le patient dans son contexte culturel et social.
Douleur et cancer : Généralités et classification
DOULEURS CANCÉREUSES
Généralités
800 000 personnes vivent avec un cancer en France dont 53% disent souffrir et 28% jugent leur douleur sévère. Il y a persistance de la douleur chez 14% des patients en rémission.
Les douleurs cancéreuses peuvent être de tous types : nociceptive, neuropathique, mixte, psychogène.
Classification des douleurs cancéreuses
Les douleurs cancéreuses peuvent être liées à la tumeur elle-même ou liées au traitement.
Dans le cas de douleur liée à la tumeur, le mécanisme est nociceptif, et elle apparait souvent lorsque la lésion a déjà évoluée localement avec une destruction tissulaire ou si le cancer est métastasé.
La douleur peut représenter le symptôme majeur amenant au diagnostic. Elle est présente précocement dans certains cancers comme le sein, l’ovaire, la prostate, le colon, ou le rectum.
Il peut s’agir de différents types de douleurs.
Les tumeurs osseuses donnent une douleur constante, bien localisée, avec un fond douloureux permanent et augmentant la nuit.
La douleur peut venir de compressions ou infiltrations des structures nerveuses, comme par exemple au niveau du plexus brachial dans le syndrome de Pancoast-Tobias, au niveau du plexus lombaire ou sacré, par atteinte du système nerveux central dans le cas de métastases cérébrales, vertébrales, ou méningites carcinomateuses.
Des douleurs abdominales peuvent être présentes par inflammation du péritoine pariétal, infiltration ou obstruction d'un viscère creux, voire par irritation du parenchyme d'organes pleins.
L’infiltration et l’occlusion des vaisseaux sanguins peut donner des douleurs diffuses, d’intensité progressive, à type de brûlure non radiculaire. Il peut y avoir un vasospasme, un œdème du membre supérieur.
La nécrose, l’inflammation, et l’ulcération muqueuse donnent des douleurs très intenses, notamment au niveau ORL.
La douleur peut aussi venir du traitement, que ce soit après chimiothérapie, radiothérapie ou chirurgie.
Les chimiothérapies peuvent donner des douleurs de différentes origines. Elles peuvent donner des neuropathies périphériques sensitives et motrices, des mucites par ulcérations buccales, pharyngées, œsophagiennes, ou ano- rectales, des névralgies zostériennes et post-zostériennes par névralgie secondaire du V, ou une nécrose aseptique. La douleur de nécrose aseptique est constante, mécanique, souvent post-corticothérapie, et siège essentiellement sur la tête fémorale ou la tête humorale. Les douleurs post chimio peuvent aussi venir de fractures pathologiques, ou de pseudo-rhumatisme.
Les douleurs post-radiothérapiques peuvent venir d’ostéoradionécrose qui représente l’étiologie la plus sévère avec une douleur intense. Elles peuvent être dus aussi à une myélopathie post-radique qui donne une douleur intense avec des symptômes neurologiques dans le cadre d’un syndrome de Brown-Séquard. Elle est soit transitoire et régresse en 2 à 6 mois, soit évolutive.
Le traitement chirurgical donne des douleurs variables.
Les douleurs post-thoracotomie sont présentes sur le trajet du nerf intercostal, avec une douleur constante, pouvant durer jusqu’à 1 à 2 mois après l’intervention.
Les douleurs post-mastectomie sont peu fréquente, elles augmentent au mouvement du bras, avec une composante d’hyperalgésie.
On peut citer aussi les douleurs post-néphrectomie et les douleurs d'amputation de moignon ou de membre fantôme.
Les douleurs cancéreuses ont un schéma évolutif particulier avec une douleur de fond et des accès douloureux paroxystiques.
La douleur de fond est continue, souvent permanente, de type nociceptive ou neuropathique et impose un traitement de fond.
L’accès douloureux paroxystique correspond à une exacerbation transitoire et de courte durée de la douleur, d'intensité modérée à sévère, sur une douleur de fond contrôlée par un traitement opioïde fort efficace ou en l'absence de douleur de fond.
Ces accès peuvent être spontanés et imprévisibles avec des facteurs identifiés comme par exemple la toux, l’éternuement, les spasmes digestifs, ou prévisibles lors d'actions volontaires comme par exemple les mouvements, l’alimentation, la défécation, ou provoqués par des soins ou des actes médicaux.
Douleur et cancer : Prise en charge
Stratégie thérapeutique
La définition d'un traitement efficace d'une douleur cancéreuse est composée de 5 critères :
- l’absence ou une intensité faible de la douleur de fond,
- le respect du sommeil,
- la survenue de moins de 4 accès douloureux par jour avec une efficacité des traitements de plus de 50%,
- des activités habituelles possibles ou peu limitées par la douleur
- des effets indésirables des traitements mineurs ou absents.
La prise en charge antalgique repose avant tout sur le traitement étiologique, c’est-à-dire sur la chirurgie, la radiothérapie, et la chimiothérapie.
Le traitement des douleurs est variable selon les causes.
Les douleurs nociceptives avec un EVA inférieur à 4 sont traitées par antalgiques de palier 1. Avec un EVA entre 4 et 7 on utilise des antalgiques de palier 2, c’est-à-dire de la codéine éventuellement associée à du paracétamol ou du tramadol.
Avec un EVA supérieur à 7 on utilise des antalgiques de palier 3 avec des formes à libération prolongée ou forme patch dans les douleurs de fond. Pour les douleurs chroniques résistante, on utilise l’hydromorphone. Dans les accès douloureux paroxystiques, on met des formes à libération immédiates. On peut faire une titration en sous- cutané ou intraveineuse s’il n’est pas possible de passer par la voie orale.
Pour réduire les effets secondaires des antalgiques, on fait ce qu’on appelle la rotation des opioïdes. Mais cette stratégie est assez controversée. Elle peut se faire par changement de la voie d’administration du médicament. Par exemple par le passage de la voie orale à la voie transdermique, où on donne la dernière dose orale lors de la pose du 1er patch. Ou à l’inverse par le passage de la voie transdermique à orale, dans ce cas la 1ère administration orale se fait 12 à 24h après retrait du patch transdermique.
Dans les douleurs neuropathiques, on utilise des tricycliques et des antiépileptiques.
