- Hématologie
- UE 9
- Item 293
Important
Agranulocytose médicamenteuse
- Diagnostiquer une agranulocytose médicamenteuse
- Identifier les situations d’urgences et planifier leur prise en charge
Généralités
Définition
Neutropénie = PNN < 1,5 G/L
- Discrète si PNN compris entre 1 et 1,5 G/L
- Modérée si PNN compris entre 0,5 et 1 G/L / Sévère si PNN < 0,5 G/L
Agranulocytose = PNN < 0,5 G/L
- En théorie, agranulocytose si disparition des PNN circulants (< 0,1 G/L)
- En pratique, agranulocytose si neutropénie sévère: PNN < 0,5 G/L
épidémiologie
- Accident iatrogène fréquent (2,4% des accidents iatrogéniques)
- Pronostic: mauvais / 5% de mortalité même avec prise en charge précoce
Physiopathologie: distinguer 2 grands types d'agranulocytose
Mécanisme toxique (aplasie médullaire)
- Toxicité directe du médicament sur les précurseurs médullaires (Donc ne touche pas uniquement les polynucléaires neutrophiles) / hypoplasie puis aplasie, touchant parfois + sélectivement la lignée granocytaire
- Mécanisme le + fréquent / attendu / dans les jours suivants la chimiothérapie
- Profondeur de l'aplasie post-chimio (nadir) dépend de : âge / traitements antérieurs / maladie causale / nature et dose de la chimiothérapie
- Agranulocytose progressive / avec pancytopénie d'origine centrale / dose-dépendante / même délai / survient dès la 1ère utilisation
- La + fréquente / vers J5-J10 post-chimio généralement (car la durée de vie des polynucléaires est d'environ 10 jours)
- Beaucoup + rarement : agranulocytose non prévisible (sur psychotropes…), avec absence de régression spontanée
Mécanisme immuno-allergique
- Origine périphérique, intéressant uniquement la lignée granulocytaire
- Toxicité indépendante de la dose mais nécessite un contact sensibilisant avec le médicament
- Mécanisme "haptène-carrier" par exemple : le médicament devient un haptène s'il se lie avec une protéine plasmatique ("carrier") ou protéine membranaire du PNN, apparition d'anticorps anti-"médicament + protéine" (ou altération directe de la membrane du granulocyte avec formation d'auto-anticorps)
- Activation du complément : disparition rapide (en quelques heures) des PNN / survient entre 1 et 3 semaines après l'introduction du médicament (parfois + précoce s'il s'agit d'un médicament réintroduit)
- Très rare (< 3-16 évènements pour 1 millions d'utilisation par an) depuis l'éviction du pyramidon & et de la phénylbutazone
- Y penser devant introduction ou modification de médicament / de médicament commercialisé depuis peu
- Agranulocytose brutale / isolée / dose-indépendante / délai diminué s'il s'agit d'une réintroduction
Germes responsables des infections chez le neutropénique
- Bactéries Gram (+) (60%): staphylocoques / streptocoques
Remarque: le germe n'est pas retrouvé dans 1/4 des cas
étiologies
Agranulocytose médicamenteuse aiguë (immuno-allergique)
- Anti-thyroïdiens de synthèse: carbimazole ++ / propylthiouracile
- Antiépileptiques: carbamazépine ++ / phénytoïne / phénobarbital
- Neuroleptique: clozapine ++
- Antibiotiques: pénicilline à fortes doses / cotrimoxazole
- Ticlopidine / procaïnamide / rituximab / sulfasalazine / défériprone
Agranulocytose dans le cadre d’une aplasie médullaire (toxique)
Aplasie post-chimiothérapie (+++)
- Complication de toutes les chimiothérapies
- Aplasie médullaire attendue et prévisible (dans le traitement des hémopathies ++)
Aplasie médicamenteuse accidentelle
- Antibiotiques: sulfamides / thiophénicol / antiépileptiques : hydantoïne
- Anti-inflammatoires: D-pénicillamine / sels d’or / phénylbutazone
Agranulocytose par toxicité élective sur les PNN
- Apparition progressive, temps et dose-dépendante
- Antithyroïdiens de synthèse / phénothiazidiques / sels d'or
- Antihistaminiques de type 2 / dérivés du chloramphénicol
Diagnostic
EXAMEN CLINIQUE
Interrogatoire
- Terrain: immuno-allergique : femme adulte ++
- Prises médicamenteuses: interrogatoire "policier" recherchant toutes les prises
- Anamnèse: résultat de la dernière NFS ++ / notion de frissons
- Déterminer l’imputabilité du médicament
- imputabilité intrinsèque: liée au patient: chronologie / sémiologie
- imputabilité extrinsèque: liée à la littérature: effet connu du médicament / données de pharmacovigilance
Examen physique
Diagnostic positif : tableau infectieux atypique
- Fièvre d’installation brutale >38,5°C/ sepsis associé (tachycardie, polypnée..)
