- Psychiatrie
- UE 3
- Item 74
Important
Addiction à l'alcool
Définitions
La consommation de substances psychoactives peut être décrite suivant plusieurs modalités. Il est important de bien avoir en tête ces définitions.
Usage d’alcool = abstinence + usage simple
Usage simple =
- Moins de 21 verres/semaine pour les hommes
- Moins de 14 verres /semaine pour les femmes
- Pas plus de 4 verres/occasion
- Un jour sans alcool/semaine
- Pas d’alcool quand les circonstances l’imposent (grossesse etc.)
(Important : un verre standard d’alcool en France correspond à 10grs d’alcool pur.)
Mésusage = usage à risque +usage nocif + usage avec dépendance
- Usage à risque = consommation au-dessus des seuils recommandés (en chronique ou occasionnel)
- Usage nocif = consommation entraînant des dommages physiques ou psychiques mais qui excluent les critères de dépendance
- Dépendance : incapacité de réduire sa consommation et obligation comportementale. On retrouve dans la dépendance :
- des signes psychologiques (incapacité de contrôler la prise, augmentation du temps passé à se procurer la substance…)
- une tolérance : augmentation de la quantité de substance nécessaire pour obtenir l’effet souhaité
- des signes de sevrage qui définissent la dépendance physique
Consommation excessive = ensemble des mésusages.
étiologie
L’alcoolo-dépendance est une maladie résultant d’un ensemble de facteurs génétiques et environnementaux :
- Facteurs génétiques : contribution de 40 à 60%, influence de ces facteurs sur le métabolisme de l’alcool, ses effets, la susceptibilité de développer une cirrhose etc. des antécédents paternels et personnalité antisociale souvent retrouvés.
- Facteurs socio-culturels : profession, habitudes…
- Facteurs de personnalité : impulsions, immaturité…
A noter : l’alcool active la voie de la récompense via la transmission dopaminergique au niveau des régions méso-limbiques (noyau accumbens)
épidémiologie
- Consommation moyenne d’alcool pur par an et par habitant en France : 9L. Régions touchées +++ : ouest, nord, auvergne.
- Mésusage : responsable de 25% de l’ensemble des maladies, 49000 décès par an. 5millions de consommateurs à risque en France, 1.5 millions de dépendants.
- Association très fréquente à d’autres addictions : 75 à 95% de dépendance au tabac =>conséquences +++sur la santé
- Attention : prise en charge différente entre sujets alcoolo-dépendants ou non : s’il n’y a pas de dépendance, une seule diminution de la consommation des seuils sans abstinence totale obligatoire est l’objectif.
- Femmes : 10% des consultants pour difficultés liées à l’alcool. Association avec prise de psychotropes très fréquente.
Dépistage, repérage
EN FRANCE : 20 à 30% des consultants ont un problème avec l’alcool, le rôle du soignant est de les repérer car le déni est fréquent.
OUTILS UTILES : test AUDIT-C (alcohol used disorders identification test) et questionnaire DETA-CAGE (Déjà Entourage Trop Alcool).
Les examens biologiques sont moins performants et non recommandés.
Questions | How often do you have a drink containing alcohol? | |
SCORING TABLE | 0 | Never |
1 | Monthly or less | |
2 | 2 - 4 times per month | |
3 | 2 - 3 times per week | |
4 | 4+ times per week | |
Score |
Questions | How many units of alcohol do you drink on a typical day when you are drinking? | |
SCORING TABLE | 0 | 1 - 2 |
1 | 3 - 4 | |
2 | 5 - 6 | |
3 | 7 - 9 | |
4 | 10+ | |
Score |
Questions | How often have you had 6 or more unites if female, or 8 or more if male, on a single occasion in the last year? | |
SCORING TABLE | 0 | Never |
1 | Less than Monthly | |
2 | Monthly | |
3 | Weekly | |
4 | Daily or almost Daily | |
Score |
Tableau 1.IV Le questionnaire DETA
1. Avez-vous DÉJÀ ressenti le besoin de DIMINUER votre consommation de boissons alcoolisées? |
2. Votre ENTOURAGE vous a t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation |
3. Avez-vous déjà eu l’impression que vous buviez TROP? |
4. Avez-vous déjà eu besoin d’alcool dès l’AUBE pour vous sentir en forme? |
Une alcoolisation dommageable est probable si le sujet répond affirmativement à deux questions ou plus. |
Examens biologiques
VGM : marqueur tardif de consommation excessive
ELÉVATION DE LA y-GT : sensible mais peu spécifique (principal diagnostic différentiel : stéatose).
TRANSFERRINE DÉSIALYLÉE : très spécifique et sensible, bon marqueur de rechute, normalisée en 2 à 5 semaines. Utilisée en cas de déni.
Attention : des examens normaux n’éliminent absolument pas un mésusage d’alcool !!!
signes cliniques
Ivresse
IVRESSE SIMPLE : celle que nous avons tous connue, 3 phases sont classiquement retrouvées : excitation psychomotrice, incoordination, phase comateuse (si alcoolémie >à 3grs/L).