Dans les douleurs osseuses, on peut avoir recours à la radiothérapie, aux blocs nerveux, aux bisphosphonates, aux AINS, à la chirurgie, la cimentoplastie ou la vertébroplastie.
En cas d’infiltration des tissus mous, on traite par antalgiques, AINS, ou corticoïdes.
Pour traiter un lymphœdème, on fait des massages, on surélève le membre atteint, ou on peut aussi mettre des bas de contention et éventuellement des corticoïdes.
Les morphiniques ont de nombreux effets secondaires qu’il faut prévenir et prendre en charge.
Ils provoquent en particulier une constipation qu’on prévient en mettant un traitement systématiquement avec des règles hygiéno-diététiques et un laxatif osmotique. En cas d’inefficacité du traitement préventif, on passe à une bithérapie osmotique et stimulante ou on procède à un lavement rectal.
Pour les vomissements, on donne si besoin du métoclopramide ou de l’halopéridol.
Les morphiniques peuvent aussi entrainer une somnolence qui survient surtout en phase d'instauration et une somnolence croissante en cas de surdosage.
On peut citer d’autres analgésiques et co-analgésiques comme les myorelaxants avec les antispastiques comme le baclofène, les benzodiazépines pour les contractures musculaires. La neurostimulation trans-cutanée électrique externe peut être efficace dans les neuropathies locales.
Les antidépresseurs, l’administration d'antalgiques intra- médullaire, la physiothérapie, l’acupuncture, les blocs locorégionaux, une approche psychologique sont éventuellement à proposer au patient douloureux.
Traitement de l'accès douloureux paroxystique
L’accès douloureux paroxystique a un traitement différent de la douleur chronique.
Il se traite notamment par morphine et oxycodone à libération immédiate avec des interdoses de 6 à 10% de la posologie des 24h.
Le fentanyl transmuqueux est le traitement des accès douloureux paroxystiques chez les patients recevant un traitement de fond par opioïde avec plus de 60 milligrammes par jour de morphine oral, et au moins 1 semaine de traitement. Il peut être utilisé pour prévenir un accès douloureux paroxystique prévisible lié aux soins par exemple. Il n’est pas indiqué dans le traitement par opioïdes intra veineux avec une patient controlled analgesia.
En cas d'accès douloureux paroxystique neuropathique, une réévaluation du traitement antalgique est indispensable, par exemple pour associer des antiépileptiques.
En pratique, lors d’un accès douloureux, on fait une titration en commençant par la plus faible dose. Une fois la dose efficace déterminée, cette dose sera réutilisée pour tous les accès douloureux paroxystiques ultérieurs, indépendamment de la dose utilisée pour le traitement de fond.
Il est nécessaire de respecter un délai de 4h pour le traitement d'un nouvel accès douloureux paroxystique.
La survenue de plus de 4 accès douloureux paroxystiques par jour doit faire revoir et adapter le traitement de fond.
Si le patient est somnolent, il ne faut pas reprendre de dose supplémentaire même si la dernière a eu lieu il y a plus de 4h.
Le fentanyl peut être présenté sous formes nasales, sublinguales, buccales ou autre.
A noter que le citrate de fentanyl est utilisable dans les accès douloureux paroxystiques quel que soit le traitement antalgique de fond.
Douleur et personne âgée : Particularités
Passons maintenant à la partie sur la douleur chez la personne âgée.
Particularité de la douleur
Chez le sujet âgé, la douleur a une prévalence plus importante, avec de manière générale 40 à 80% des sujets en souffrance, dont 25 à 50% à domicile et 45 à 80% en institution.
Elle est souvent sous-estimée et sous-traitée, surtout en cas de troubles de la communication et de la cognition.
La douleur aiguë du sujet âgé a parfois une symptomatologie atypique et silencieuse, comme par exemple dans l’infarctus du myocarde.
La douleur chronique est très fréquente, et a un retentissement sur l'état général, le psychisme et la vie socio-familiale.
La douleur neuropathique est aussi fréquente et concerne plus de 10% des cas.
Cette douleur peut avoir différentes étiologies comme des pathologies ostéo-articulaires, des cancers, une origine neuropathique comme par exemple dans les douleurs post- zostériennes ou la névralgie faciale.
Chez les sujets grabataires, on voit des douleurs de décubitus, d'appui, neurologiques.
Cette douleur peut être de type neuropathique comme par exemple des brûlures, des décharges électriques, ou de type nociceptif.
La population touchée par les douleurs est hétérogène avec une différence de niveau de déclin cognitif ou de vieillissement biologique. Elle nécessite une prise en charge adaptée et individualisée.
Au niveau physiopathologique, les sujets âgés ont la même tolérance à la douleur que les sujets jeunes. En revanche il y a une diminution de la sensibilité des nocicepteurs entrainant une diminution de la discrimination sensorielle, et une augmentation des douleurs neuropathiques.
Aussi, l’intégration corticale est possiblement altérée dans les états démentiels.
Particularités de la prise en charge
La prise en charge de la douleur doit être adaptée chez la personne âgée en raison des modifications pharmacologiques. Au niveau de l’absorption, les modifications sont peu impliquées dans l'inefficacité des antalgiques.
Pour la distribution, comme on a une baisse de l’albumine, il y a augmentation du volume de distribution des liposolubles.
Le métabolisme est modifié notamment les étapes de phase I, c’est-à-dire l’oxydation et la réduction, ce qui peut donner des métabolites des opioïdes plus puissants, et donc augmenter la sensibilité des opioïdes.
Au niveau de l’élimination des médicaments, on a souvent chez le sujet âgé une baisse de la clairance rénale, ce qui peut entrainer une accumulation avec un risque d’insuffisance rénale ou d’hypokaliémie.
En ce qui concerne le côté pharmacodynamique, il y a une augmentation de la sensibilité aux morphiniques et donc une baisse des doses recommandée.
Douleur et personne âgée : évaluation du traitement
évaluation
L’évaluation de la douleur chez la personne âgée repose sur une démarche multidisciplinaire. On essaie dans la mesure du possible de procéder à une autoévaluation de la douleur par échelle numérique ou échelle verbale simple. En cas d’échec de l’autoévaluation, par exemple si le sujet ne communique pas, on fait une hétéro-évaluation avec une évaluation gériatrique globale.
Il faut toujours rechercher les situations potentiellement douloureuses, en faisant éventuellement un test antalgique, et en se basant sur 4 éléments : repérer, évaluer, traiter et réévaluer.