- Origine parfois indéterminée (pas de foyer localisé car absence de PNN donc absence de pus cliniquement)
- Ulcérations des muqueuses associées: lésions hyperalgiques, creusantes, susceptibles de surinfection / angine ulcéro-nécrotique (± toute muqueuse)
Retentissement : recherche des signes de gravité
- Septiques: syndrome de réaction inflammatoire systémique / sepsis sévère (pression artérielle systolique < 90mmHg) / choc
- Autres: hémodynamiques / neurologiques / respiratoires / terrain (cancer)
Orientation étiologique
- Recherche d'un foyer infectieux
Foyer infectieux: inconstant/ non retrouvé dans la majorité des cas
- Examens: cardiologique (endocardite)/ pneumologique / ORL / cutané / neurologique / BU
- + examen du cathéter central: recherche de signes inflammatoires
- Orientation vers le mécanisme: cytopénies associées
- Rechercher un syndrome anémique et/ou hémorragique associé
- Pancytopénie + syndrome tumoral (adénopathies, hépato-splénomégalie) : évoquer une leucémie aiguë
- Autres cytopénies en cas d'aplasie médullaire toxique / isolée si origine immuno-allergique
EXAMENS COMPLEMENTAIRES
AUCUN examen ne doit retarder la prise en charge
Pour diagnostic positif
Hémogramme
- "Vraie" agranulocytose : PNN < 0,2 G/L et parfois = 0
- Diagnostic positif d'agranulocytose retenu si PNN < 0,5 G/L
Recherche des cytopénies associées = aplasie médullaire (toxique) : leucopénie, anémie et thrombopénie associées si chimiothérapie
- En cas d'origine immuno-allergique : leucopénie fréquente / agranulocytose souvent complète, persistance des autres lignées leucocytaires / absence d'anémie-thrombopénie
Ponction médullaire pour myélogramme +++
- Systématique sauf si secondaire à une chimiothérapie anticancéreuse / elle retrouve :
- Dans le cadre d’une agranulocytose immuno-allergique
- signes positifs: disparition de la lignée granuleuse ou "blocage de maturation" (arrêt aux précurseurs : myéloblastes, promyélocytes)
- signes négatifs (++): richesse normale (pas comme dans l'aplasie médullaire) / pas d’envahissement/ pas de blastes ni de corps d’Auer (retrouvés dans une leucémie aiguë promyélocytaire)
- Myélogramme indispensable: doit être systématique
- Dans le cadre d’une aplasie médullaire post-chimiothérapie
- Dans le cadre d’une aplasie médullaire accidentelle
- Agranulocytose attendue donc myélogramme inutile
- Objectiverait une moelle pauvre avec atteinte globale
- Myélogramme systématique: moelle très pauvre / atteinte globale
Biopsie ostéo-médullaire : indiquée si pancytopénie (malgré risque infectieux)
Pour diagnostic étiologique
Pour rechercher un germe : bilan infectieux
- Urgence: hémocultures sur cathéter central et en périphérie / à 30 minutes d'intervalle, avec examen direct + culture + antibiogramme
- Systématique: radio thorax / examen cytobactériologique des urines (Avec absence de leucocyturie attendue = faux négatif d'infection)