IVRESSE PATHOLOGIQUE : agressivité, tableau plus prolongé, dangerosité potentielle pour le patient et son entourage (plus fréquent si troubles de la personnalité).
signe physiques de dépendance
Symptômes de sevrage
- neuro musculaires : tremblements, myalgies, crampes, paresthésies
- digestifs : nausées, vomissements
- neuro-végétatifs : sueurs, hypotension orthostatique, tachycardie (attention à la déshydratation), HTA
- neuro : crises convulsives
- psychiques : anxiété, dépression, irritabilité, hyperémotivité, cauchemars, hallucinations, confusion mentale.
Ces symptômes touchent 30% des sujets alcoolo-dépendants, risque augmenté si consommation ancienne, massive, ATCD de sevrage.
ATTENTION ! Ces symptômes peuvent être retardés, parfois jusqu’à un mois !
signes psychiques de dépendance
On retrouve l’association de :
- Envie irrépressible d’alcool.
- Perte de contrôle
- Tolérance
- Comportement de plus en plus centré autour de la prise d’alcool.
Accidents du sevrage
CONVULSIONS : généralisées de type grand mal, le plus souvent sans état de mal. Attention, toujours rechercher une autre cause (hématome sous-dural ou extra-dural…)
DÉLIRIUM TREMENS (DT) : AGITATION PSYCHO MOTRICE
- Troubles de la conscience, confusion, désorientation temporo-spatiale
- Tremblements
- Hypertonie oppositionnelle
- Délire de type onirique
- Troubles végétatifs et signe généraux : font la gravité du DT
- Déshydratation intra et extra cellulaire.
CERTAINS FACTEURS PRÉDISPOSENT AU DT : infection, stress, chirurgie
Sa survenue peut être brutale ou précédée de petits signes de sevrage qu’il faut repérer. La survenue d’un DT à l’hôpital est un échec de prise en charge thérapeutique et de surveillance.
TRAITEMENT :
- Transfert en unité de soins intensifs
- Réhydratation avec rééquilibration hydro-électrolytique
- Benzodiazépines en IV toutes les heures jusqu’à endormissement puis toutes les 4h, vit B1 pour prévenir le syndrome de Korsakoff et l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke.
Complications somatiques
Elles sont nombreuses et seront traitées ultérieurement dans d’autres items.
Retenir que ces complications peuvent survenir et surviennent le plus souvent chez des patients ayant une utilisation excessive sans dépendance avérée.
On retrouve notamment des complications :
- Hépatiques
- Pancréatiques
- Cardio-vasculaires
- Digestives
- Traumatiques
- Neurologiques
- Cognitives
- Métaboliques
- Musculaires
- Osseuses
- Oncologiques
- Fœtales
- Nutritionnelles
- Hématologiques
- Dermatologiques
- Néphrologiques
- Psychiatriques
Comme on peut le voir, il en résulte une grande morbi-mortalié. L’ensemble des complications dues à l’alcool sera revu dans chaque spécialité.
Prise en charge
les grands principes
SI USAGE À RISQUE OU USAGE NOCIF : l’objectif est le retour à une consommation modérée.
SI DÉPENDANCE : la prise en charge est plus complexe. L’abstinence totale est le moyen de contrôle le plus efficace, mais ce n’est pas le seul objectif possible. On peut tenter une réduction progressive des doses, ou bien le maintien d’une consommation non à risque.
Dans tous les cas, il s’agit d’une prise en charge pluridisciplinaire.
modalités de prise en charge
Le suivi
Dans tous les cas, il faut favoriser une attitude empathique et créer une bonne alliance thérapeutique. Plusieurs formes de thérapies sont validées :
- L’intervention brève
- L’entretien motivationnel
- La thérapie cognitivo-comportementale
- Les médicaments : acamprosate, naltrexone, disulfiram pour l’aide au maintien de l’abstinence après un sevrage
- Nalméfène pour la réduction des consommations
- Le baclofène après échec des médicaments précédents peut être utilisé avec une RTU depuis 2014.
Attention à toujours prendre en charge les addictions associées.
Traitement de l’alcoolisation aiguë
Généralement, le repos au calme et un apport d’eau suffisent. Rn cas d’ivresse pathologique, l’hospitalisation en psychiatrie est nécessaire et le recours aux neuroleptiques est à envisager.
Sevrage
Le sevrage nécessite une bonne hydratation, de la vitamine B1 et une prescription de benzodiazépines pendant 10 jours en l’absence de contre-indications.
Il peut être réalisé en ambulatoire si le patient est motivé et observant, et s’il ne présente pas de contre-indication aux benzodiazépines comme une insuffisance hépatocellulaire.
Si ces conditions ne sont pas remplies, une hospitalisation est nécessaire.
Après le sevrage, un bon suivi et un soutien sont toujours nécessaires, avec un accompagnement médico-psycho-social.
Dans ce contexte, on obtient 1/3 d’abstinents, 1/3 de rémission partielle et 1/3 de rechutes.
Concernant les lieux de prise en charge, on peut avoir recours aux CSAPA (centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie) et aux CMP (centres médico-psychologiques). Les SSR (soins de suite et de réadaptation) sont adaptés pour les situations plus longues et plus difficiles.