Ne pas oublier aussi d’évaluer la dépression et la démence qui sont souvent associées car elles ont des interactions multiples.
Douleur et personne âgée : Traitement
Traitement
Le traitement est le même que chez l'adulte.
En revanche il y a des risques plus importants liés à la polymédication, aux contre-indications et comorbidités, aux effets secondaires, et aux interactions plus fréquentes.
Une douleur aiguë de faible intensité peut être traité par paracétamol, sauf si le patient prend des antivitamines K. Si on prescrit des AINS, il faut associer un inhibiteur de la pompe à protons.
Les douleurs aigües d’intensité modérée sont traitées par codéine ou tramadol.
Celles de forte intensité sont traitées par opiacés forts, avec des effets secondaires très handicapants comme par exemple la constipation, la rétention d’urines, ou encore des nausées. Il est nécessaire d’anticiper ces effets secondaires, et de faire une titration en débutant à de faibles posologies avec de faibles augmentations.
Le traitement d’une douleur chronique nécessite une réévaluation régulière pour limiter les effets secondaires et les interactions médicamenteuses. L’éducation thérapeutique est à réitérer régulièrement et favorise l’effet placebo.
Les douleurs neuropathiques peuvent être traitées par tricycliques sauf en cas de contres indications qui sont entre autres le glaucome, l’hypertrophie bénigne de prostate, et l’association au traitement anticholinestérasique des démences. On peut aussi traiter les douleurs neuropathiques par inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, par inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, par antiépileptiques ou opiacés. Pour les antiépileptiques, ne pas oublier de diminuer la posologie en cas d’insuffisance rénale. Un patch de lidocaïne 5% peut être utilisé en cas de douleur neuropathique localisée.
Malheureusement, les échecs thérapeutiques sont fréquents dans le traitement des douleurs neuropathiques.
On peut aussi proposer des traitements non médicamenteux comme le yoga, les massages, l’hypnose, le biofeedback, la relaxation, ou encore la musicothérapie.
Ces thérapeutiques ont un bénéfice dans 96% des études, avec une meilleure acception de la douleur et une amélioration de la qualité de vie.
Ces thérapeutiques sont évidemment à adapter aux déficits sensoriels du sujet.
Classification de Beaulieu des antalgiques
La classification de Beaulieu des antalgiques distingue les différents traitements anti douleur selon leurs mécanismes d’action et leurs indications.
- Dans les antalgiques anti-nociceptifs, on a des médicaments non opioïdes comme le paracétamol et les AINS, et des opioïdes comme la codéine et les dérivés morphiniques.. Ces antalgiques sont utilisés dans les douleurs nociceptives.
- Dans les antalgiques mixtes anti-nociceptifs et modulateurs des contrôles descendants inhibiteurs, on retrouve le tramadol et le tapentadol. Ces médicaments sont indiqués dans les douleurs mixtes nociceptives et neuropathiques.
- Dans les antalgiques modulant les contrôles descendants inhibiteurs, on a 2 catégories : les antidépresseurs tricycliques avec l’amitriptyline, et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline avec la duloxétine et la venlafaxine. Ces antalgiques sont utilisés dans les douleurs neuropathiques.
- Dans les antalgiques anti-hyperalgésiques, on retrouve 3 catégories : les antagonistes NMDA avec comme molécule la kétamine ; les antiépileptiques avec la gabapentine, la prégabaline, la lamotrigine ; et le néfopam. Ces médicaments sont indiqués dans les douleurs neuropathiques centrales et les situations d’hyperalgésie.
- Dans les antalgiques modulant la transmission et la sensibilisation périphérique, on a les anesthésiques locaux comme la xylocaïne, les antiépileptiques comme la carbamazépine, l’oxcarbamazépine et le topiramate, et enfin la capsaïcine. Ces médicaments sont indiqués dans les douleurs neuropathiques périphériques.
La douleur : GÉNÉRALITÉS
Douleur
La douleur est définie comme une expérience désagréable, sensorielle et émotionnelle, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle.
Composantes de la douleur
Il y a 4 composantes de la douleur :
- La composante sensorielle via les mécanismes neurophysiologiques de la nociception.
- La composante émotionnelle par la connotation désagréable, pénible, liée à la perception douloureuse.
- La composante cognitive par le biais des processus mentaux pouvant moduler les autres dimensions de la douleur, et pouvant atténuer momentanément une douleur quand le patient est distrait.
- La composante comportementale qui réunit l’ensemble des manifestations observables, qu’elles soient physiologiques comme la sueur, l’hypertension, la tachycardie ou comportementales comme l’agitation, les plaintes, une position antalgique.
Définitions
L’allodynie est le fait de ressentir une douleur à une stimulation non douloureuse.
L’analgésie correspond à l’absence de douleur à un stimulus douloureux.
L’anesthésie signifie l’absence de sensation à un stimulus. L’hyperalgésie désigne une augmentation de l’intensité à un stimulus douloureux.
Types de douleurs
Il existe différents types de douleur.
- La douleur par excès de nociception est liée à une stimulation des récepteurs nociceptifs appelés nocicepteurs. Elle peut être provoquée par une lésion viscérale, traumatique, ou inflammatoire.
- La douleur neuropathique est liée à une lésion du système nerveux périphérique ou central. C’est une douleur le plus souvent à type de brûlures ou fulgurances.
- La douleur psychogène désigne une douleur dont l'origine est purement psychique comme par exemple les douleurs thoraciques de l’attaque de panique.
- La douleur idiopathique ou dysfonctionnelle correspond à un trouble somatoforme. Ce type de douleur est souvent associé à des comorbidités psychiatriques, et est caractéristique de pathologie comme la fibromyalgie, les céphalées de tension, la colopathie fonctionnelle.
- La douleur mixte ou associée est une douleur présentant plusieurs composantes.
La douleur : Les bases neurologiques
BASES NEUROPHYSIOLOGIQUES DE LA DOULEUR
VOIES DE LA DOULEUR
Physiopathologie de la douleur
Il existe 4 processus dans la physiopathologie de la douleur.
- La transduction correspond à la conversion de l'énergie du stimulus douloureux en énergie électrique.
- La transmission du signal vers la moelle épinière et le cerveau.
- La perception est l’appréciation des signaux arrivant aux structures de la douleur.