- ± prélèvements bucco-pharyngés / coprocultures…
- Pas d'origine retrouvée dans 50% des cas
Pour rechercher un médicament (rare en pratique)
- Culture de progéniteurs en présence et en l'absence du sérum / du médicament incriminé
- Recherche d'anticorps anti-granulocytes par immunofluorescence
- Techniques immuno-enzymatiques pour trouver des anticorps anti-granulocytes
Pour évaluation du retentissement
- Hémostase (TP-TCA) / Bilan inflammatoire (VS-CRP et EPP)
- Bilan hépatique (transaminases, GGT..) / Bilan rénal (créatinine-urée-ionogramme)
- Bilan pré-transfusionnel (groupe-Rh-RAI) en cas d’aplasie post-chimio
DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS: devant une neutropénie isolée
- Neutropénie infectieuse: tout sepsis (par hyperconsommation, très rarement causée par l'infection) / virus (mononucléose infectieuse / VIH)
- Neutropénie sur hémopathie: leucémie aiguë pro-myélocytaire (LAM3) / myélodysplasies, signes spécifiques retrouvés sur le myélogramme
- Neutropénie auto-immune: syndrome de Felty (polyarthrite rhumatoïde) / lupus
- Neutropénie "ethnique": sujets de race noire / PNN > 0,5G/L / ancienne et stable
Évolution
Agranulocytose post-chimiothérapique
- Durée de l'agranulocytose très variable (de quelques jours à quelques semaines) / dépend de l'intensité de la chimiothérapie
- Evolution le + souvent favorable / réapparition des polynucléaires vers J7-J10, précédée par une myélémie et une monocytose / il existe parfois une aggravation clinique par afflux de PNN (abcès, SDRA..)
- Prescription adjuvante de G-CSF (facteurs de croissance) : hors AMM
Agranulocytose dans le cadre d'une aplasie médicamenteuse accidentelle
- Médicament présumé responsable arrêté et contre-indication à vie
- En l'absence de restauration spontanée : le traitement correspond au traitement des aplasies médullaires graves
Agranulocytose aiguë médicamenteuse
- Médicament présumé responsable arrêté et contre-indiqué à vie
- A l'arrêt du médicament : remontée des PNN > 0,5G/L en 8-10 jours puis normalisation rapide ensuite, parfois précédée de monocytose puis myélémie et polynucléose de rebond
- Intérêt du G-CSF controversé / pas d'indication à transfusion de concentrés granulocytaires
- Certificat remis au malade concernant l'accident / contre-indication du médicament et des molécules associées
- Mortalité par choc septique : rare mais possible
Traitement
Prise en charge
Dans le cadre d’une agranulocytose médicamenteuse aiguë (immuno-allergique)
- Urgence thérapeutique vitale/ hospitalisation systématique : réa si sepsis
- Isolement protecteur (hygiène stricte, masque, gants, surblouse, surchaussures)
Arrêt de TOUS les médicaments (et pas seulement celui suspecté)
- Mesures de réanimation si besoin : oxygénothérapie, remplissage vasculaire..
Dans le cadre d’une aplasie fébrile post-chimiothérapie (toxique)
Traitement ambulatoire si tous les critères sont réunis (le plus fréquent en pratique)
- Pas de signes de gravité cliniques (frisson / altération de l'état général / intolérance digestive)
- Terrain sans comorbidités / bonne observance / entourage présent
- Aplasie prévue de courte durée (< 7 jours: chimiothérapie de tumeur solide)
- Consultation systématique de contrôle à +48H
Sinon hospitalisation
- En médecine ou en réa si signe de gravité / en urgence
- Isolement protecteur (gants / surblouse / chambre seul)
Antibiothérapie
En cas d'agranulocytose médicamenteuse immuno-allergique
- Antibiothérapie probabiliste / après réalisation des prélèvements sans en attendre les résultats
- IV / double / bactéricide / synergique / adaptation IIre/ active sur les bacilles gram négatifs (Escherichia Coli, Pseudomonas) & les cocci gram positifs (staphylocoque, streptocoque)
- Modalités : bêta-lactamine à large spectre active sur Pyocyanique : Tazocilline (Pipéracilline + tazobactam) ou C3G (Ceftazidime) + aminoside (Gentamicine ou Amikacine) ou fluoroquinolones
- Surveillance : clinique = signes de sepsis sévère/choc, température, signes d'allergie aux antibiotiques / paraclinique : NFS, dosage du pic et résiduel des amniosides
- Arrêt de l'antibiothérapie possible lorsque PNN > 0,5 G/L et apyrexie depuis > 48h
En cas d'agranulocytose médicamenteuse toxique post-chimiothérapie
En l'absence de signes de gravité cliniques : antibiothérapie probabiliste ambulatoire PO (Augmentin + fluoroquinolone type ciprofloxacine) / si la fièvre persiste plus de 48h ou en cas de signes de gravité cliniques : hospitalisation
IV / double / bactéricide / synergique / adaptation IIre/ active sur les bacilles gram négatifs & les cocci gram positifs
Si critères d'hospitalisation présents : antibiothérapie probabiliste
- Sans signe de gravité (neutropénie de durée prévue < 7 jours, peu profonde, score MASCC > 20, absence de comorbidités): traitement par C3G + aminoside
- Sinon utilisation de bêta-lactamine anti-pyocyanique type Pipéracilline-tazobactam ou ceftazidine / + aminoside si sepsis sévère ou choc septique (si allergie : fluoroquinolones + aminoside)
En cas de fièvre persistante
- À 48h ou en cas de point d’entrée cutanée : ajout de vancomycine contre staphylocoques Méti-R
- À 72h ou en cas de persistance du syndrome infectieux malgré la vancomycine : ajout d'anti-fongique systémique (amphotéricine B)
En cas d'agranulocytose de longue durée
- Risque fongique en + du risque bactérien
- Hébergement en chambre ventilée par air stérile (pression positive, flux luminaire) pour protéger de l'aspergillose invasive
- Risque très faible en post-chimiothérapie car remontée rapide des PNN
NPO si foyer retrouvé: traitement de la porte d’entrée ++
- Indications de l'ablation de la chambre implantable si infection :
- Remarque : antibiotiques efficaces sur Pseudomonas Aeruginosa
- Infection à Candida ou pyocyanique / choc septique
- Signes d'inflammation-infection locale
- Echec d'une prise en charge conservatrice
- Carbapénèmes / ceftazidime / pipéracilline ± tazobactam
- Ticarcilline / ciprofloxacine / amikacine
Mesures associées
En cas d’agranulocytose médicamenteuse aiguë
- Recherche étiologique
- Signaler l’accident
- Education du patient +++
- Liste tous les médicaments pris et enquête étiologique d'imputabilité (intrinsèque avec clinique, délai de survenue et extrinsèque avec effets secondaires connus dans la littérature)
- Déclaration à la pharmacovigilance
- Liste des médicaments contre-indiqués (certificat médical)
- Eviter l’auto-médication
- Port de carte avec nom des médicaments / du médecin traitant
- Ordonnance de NFS: en urgence en cas d’angine
En cas d’aplasie médullaire post-chimiothérapie
- Report de la cure de chimiothérapie prévue initialement
- Administration de G-CSF lors des prochaines cures (prévention secondaire)
- Prévention de l'agranulocytose post-chimio :
- NFS 48h avant chaque cure de chimiothérapie
- Ordonnance de NFS au patient à réaliser si fièvre > 38°C et communiquer les résultats au service d'oncologie
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- Diagnostiquer une agranulocytose médicamenteuse