- La modulation qui s'effectue à de nombreux niveaux par les voies descendantes inhibitrices et facilitatrices venant du cerveau. On peut citer comme processus de modulation le phénomène cognitif d'attention ou encore le phénomène d'anticipation.
Transmission de la douleur
Il y a 3 neurones qui transmettent la douleur.
- Le 1er neurone, le protoneurone, est constitué de récepteurs périphériques, de fibres dendritiques, d’un ganglion spinal pour le relais et d’un axone. Son rôle est de conduire l’influx des nocicepteurs jusqu'à la corne postérieure de la moelle épinière.
- Le 2eme neurone appelé deuto-neurone permet la transmission spinothalamique par les voies ascendante médullaire.
- Le 3éme neurone permet la transmission thalamo-corticale.
Stimulus et message nociceptif
La stimulation douloureuse peut être mécanique, thermique, chimique ou électrique. Elle entraîne l’activation directe des récepteurs nociceptifs périphériques et la libération locale de molécules algogènes comme la bradykinine, la substance P, l’histamine, la sérotonine et les prostaglandines.
Voies nociceptives périphériques
Il existe 2 voies de la sensibilité consciente qui sont le système lemniscale et le système extra-lemniscale.
Le système extra-lemniscale est composé de fibres dendritiques A delta et C, c’est lui qui est responsable des sensations douloureuses.
Les fibres A delta sont peu myélinisées, leur conduction est rapide ou moyennement rapide et leurs terminaisons libres forment les nocicepteurs. Ces mécano-nocicepteurs qui sont parfois polymodaux, sont stimulés par une forte pression ou des stimuli thermiques. Ces fibres A delta sont responsables de la douleur épicritique qui est une douleur rapide, localisée et à type de piqûre.
Les fibres dendritiques C ne sont pas myélinisées et donc de conduction lente. Leur terminaison libre forme les nocicepteurs qui sont polymodaux. Ils sont sensibles à des pressions fortes, la température, et les stimuli chimiques. Ces fibres C sont responsables de la douleur protopathique qui est une douleur lente, diffuse et à type de brûlure.
Les fibres dendritiques A alpha et A bêta font parties des voies lemniscales. Elles sont très myélinisées donc de conduction rapide et avec une terminaison libre. Ces fibres A alpha et A beta sont responsables des sensations tactile et proprioceptive. Elles ne véhiculent pas de nociception.
Leur trajet passe par les racines postérieures de la moelle, avec un premier relais dans les noyaux graciles et cunéiformes et un deuxième relai dans le noyau ventro postéro latéral du thalamus.
L’environnement inflammatoire nociceptif est composé entre autres de kinines, de cytokines pro ou anti-inflammatoires, de prostaglandines, de neuropeptides, d’histamine, ou encore d’amines biogènes pouvant activer et sensibiliser les nocicepteurs.
Le NGF entraîne une action directe de sensibilisation des fibres C ainsi que la synthèse de peptides comme la substance P et de récepteurs pour les peptides algogènes comme les récepteurs à la bradykinine ou les récepteurs vanilloïdes TRPV1. On développe actuellement des anticorps monoclonaux anti-NGF comme le tanézumab.
Parmi les neurotransmetteurs impliqués, la substance P entraîne une vasodilatation via la sécrétion d’histamine et de sérotonine. Elle sensibilise les nocicepteurs voisins et entraîne une hyperalgésie primaire par inflammation neurogène.
Voies nociceptives centrales
Au niveau médullaire, le 1e neurone des voies nociceptives, dont le corps cellulaire se trouve au niveau du ganglion rachidien, va vers la corne postérieure de la moelle dans les lames I et V.
Le 2nd neurone fait relais au niveau de la corne postérieure de la moelle puis décusse immédiatement. Il existe 2 types de neurone à ce niveau, les neurones dit à convergence qui sont non spécifiques et ont des afférences viscérales expliquant les douleurs projetées et des afférences descendantes expliquant le contrôle supra-médullaire, et les neurones nocicepteurs spécifiques qui ne répondent qu’à des stimuli nociceptifs à partir d’un certain seuil.
À partir de là on a différents faisceaux médullaires.
- Le faisceau néo-spino-thalamique circule au niveau du cordon antérolatéral et va vers le noyau ventro-postéro- latéral du thalamus. Il conduit la sensibilité thermique et douloureuse avec des fibres A delta.
- Le faisceau paléo-spino-thalamique ou spino-réticulo- thalamique va vers la substance réticulée puis les structures limbiques et le cortex frontal. Il conduit une douleur lente diffuse et intense avec des fibres C.
- Le faisceau spino-ponto-mésencephalique est situé dans le cordon antérolatéral de la moelle. Il se projette sur la substance grise périaqueducale et l’aire para-brachiale.
Les neurotransmetteurs impliqués dans la transmission des signaux entre afférences nociceptives et neurones spinaux sont entre autres la substance P, la somatostatine ou encore le glutamate.
Au niveau supra-médullaire, on retrouve le 3e neurone qui va du thalamus latéral ou substance réticulée vers, soit le cortex somesthésique pariétal qui permet l’intégration spatiale de la douleur pour les fibres A delta. Soit vers le système limbique qui permet l’intégration émotionnelle et comportementale au niveau de l’amygdale. Soit vers le tronc cérébral qui permet un contrôle descendant, une réponse au stress.
A ce niveau supra-medullaire, les neurotransmetteurs dépendent du nombre de récepteurs opioïdes. La sérotonine, la dopamine, et la noradrénaline sont impliquées via le contrôle inhibiteur descendant.
Le contrôle de la douleur
Sensibilisation de la nociception
Il existe différents mécanismes de sensibilisation à la nociception.
- L’hyperalgésie primaire qui est aussi dite hyperalgésie périphérique, est la sensibilisation des nocicepteurs par les molécules de la soupe inflammatoire. On peut citer comme exemple le réflexe d’axone qui correspond à une sécrétion antidromique de substance P par la stimulation des fibres C, induisant une diminution du seuil nociceptif, l’entretien et l’extension de la douleur.
- L’hyperalgésie secondaire, dite centrale, est la sensibilisation des neurones médullaires par stimulation répétée des fibres C.
Elle est induite par stimulation des récepteurs NMDA par le glutamate, ainsi le monoxyde d’azote entraîne l’hyperactivation des neurones. La kétamine est utilisée en antalgie pour ses propriétés d’antagoniste NMDA.