- Identifier les situations d’urgences et planifier leur prise en charge
Généralités
Définition
Neutropénie = PNN < 1,5 G/L
- Discrète si PNN compris entre 1 et 1,5 G/L
- Modérée si PNN compris entre 0,5 et 1 G/L / Sévère si PNN < 0,5 G/L
Agranulocytose = PNN < 0,5 G/L
- En théorie, agranulocytose si disparition des PNN circulants (< 0,1 G/L)
- En pratique, agranulocytose si neutropénie sévère: PNN < 0,5 G/L
épidémiologie
- Accident iatrogène fréquent (2,4% des accidents iatrogéniques)
- Pronostic: mauvais / 5% de mortalité même avec prise en charge précoce
Physiopathologie: distinguer 2 grands types d'agranulocytose
Mécanisme toxique (aplasie médullaire)
- Toxicité directe du médicament sur les précurseurs médullaires (Donc ne touche pas uniquement les polynucléaires neutrophiles) / hypoplasie puis aplasie, touchant parfois + sélectivement la lignée granocytaire
- Mécanisme le + fréquent / attendu / dans les jours suivants la chimiothérapie
- Profondeur de l'aplasie post-chimio (nadir) dépend de : âge / traitements antérieurs / maladie causale / nature et dose de la chimiothérapie
- Agranulocytose progressive / avec pancytopénie d'origine centrale / dose-dépendante / même délai / survient dès la 1ère utilisation
- La + fréquente / vers J5-J10 post-chimio généralement (car la durée de vie des polynucléaires est d'environ 10 jours)
- Beaucoup + rarement : agranulocytose non prévisible (sur psychotropes…), avec absence de régression spontanée
Mécanisme immuno-allergique
- Origine périphérique, intéressant uniquement la lignée granulocytaire
- Toxicité indépendante de la dose mais nécessite un contact sensibilisant avec le médicament
- Mécanisme "haptène-carrier" par exemple : le médicament devient un haptène s'il se lie avec une protéine plasmatique ("carrier") ou protéine membranaire du PNN, apparition d'anticorps anti-"médicament + protéine" (ou altération directe de la membrane du granulocyte avec formation d'auto-anticorps)
- Activation du complément : disparition rapide (en quelques heures) des PNN / survient entre 1 et 3 semaines après l'introduction du médicament (parfois + précoce s'il s'agit d'un médicament réintroduit)
- Très rare (< 3-16 évènements pour 1 millions d'utilisation par an) depuis l'éviction du pyramidon & et de la phénylbutazone
- Y penser devant introduction ou modification de médicament / de médicament commercialisé depuis peu
- Agranulocytose brutale / isolée / dose-indépendante / délai diminué s'il s'agit d'une réintroduction
Germes responsables des infections chez le neutropénique
- Bactéries Gram (+) (60%): staphylocoques / streptocoques
Remarque: le germe n'est pas retrouvé dans 1/4 des cas
étiologies
Agranulocytose médicamenteuse aiguë (immuno-allergique)
- Anti-thyroïdiens de synthèse: carbimazole ++ / propylthiouracile
- Antiépileptiques: carbamazépine ++ / phénytoïne / phénobarbital
- Neuroleptique: clozapine ++
- Antibiotiques: pénicilline à fortes doses / cotrimoxazole
- Ticlopidine / procaïnamide / rituximab / sulfasalazine / défériprone
Agranulocytose dans le cadre d’une aplasie médullaire (toxique)
Aplasie post-chimiothérapie (+++)
- Complication de toutes les chimiothérapies
- Aplasie médullaire attendue et prévisible (dans le traitement des hémopathies ++)
Aplasie médicamenteuse accidentelle
- Antibiotiques: sulfamides / thiophénicol / antiépileptiques : hydantoïne
- Anti-inflammatoires: D-pénicillamine / sels d’or / phénylbutazone
Agranulocytose par toxicité élective sur les PNN
- Apparition progressive, temps et dose-dépendante
- Antithyroïdiens de synthèse / phénothiazidiques / sels d'or
- Antihistaminiques de type 2 / dérivés du chloramphénicol
Diagnostic
EXAMEN CLINIQUE
Interrogatoire
- Terrain: immuno-allergique : femme adulte ++
- Prises médicamenteuses: interrogatoire "policier" recherchant toutes les prises
- Anamnèse: résultat de la dernière NFS ++ / notion de frissons
- Déterminer l’imputabilité du médicament
- imputabilité intrinsèque: liée au patient: chronologie / sémiologie
- imputabilité extrinsèque: liée à la littérature: effet connu du médicament / données de pharmacovigilance
Examen physique
Diagnostic positif : tableau infectieux atypique
- Fièvre d’installation brutale >38,5°C/ sepsis associé (tachycardie, polypnée..)