Inhibition de la nociception
L’inhibition de la nociception peut se faire de plusieurs manières.
D’abord, par contrôle inhibiteurs diffus induite par la nociception. C’est une inhibition des neurones à convergence par les fibres C et A delta hors de leur zone, et ça explique le fait qu’on ne perçoive que la plus forte de 2 douleurs.
- Au niveau médullaire, c’est-à-dire segmentaire, on a la théorie du gate control. C’est une inhibition des neurones nociceptifs à convergence par les fibres sensitives A alpha et A beta. Cette théorie explique entre autres le rôle antalgique des massages et de la neurostimulation.
- Au niveau supra-médullaire, on a une inhibition descendante cérébro-spinale. Les neurones convergents ont un rôle d'inhibition via le tronc cérébral en particulier mais aussi via l’hypothalamus, le thalamus ou le cortex. Cette inhibition se fait par 2 faisceaux. Le faisceau bulbo-spinal à médiation sérotoninergique qui permet une inhibition chimique de la transmission du message douloureux au niveau de la substance gélatineuse de la corne postérieure. Et le faisceau descendant à médiation noradrénergique.
Il existe aussi une stimulation descendante via le tronc cérébral qui permet un équilibre entre ascendant et descendant.
Concernant le système opioïde, les récepteurs aux opiacés inhibent la transmission de la douleur via 3 récepteurs morphiniques : mu, delta, et k.
La douleur nociceptive est bien différente de la douleur neuropathique, de par son mécanisme, son caractère, sa mise en place, et ces 2 types de douleur nécessitent des traitements différents.
- La douleur nociceptive est du à un excès de stimulation somatique ou viscéral, par lésion tissulaire sans lésion nerveuse, alors que le mécanisme de la douleur somatique est un dysfonctionnement du système nerveux, par lésion périphérique ou centrale.La douleur nociceptive débute dès l'agression et peut se manifester de manière très varié, par des douleurs continues ou intermittentes, éventuellement lancinantes. Sa topographie n’est pas neurologique, la sensibilité est normale et il y a souvent de l’inflammation. Il existe toujours un facteur déclenchant, qui peut être mécanique ou inflammatoire.
L’examen neurologique est normal, et l’évolution peut être aiguë ou chronique. Le traitement repose sur des antalgiques.
- La douleur neuropathique a, au contraire, un début souvent retardé. Elle a un caractère assez stéréotypé, avec un fond douloureux permanent et des paroxysmes, avec éventuellement une sensation de brûlures. Il existe un déficit sensitif dans un territoire d'examen neurologique particulier, avec très souvent une allodynie, une hyperpathie ou des dysesthésies. Le rythme est variable, avec une apparition spontanée ou déclenchée de la douleur. L’examen neurologique met en évidence des troubles sensitifs, une hypo-hyperalgésie. L’évolution se fait sur un mode chronique.Le traitement repose sur des antiépileptiques, des antidépresseurs et une prise en charge biopsychosociale.
La lésion du cortex cingulaire est un cas particulier. Elle entraîne une perte de la symbolique de la douleur avec perte de la signification destructrice, et des réactions de retrait. Mais la sensorialité reste normale.
L’évaluation la douleur aiguë et chronique
éVALUATION CLINIQUE DE LA DOULEUR
Passons maintenant à l’évaluation clinique de la douleur.
Caractériser la douleur
Il faut tout d’abord caractériser la douleur, notamment par l’interrogatoire qui est primordiale.
L’anamnèse recherche l’ancienneté de la douleur, les circonstances de survenue. On parle de douleur chronique si elle est présente depuis plus de 3 mois.
On recherche une pathologie associée, des antécédents personnels et familiaux, les traitements en cours et antérieurs.
On fait préciser la topographie, le siège, l’irradiation et éventuellement une systématisation neurologique.
Comme vu précédemment, on distingue le type de la douleur : neuropathique à type de brûlure, décharges électriques, ou nociceptif.
L’intensité est mesurée selon l’échelle adaptée comme l’échelle visuelle analogique, l’échelle de qualité de vie, l’échelles numérique, comportementale.
On recherche aussi des facteurs modifiants la douleur comme une position antalgique, l’efficacité de traitements, et des signes associés comme de la fièvre, une inflammation locale, une altération de l’état général, de l’agitation.
On évalue le retentissement sur le sommeil, la qualité de vie et au niveau socioprofessionnel.
On interroge aussi sur le contexte psychologique, professionnel, familial, ou encore des évènements de vie.
Douleur aigüe et douleur chronique sont différentes sur de nombreux points.
La douleur aiguë est un symptôme. Elle a une finalité biologique utile, protectrice. C’est un signal d'alarme. Le mécanisme générateur est en général unifactoriel et souvent nociceptif. Des réactions somato-végétatives sont associées ainsi que de l’anxiété, avec un comportement réactionnel à la douleur.
L’approche thérapeutique est classique avec un objectif curatif selon un modèle médical.
La douleur chronique est un syndrome. Sa finalité biologique est inutile, destructrice. C’est une maladie à part entière, et elle dure depuis 3 mois ou plus. Son mécanisme est plurifactoriel. Il y a une habituation ou entretien de cette douleur, avec une dépression associée et un comportement appris, conditionné, renforcé. L’approche thérapeutique doit être pluridimensionnel, c’est-à-dire somato-psycho-social.
L’objectif thérapeutique est une réadaptation bio-psycho- social avec gestion du handicap, de qualité de vie.
L’examen physique du patient douloureux comprend la recherche d’attitudes antalgiques, d’impotences fonctionnelles, d’anomalies neurologiques comme une modification de la sensibilité cutanée, ou un déficit sensitivomoteur. L’examen général recherche une lésion éventuelle sur le trajet douloureux, des signes associés.
échelles d’évaluation
On peut utiliser des échelles d’auto-évaluation uni- dimensionnelles, multidimensionnelles ou des échelles hétéro évaluation.
Les échelles d’auto évaluation uni-dimensionnelles sont des échelles reproductibles, mais ne sont pas comparables entre 2 patients.
On peut citer comme exemple l’échelle verbale simple où on demande au patient de qualifier sa douleur par un adjectif comme douleur
- absente : 0,
- faible : 1,
- moyenne : 2
- intense : 3
- et extrême : 4.
On a aussi l’échelle numérique où le patient cote sa douleur de 0 à 10 ou de 0 à 100, avec 0 : pas de douleur, et 10 : douleur extrême.
L’échelle visuelle analogique est une autre échelle d’auto- évaluation très importante pour laquelle on utilise une réglette dont la face médecin est graduée et la face patient continue. Elle permet de savoir quel antalgique utiliser selon l’intensité de la douleur.
Une douleur de 0 à 30 sur l’échelle est qualifiée de légère et nécessite un antalgique de palier I. Une douleur de 30 à 60 est dite modérée et requière un antalgique de palier II.
Une douleur de 60 à 100 est intense et nécessite un antalgique de palier III.
Enfin dans les échelles d’auto évaluation on a l’échelle qualitative qui permet de rechercher une composante neuropathique avec le questionnaire DN4. Il est considéré comme positif s’il y a au moins 4 critères en faveur sur 10.
Les échelles d’auto-évaluation multidimensionnelles évaluent l’intensité, les caractéristiques et le retentissement de la douleur. Ce sont par exemple le questionnaire douleur de Saint-Antoine qui évalue les dimensions sensorielles et affectives, et est recommandée par la HAS, le Mc Gill Pain, le questionnaire HADS qui évalue la composante anxieuse et/ou dépressive de la douleur chronique, et l’échelle de qualité de vie.
Les échelles d’hétéro-évaluation comportementales sont indiquées chez les patients non communicants comme les enfants ou les sujets âgés.
Par exemple chez les personnes âgées, on peut utiliser les échelles DOLOPLUS 2, ECPA, ou ALGOPLUS.
- DOLOPLUS 2 est utilisé dans la douleur chronique du sujet âgé en cas de troubles de la communication verbale.
- ALOGPLUS est utilisé dans la douleur aiguë du sujet âgé avec troubles de communication.
- L’échelle ECPA est utilisée chez le sujet âgé en cas de douleur chronique, pour évaluer la composante de repos de la douleur et celle liée aux soins.
Toutes ces échelles sont utilisées rapidement et systématiquement en cas de douleur aiguë, et permettent d’aider à la qualité des soins.
Cependant, elles ne doivent pas remplacer l'écoute du patient en cas de douleur chronique. Ce sont des outils secondaires de standardisation et de communication entre soignants.
Il faut toujours évaluer le retentissement fonctionnel, psychique et professionnel de la douleur, et prendre en compte le patient dans son contexte culturel et social.
Douleur et cancer : Généralités et classification
DOULEURS CANCÉREUSES
Généralités
800 000 personnes vivent avec un cancer en France dont 53% disent souffrir et 28% jugent leur douleur sévère. Il y a persistance de la douleur chez 14% des patients en rémission.
Les douleurs cancéreuses peuvent être de tous types : nociceptive, neuropathique, mixte, psychogène.
Classification des douleurs cancéreuses
Les douleurs cancéreuses peuvent être liées à la tumeur elle-même ou liées au traitement.
Dans le cas de douleur liée à la tumeur, le mécanisme est nociceptif, et elle apparait souvent lorsque la lésion a déjà évoluée localement avec une destruction tissulaire ou si le cancer est métastasé.
La douleur peut représenter le symptôme majeur amenant au diagnostic. Elle est présente précocement dans certains cancers comme le sein, l’ovaire, la prostate, le colon, ou le rectum.
Il peut s’agir de différents types de douleurs.
Les tumeurs osseuses donnent une douleur constante, bien localisée, avec un fond douloureux permanent et augmentant la nuit.
La douleur peut venir de compressions ou infiltrations des structures nerveuses, comme par exemple au niveau du plexus brachial dans le syndrome de Pancoast-Tobias, au niveau du plexus lombaire ou sacré, par atteinte du système nerveux central dans le cas de métastases cérébrales, vertébrales, ou méningites carcinomateuses.
Des douleurs abdominales peuvent être présentes par inflammation du péritoine pariétal, infiltration ou obstruction d'un viscère creux, voire par irritation du parenchyme d'organes pleins.
L’infiltration et l’occlusion des vaisseaux sanguins peut donner des douleurs diffuses, d’intensité progressive, à type de brûlure non radiculaire. Il peut y avoir un vasospasme, un œdème du membre supérieur.
La nécrose, l’inflammation, et l’ulcération muqueuse donnent des douleurs très intenses, notamment au niveau ORL.
La douleur peut aussi venir du traitement, que ce soit après chimiothérapie, radiothérapie ou chirurgie.
Les chimiothérapies peuvent donner des douleurs de différentes origines. Elles peuvent donner des neuropathies périphériques sensitives et motrices, des mucites par ulcérations buccales, pharyngées, œsophagiennes, ou ano- rectales, des névralgies zostériennes et post-zostériennes par névralgie secondaire du V, ou une nécrose aseptique. La douleur de nécrose aseptique est constante, mécanique, souvent post-corticothérapie, et siège essentiellement sur la tête fémorale ou la tête humorale. Les douleurs post chimio peuvent aussi venir de fractures pathologiques, ou de pseudo-rhumatisme.
Les douleurs post-radiothérapiques peuvent venir d’ostéoradionécrose qui représente l’étiologie la plus sévère avec une douleur intense. Elles peuvent être dus aussi à une myélopathie post-radique qui donne une douleur intense avec des symptômes neurologiques dans le cadre d’un syndrome de Brown-Séquard. Elle est soit transitoire et régresse en 2 à 6 mois, soit évolutive.
Le traitement chirurgical donne des douleurs variables.
Les douleurs post-thoracotomie sont présentes sur le trajet du nerf intercostal, avec une douleur constante, pouvant durer jusqu’à 1 à 2 mois après l’intervention.
Les douleurs post-mastectomie sont peu fréquente, elles augmentent au mouvement du bras, avec une composante d’hyperalgésie.
On peut citer aussi les douleurs post-néphrectomie et les douleurs d'amputation de moignon ou de membre fantôme.
Les douleurs cancéreuses ont un schéma évolutif particulier avec une douleur de fond et des accès douloureux paroxystiques.
La douleur de fond est continue, souvent permanente, de type nociceptive ou neuropathique et impose un traitement de fond.