- Origine parfois indéterminée (pas de foyer localisé car absence de PNN donc absence de pus cliniquement)
- Ulcérations des muqueuses associées: lésions hyperalgiques, creusantes, susceptibles de surinfection / angine ulcéro-nécrotique (± toute muqueuse)
Retentissement : recherche des signes de gravité
- Septiques: syndrome de réaction inflammatoire systémique / sepsis sévère (pression artérielle systolique < 90mmHg) / choc
- Autres: hémodynamiques / neurologiques / respiratoires / terrain (cancer)
Orientation étiologique
- Recherche d'un foyer infectieux
Foyer infectieux: inconstant/ non retrouvé dans la majorité des cas
- Examens: cardiologique (endocardite)/ pneumologique / ORL / cutané / neurologique / BU
- + examen du cathéter central: recherche de signes inflammatoires
- Orientation vers le mécanisme: cytopénies associées
- Rechercher un syndrome anémique et/ou hémorragique associé
- Pancytopénie + syndrome tumoral (adénopathies, hépato-splénomégalie) : évoquer une leucémie aiguë
- Autres cytopénies en cas d'aplasie médullaire toxique / isolée si origine immuno-allergique
EXAMENS COMPLEMENTAIRES
AUCUN examen ne doit retarder la prise en charge
Pour diagnostic positif
Hémogramme
- "Vraie" agranulocytose : PNN < 0,2 G/L et parfois = 0
- Diagnostic positif d'agranulocytose retenu si PNN < 0,5 G/L
Recherche des cytopénies associées = aplasie médullaire (toxique) : leucopénie, anémie et thrombopénie associées si chimiothérapie
- En cas d'origine immuno-allergique : leucopénie fréquente / agranulocytose souvent complète, persistance des autres lignées leucocytaires / absence d'anémie-thrombopénie
Ponction médullaire pour myélogramme +++
- Systématique sauf si secondaire à une chimiothérapie anticancéreuse / elle retrouve :
- Dans le cadre d’une agranulocytose immuno-allergique
- Dans le cadre d’une aplasie médullaire post-chimiothérapie
- Dans le cadre d’une aplasie médullaire accidentelle
- signes positifs: disparition de la lignée granuleuse ou "blocage de maturation" (arrêt aux précurseurs : myéloblastes, promyélocytes)
- signes négatifs (++): richesse normale (pas comme dans l'aplasie médullaire) / pas d’envahissement/ pas de blastes ni de corps d’Auer (retrouvés dans une leucémie aiguë promyélocytaire)
- Myélogramme indispensable: doit être systématique
- Agranulocytose attendue donc myélogramme inutile
- Objectiverait une moelle pauvre avec atteinte globale
- Myélogramme systématique: moelle très pauvre / atteinte globale
Biopsie ostéo-médullaire : indiquée si pancytopénie (malgré risque infectieux)
Pour diagnostic étiologique
Pour rechercher un germe : bilan infectieux
- Urgence: hémocultures sur cathéter central et en périphérie / à 30 minutes d'intervalle, avec examen direct + culture + antibiogramme
- Systématique: radio thorax / examen cytobactériologique des urines (Avec absence de leucocyturie attendue = faux négatif d'infection)
- ± prélèvements bucco-pharyngés / coprocultures…
- Pas d'origine retrouvée dans 50% des cas
Pour rechercher un médicament (rare en pratique)
- Culture de progéniteurs en présence et en l'absence du sérum / du médicament incriminé
- Recherche d'anticorps anti-granulocytes par immunofluorescence
- Techniques immuno-enzymatiques pour trouver des anticorps anti-granulocytes
Pour évaluation du retentissement
- Hémostase (TP-TCA) / Bilan inflammatoire (VS-CRP et EPP)
- Bilan hépatique (transaminases, GGT..) / Bilan rénal (créatinine-urée-ionogramme)
- Bilan pré-transfusionnel (groupe-Rh-RAI) en cas d’aplasie post-chimio
DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS: devant une neutropénie isolée
- Neutropénie infectieuse: tout sepsis (par hyperconsommation, très rarement causée par l'infection) / virus (mononucléose infectieuse / VIH)
- Neutropénie sur hémopathie: leucémie aiguë pro-myélocytaire (LAM3) / myélodysplasies, signes spécifiques retrouvés sur le myélogramme
- Neutropénie auto-immune: syndrome de Felty (polyarthrite rhumatoïde) / lupus
- Neutropénie "ethnique": sujets de race noire / PNN > 0,5G/L / ancienne et stable
Évolution
Agranulocytose post-chimiothérapique
- Durée de l'agranulocytose très variable (de quelques jours à quelques semaines) / dépend de l'intensité de la chimiothérapie
- Evolution le + souvent favorable / réapparition des polynucléaires vers J7-J10, précédée par une myélémie et une monocytose / il existe parfois une aggravation clinique par afflux de PNN (abcès, SDRA..)
- Prescription adjuvante de G-CSF (facteurs de croissance) : hors AMM
Agranulocytose dans le cadre d'une aplasie médicamenteuse accidentelle
- Médicament présumé responsable arrêté et contre-indication à vie
- En l'absence de restauration spontanée : le traitement correspond au traitement des aplasies médullaires graves
Agranulocytose aiguë médicamenteuse
- Médicament présumé responsable arrêté et contre-indiqué à vie
- A l'arrêt du médicament : remontée des PNN > 0,5G/L en 8-10 jours puis normalisation rapide ensuite, parfois précédée de monocytose puis myélémie et polynucléose de rebond
- Intérêt du G-CSF controversé / pas d'indication à transfusion de concentrés granulocytaires
- Certificat remis au malade concernant l'accident / contre-indication du médicament et des molécules associées
- Mortalité par choc septique : rare mais possible
Traitement
Prise en charge
Dans le cadre d’une agranulocytose médicamenteuse aiguë (immuno-allergique)
- Urgence thérapeutique vitale/ hospitalisation systématique : réa si sepsis
- Isolement protecteur (hygiène stricte, masque, gants, surblouse, surchaussures)
Arrêt de TOUS les médicaments (et pas seulement celui suspecté)
- Mesures de réanimation si besoin : oxygénothérapie, remplissage vasculaire..