L’accès douloureux paroxystique correspond à une exacerbation transitoire et de courte durée de la douleur, d'intensité modérée à sévère, sur une douleur de fond contrôlée par un traitement opioïde fort efficace ou en l'absence de douleur de fond.
Ces accès peuvent être spontanés et imprévisibles avec des facteurs identifiés comme par exemple la toux, l’éternuement, les spasmes digestifs, ou prévisibles lors d'actions volontaires comme par exemple les mouvements, l’alimentation, la défécation, ou provoqués par des soins ou des actes médicaux.
Douleur et cancer : Prise en charge
Stratégie thérapeutique
La définition d'un traitement efficace d'une douleur cancéreuse est composée de 5 critères :
- l’absence ou une intensité faible de la douleur de fond,
- le respect du sommeil,
- la survenue de moins de 4 accès douloureux par jour avec une efficacité des traitements de plus de 50%,
- des activités habituelles possibles ou peu limitées par la douleur
- des effets indésirables des traitements mineurs ou absents.
La prise en charge antalgique repose avant tout sur le traitement étiologique, c’est-à-dire sur la chirurgie, la radiothérapie, et la chimiothérapie.
Le traitement des douleurs est variable selon les causes.
Les douleurs nociceptives avec un EVA inférieur à 4 sont traitées par antalgiques de palier 1. Avec un EVA entre 4 et 7 on utilise des antalgiques de palier 2, c’est-à-dire de la codéine éventuellement associée à du paracétamol ou du tramadol.
Avec un EVA supérieur à 7 on utilise des antalgiques de palier 3 avec des formes à libération prolongée ou forme patch dans les douleurs de fond. Pour les douleurs chroniques résistante, on utilise l’hydromorphone. Dans les accès douloureux paroxystiques, on met des formes à libération immédiates. On peut faire une titration en sous- cutané ou intraveineuse s’il n’est pas possible de passer par la voie orale.
Pour réduire les effets secondaires des antalgiques, on fait ce qu’on appelle la rotation des opioïdes. Mais cette stratégie est assez controversée. Elle peut se faire par changement de la voie d’administration du médicament. Par exemple par le passage de la voie orale à la voie transdermique, où on donne la dernière dose orale lors de la pose du 1er patch. Ou à l’inverse par le passage de la voie transdermique à orale, dans ce cas la 1ère administration orale se fait 12 à 24h après retrait du patch transdermique.
Dans les douleurs neuropathiques, on utilise des tricycliques et des antiépileptiques.
Dans les douleurs osseuses, on peut avoir recours à la radiothérapie, aux blocs nerveux, aux bisphosphonates, aux AINS, à la chirurgie, la cimentoplastie ou la vertébroplastie.
En cas d’infiltration des tissus mous, on traite par antalgiques, AINS, ou corticoïdes.
Pour traiter un lymphœdème, on fait des massages, on surélève le membre atteint, ou on peut aussi mettre des bas de contention et éventuellement des corticoïdes.
Les morphiniques ont de nombreux effets secondaires qu’il faut prévenir et prendre en charge.
Ils provoquent en particulier une constipation qu’on prévient en mettant un traitement systématiquement avec des règles hygiéno-diététiques et un laxatif osmotique. En cas d’inefficacité du traitement préventif, on passe à une bithérapie osmotique et stimulante ou on procède à un lavement rectal.
Pour les vomissements, on donne si besoin du métoclopramide ou de l’halopéridol.
Les morphiniques peuvent aussi entrainer une somnolence qui survient surtout en phase d'instauration et une somnolence croissante en cas de surdosage.
On peut citer d’autres analgésiques et co-analgésiques comme les myorelaxants avec les antispastiques comme le baclofène, les benzodiazépines pour les contractures musculaires. La neurostimulation trans-cutanée électrique externe peut être efficace dans les neuropathies locales.
Les antidépresseurs, l’administration d'antalgiques intra- médullaire, la physiothérapie, l’acupuncture, les blocs locorégionaux, une approche psychologique sont éventuellement à proposer au patient douloureux.
Traitement de l'accès douloureux paroxystique
L’accès douloureux paroxystique a un traitement différent de la douleur chronique.
Il se traite notamment par morphine et oxycodone à libération immédiate avec des interdoses de 6 à 10% de la posologie des 24h.
Le fentanyl transmuqueux est le traitement des accès douloureux paroxystiques chez les patients recevant un traitement de fond par opioïde avec plus de 60 milligrammes par jour de morphine oral, et au moins 1 semaine de traitement. Il peut être utilisé pour prévenir un accès douloureux paroxystique prévisible lié aux soins par exemple. Il n’est pas indiqué dans le traitement par opioïdes intra veineux avec une patient controlled analgesia.
En cas d'accès douloureux paroxystique neuropathique, une réévaluation du traitement antalgique est indispensable, par exemple pour associer des antiépileptiques.
En pratique, lors d’un accès douloureux, on fait une titration en commençant par la plus faible dose. Une fois la dose efficace déterminée, cette dose sera réutilisée pour tous les accès douloureux paroxystiques ultérieurs, indépendamment de la dose utilisée pour le traitement de fond.
Il est nécessaire de respecter un délai de 4h pour le traitement d'un nouvel accès douloureux paroxystique.
La survenue de plus de 4 accès douloureux paroxystiques par jour doit faire revoir et adapter le traitement de fond.
Si le patient est somnolent, il ne faut pas reprendre de dose supplémentaire même si la dernière a eu lieu il y a plus de 4h.
Le fentanyl peut être présenté sous formes nasales, sublinguales, buccales ou autre.
A noter que le citrate de fentanyl est utilisable dans les accès douloureux paroxystiques quel que soit le traitement antalgique de fond.
Douleur et personne âgée : Particularités
Passons maintenant à la partie sur la douleur chez la personne âgée.
Particularité de la douleur
Chez le sujet âgé, la douleur a une prévalence plus importante, avec de manière générale 40 à 80% des sujets en souffrance, dont 25 à 50% à domicile et 45 à 80% en institution.
Elle est souvent sous-estimée et sous-traitée, surtout en cas de troubles de la communication et de la cognition.
La douleur aiguë du sujet âgé a parfois une symptomatologie atypique et silencieuse, comme par exemple dans l’infarctus du myocarde.
La douleur chronique est très fréquente, et a un retentissement sur l'état général, le psychisme et la vie socio-familiale.
La douleur neuropathique est aussi fréquente et concerne plus de 10% des cas.
Cette douleur peut avoir différentes étiologies comme des pathologies ostéo-articulaires, des cancers, une origine neuropathique comme par exemple dans les douleurs post- zostériennes ou la névralgie faciale.
Chez les sujets grabataires, on voit des douleurs de décubitus, d'appui, neurologiques.
Cette douleur peut être de type neuropathique comme par exemple des brûlures, des décharges électriques, ou de type nociceptif.
La population touchée par les douleurs est hétérogène avec une différence de niveau de déclin cognitif ou de vieillissement biologique. Elle nécessite une prise en charge adaptée et individualisée.
Au niveau physiopathologique, les sujets âgés ont la même tolérance à la douleur que les sujets jeunes. En revanche il y a une diminution de la sensibilité des nocicepteurs entrainant une diminution de la discrimination sensorielle, et une augmentation des douleurs neuropathiques.
Aussi, l’intégration corticale est possiblement altérée dans les états démentiels.
Particularités de la prise en charge
La prise en charge de la douleur doit être adaptée chez la personne âgée en raison des modifications pharmacologiques. Au niveau de l’absorption, les modifications sont peu impliquées dans l'inefficacité des antalgiques.
Pour la distribution, comme on a une baisse de l’albumine, il y a augmentation du volume de distribution des liposolubles.
Le métabolisme est modifié notamment les étapes de phase I, c’est-à-dire l’oxydation et la réduction, ce qui peut donner des métabolites des opioïdes plus puissants, et donc augmenter la sensibilité des opioïdes.
Au niveau de l’élimination des médicaments, on a souvent chez le sujet âgé une baisse de la clairance rénale, ce qui peut entrainer une accumulation avec un risque d’insuffisance rénale ou d’hypokaliémie.
En ce qui concerne le côté pharmacodynamique, il y a une augmentation de la sensibilité aux morphiniques et donc une baisse des doses recommandée.
Douleur et personne âgée : évaluation du traitement
évaluation
L’évaluation de la douleur chez la personne âgée repose sur une démarche multidisciplinaire. On essaie dans la mesure du possible de procéder à une autoévaluation de la douleur par échelle numérique ou échelle verbale simple. En cas d’échec de l’autoévaluation, par exemple si le sujet ne communique pas, on fait une hétéro-évaluation avec une évaluation gériatrique globale.
Il faut toujours rechercher les situations potentiellement douloureuses, en faisant éventuellement un test antalgique, et en se basant sur 4 éléments : repérer, évaluer, traiter et réévaluer.
Ne pas oublier aussi d’évaluer la dépression et la démence qui sont souvent associées car elles ont des interactions multiples.
Douleur et personne âgée : Traitement
Traitement
Le traitement est le même que chez l'adulte.
En revanche il y a des risques plus importants liés à la polymédication, aux contre-indications et comorbidités, aux effets secondaires, et aux interactions plus fréquentes.
Une douleur aiguë de faible intensité peut être traité par paracétamol, sauf si le patient prend des antivitamines K. Si on prescrit des AINS, il faut associer un inhibiteur de la pompe à protons.
Les douleurs aigües d’intensité modérée sont traitées par codéine ou tramadol.
Celles de forte intensité sont traitées par opiacés forts, avec des effets secondaires très handicapants comme par exemple la constipation, la rétention d’urines, ou encore des nausées. Il est nécessaire d’anticiper ces effets secondaires, et de faire une titration en débutant à de faibles posologies avec de faibles augmentations.
Le traitement d’une douleur chronique nécessite une réévaluation régulière pour limiter les effets secondaires et les interactions médicamenteuses. L’éducation thérapeutique est à réitérer régulièrement et favorise l’effet placebo.
Les douleurs neuropathiques peuvent être traitées par tricycliques sauf en cas de contres indications qui sont entre autres le glaucome, l’hypertrophie bénigne de prostate, et l’association au traitement anticholinestérasique des démences. On peut aussi traiter les douleurs neuropathiques par inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, par inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, par antiépileptiques ou opiacés. Pour les antiépileptiques, ne pas oublier de diminuer la posologie en cas d’insuffisance rénale. Un patch de lidocaïne 5% peut être utilisé en cas de douleur neuropathique localisée.
Malheureusement, les échecs thérapeutiques sont fréquents dans le traitement des douleurs neuropathiques.
On peut aussi proposer des traitements non médicamenteux comme le yoga, les massages, l’hypnose, le biofeedback, la relaxation, ou encore la musicothérapie.
Ces thérapeutiques ont un bénéfice dans 96% des études, avec une meilleure acception de la douleur et une amélioration de la qualité de vie.
Ces thérapeutiques sont évidemment à adapter aux déficits sensoriels du sujet.
Classification de Beaulieu des antalgiques
La classification de Beaulieu des antalgiques distingue les différents traitements anti douleur selon leurs mécanismes d’action et leurs indications.
- Dans les antalgiques anti-nociceptifs, on a des médicaments non opioïdes comme le paracétamol et les AINS, et des opioïdes comme la codéine et les dérivés morphiniques.. Ces antalgiques sont utilisés dans les douleurs nociceptives.
- Dans les antalgiques mixtes anti-nociceptifs et modulateurs des contrôles descendants inhibiteurs, on retrouve le tramadol et le tapentadol. Ces médicaments sont indiqués dans les douleurs mixtes nociceptives et neuropathiques.
- Dans les antalgiques modulant les contrôles descendants inhibiteurs, on a 2 catégories : les antidépresseurs tricycliques avec l’amitriptyline, et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline avec la duloxétine et la venlafaxine. Ces antalgiques sont utilisés dans les douleurs neuropathiques.
- Dans les antalgiques anti-hyperalgésiques, on retrouve 3 catégories : les antagonistes NMDA avec comme molécule la kétamine ; les antiépileptiques avec la gabapentine, la prégabaline, la lamotrigine ; et le néfopam. Ces médicaments sont indiqués dans les douleurs neuropathiques centrales et les situations d’hyperalgésie.
- Dans les antalgiques modulant la transmission et la sensibilisation périphérique, on a les anesthésiques locaux comme la xylocaïne, les antiépileptiques comme la carbamazépine, l’oxcarbamazépine et le topiramate, et enfin la capsaïcine. Ces médicaments sont indiqués dans les douleurs neuropathiques périphériques.