Dans le cadre d’une aplasie fébrile post-chimiothérapie (toxique)
Traitement ambulatoire si tous les critères sont réunis (le plus fréquent en pratique)
- Pas de signes de gravité cliniques (frisson / altération de l'état général / intolérance digestive)
- Terrain sans comorbidités / bonne observance / entourage présent
- Aplasie prévue de courte durée (< 7 jours: chimiothérapie de tumeur solide)
- Consultation systématique de contrôle à +48H
Sinon hospitalisation
- En médecine ou en réa si signe de gravité / en urgence
- Isolement protecteur (gants / surblouse / chambre seul)
Antibiothérapie
En cas d'agranulocytose médicamenteuse immuno-allergique
- Antibiothérapie probabiliste / après réalisation des prélèvements sans en attendre les résultats
- IV / double / bactéricide / synergique / adaptation IIre/ active sur les bacilles gram négatifs (Escherichia Coli, Pseudomonas) & les cocci gram positifs (staphylocoque, streptocoque)
- Modalités : bêta-lactamine à large spectre active sur Pyocyanique : Tazocilline (Pipéracilline + tazobactam) ou C3G (Ceftazidime) + aminoside (Gentamicine ou Amikacine) ou fluoroquinolones
- Surveillance : clinique = signes de sepsis sévère/choc, température, signes d'allergie aux antibiotiques / paraclinique : NFS, dosage du pic et résiduel des amniosides
- Arrêt de l'antibiothérapie possible lorsque PNN > 0,5 G/L et apyrexie depuis > 48h
En cas d'agranulocytose médicamenteuse toxique post-chimiothérapie
En l'absence de signes de gravité cliniques : antibiothérapie probabiliste ambulatoire PO (Augmentin + fluoroquinolone type ciprofloxacine) / si la fièvre persiste plus de 48h ou en cas de signes de gravité cliniques : hospitalisation
IV / double / bactéricide / synergique / adaptation IIre/ active sur les bacilles gram négatifs & les cocci gram positifs
Si critères d'hospitalisation présents : antibiothérapie probabiliste
- Sans signe de gravité (neutropénie de durée prévue < 7 jours, peu profonde, score MASCC > 20, absence de comorbidités): traitement par C3G + aminoside
- Sinon utilisation de bêta-lactamine anti-pyocyanique type Pipéracilline-tazobactam ou ceftazidine / + aminoside si sepsis sévère ou choc septique (si allergie : fluoroquinolones + aminoside)
En cas de fièvre persistante
- À 48h ou en cas de point d’entrée cutanée : ajout de vancomycine contre staphylocoques Méti-R
- À 72h ou en cas de persistance du syndrome infectieux malgré la vancomycine : ajout d'anti-fongique systémique (amphotéricine B)
En cas d'agranulocytose de longue durée
- Risque fongique en + du risque bactérien
- Hébergement en chambre ventilée par air stérile (pression positive, flux luminaire) pour protéger de l'aspergillose invasive
- Risque très faible en post-chimiothérapie car remontée rapide des PNN
NPO si foyer retrouvé: traitement de la porte d’entrée ++
- Indications de l'ablation de la chambre implantable si infection :
- Remarque : antibiotiques efficaces sur Pseudomonas Aeruginosa
- Infection à Candida ou pyocyanique / choc septique
- Signes d'inflammation-infection locale
- Echec d'une prise en charge conservatrice
- Carbapénèmes / ceftazidime / pipéracilline ± tazobactam
- Ticarcilline / ciprofloxacine / amikacine
Mesures associées
En cas d’agranulocytose médicamenteuse aiguë
- Recherche étiologique
- Signaler l’accident
- Education du patient +++
- Liste tous les médicaments pris et enquête étiologique d'imputabilité (intrinsèque avec clinique, délai de survenue et extrinsèque avec effets secondaires connus dans la littérature)
- Déclaration à la pharmacovigilance
- Liste des médicaments contre-indiqués (certificat médical)
- Eviter l’auto-médication
- Port de carte avec nom des médicaments / du médecin traitant
- Ordonnance de NFS: en urgence en cas d’angine
En cas d’aplasie médullaire post-chimiothérapie
- Report de la cure de chimiothérapie prévue initialement
- Administration de G-CSF lors des prochaines cures (prévention secondaire)
- Prévention de l'agranulocytose post-chimio :
- NFS 48h avant chaque cure de chimiothérapie
- Ordonnance de NFS au patient à réaliser si fièvre > 38°C et communiquer les résultats au service d'oncologie